Du maquis au 4e bataillon de choc
Au maquis, Raque et Langlade ont servi sous les ordres de Grande : « ils ont pris part à de nombreuses opérations de résistance, ils se sont signalés par leur conduite exemplaire », certifie Bazot[1].


Le capitaine Du Chaffaut complète : « Ils ont fait l’objet toutes les deux d’une proposition de citation avec le motif suivant : Lors du coup de main de la Grisière le 28 août est allé à trois reprises chercher des camarades blessés sous le feu violent de l’ennemi, après l’ordre de repli de leur compagnie[2]. »
S’il s’agit de « l’affaire de La Grisière » du 26 et non pas du 28 août, le blessé ramené par Raque et Langlade est peut-être Gaudillat[3], grièvement blessé au ventre et qui décédera trois jours plus tard à l’hôpital de Cluny[4].
Raque et Langlade intègrent ensuite le 4e Bataillon de Choc.
Ils servent sous les ordres du lieutenant Gérardin (chef de section) et de son adjoint le sous-lieutenant Decerf. Et, selon Du Chaffaut (commandant de la 10e compagnie), ils sont appréciés par leurs chefs et leurs camarades :

« Ils se sont distingués parmi leurs camarades par leur courage et leur patriotisme point ils ont été plusieurs fois volontaires pour des missions dangereuses. » Du Chaffaut.
Raque et Langlade seront pourtant arrêtés le 10 octobre 1944 alors que le 4e Bataillon de choc est à Longevelle. L’ordre de les ramener à Lyon pour les interroger vient du cousin de l’abbé Boursier alors commandant de l’école de police de Vourle.
Et c’est Padey, un fidèle de Doussot et de Bazot, qui les convoie jusqu’à Lyon le 12 octobre 1944. « Leur départ a été regretté par leur chef et leurs camarades », écrira Bazot. Et « tous leurs camarades souhaitent leur retour et refusent de croire à la réalité de la faute qu’on leur reproche », poursuit Du Chaffaut. Le coup doit être en effet rude pour les anciens maquisards, ceux de la première heure. Savoir qu’on a dans ses rangs deux supplétifs des Allemands qui ont arrêté et convoyé des réfractaires, arrêté également des résistants, ça doit mettre un sérieux coup au moral des troupes…
Raque et Langlade sont de retour à Lyon et emprisonnés à la prison Saint-Paul à dater du 26 janvier 1945.
« L’enquête a permis d’établir que les nommés Langlade et Raque ont procédé à des arrestations de français qui ont été livrés par la suite à la police allemande et qu’ils étaient porteurs de cartes de police allemande. Ils se sont donc rendus coupables d’intelligence avec l’ennemi, et pillage en temps de guerre. Il est néanmoins certain qu’ils ont été entraînés par d’autres individus et n’ont pas su réagir, voyant leur erreur, en raison de leur jeune âge. Ils ont d’ailleurs essayé de se racheter en s’engageant dans les F.F.I. et en combattant avec ses unités sur le front de Belfort[5]. »
L’instruction traîne, Raque et Langlade se rétractant vis-à-vis par rapport à leurs déclarations de l’automne 1944. Si dans un premier temps ils avaient reconnu les faits dont on les accusait, ils nient ensuite tout en bloc. Ils n’auraient porté une arme que le 29 juillet 1944, ils n’auraient jamais assisté à une perquisition ni participé à un pillage. Ils n’auraient arrêté qu’un seul réfractaire qu’ils auraient relâché et ils n’auraient inquiété aucun Juif. Malheureusement pour eux, les témoins entendus une nouvelle fois en 1945 sont ceux de 1944 et ils redisent tous la même chose au juge.
En 1944, Raque et Langlade faisaient leur mea culpa :
« Je regrette tout ce que j’ai pu commettre en étant membre du PPF et de son groupe d’action », concluait Langlade.
Mais plus aucun remords en 1945 puisqu’ils n’ont rien fait de répréhensible.
Ils seront jugés et condamnés le 14 novembre 1945 pour trahison aux peines de 5 ans d’emprisonnement, 5 ans d’interdiction de séjour et à la dégradation nationale pour une durée de 5 ans.
Leur peine a commencé le 26 janvier 1945 et elle doit expirer le 9 novembre 1949.
Recours en grâce
En mai 1946, le procureur général doit statuer devant un premier recours en grâce. Le commissaire du gouvernement lui envoie ses conclusions.
« J’estime que la cour de justice de Lyon, en infligeant à Langlade la peine relativement légère de cinq ans d’emprisonnement a apprécié sans sévérité excessive les faits graves qu’il a commis, et dans ces conditions, j’ai l’honneur de conclure au rejet du recours en grâce présentée par son conseil. »
Devant le deuxième recours en grâce déposé, le commissaire du gouvernement flanche un peu :
« J’estime que ces deux jeunes gens ont largement racheté leur adhésion à un groupe anti national par leur conduite ultérieure et qu’il pourrait leur être fait remise de l’indignité et de l’interdiction de séjour. »
L’histoire ne dit pas si Raque et Langlade ont accompli la totalité de leur peine mais nous supposons que -comme pour de nombreux Gestapistes- elle a été écourtée grâce à un énième recours en grâce.
Pour la Justice, en se rachetant une conduite, le passé des deux GA est ainsi en partie gommé.

Et pour le 4e Bataillon de choc, peu importe finalement ce qui s’est passé avant leur arrivée en Crue puisqu’en janvier 1947, Raque et Langlade sont référencés comme appartenant à l’Amicale des Anciens du 4e Bataillon de choc.
Fin
[1] AD Rhône 394W 178 : attestation du 30 décembre 1944 par L. Bazot, en remplacement d’un certificat analogue égaré dans la procédure.
[2] AD Rhône 394W 178 : attestation en date du 12 octobre 1944 établie par le capitaine du Chaffaut.
[3] René Marcel Gaudillat est né le 2 janvier 1924 à Chapaize. Son nom figure sur le monument aux morts de Chaintré.
[4] Fault pas y craindre. Histoire du Commando de Cluny 4e Bataillon de choc racontée par ses Anciens. Mâcon : Editions B.R.A., 1975, 205 p., pp. 62-63.
[5] AD Rhône 394W 178 : rapport de l’inspecteur de police judiciaire Kleitz au commissaire de police judiciaire, 17 novembre 1944.