Jugés, les GA de Krekler se défendront comme Desmettre : ils n’ont rien fait de répréhensible.  S’il admet avoir appartenu aux GA, Geronimi niera en avoir été le chef. Il n’aurait jamais participé à une arrestation, quelle qu’elle soit. Il ira jusqu’à dire qu’il avait reçu l’ordre de contrecarrer les projets de son chef Krekler en sabotant la déportation des réfractaires. Ce qu’il fit assurément ! C’est ainsi qu’il aurait fait évader en juillet 1944 soixante-dix personnes d’un car de l’O.T.L[1].

Quoi qu’il en soit, Geronimi est attaqué chez lui au 29 rue Paul Chenavard[2] le 8 août 1944 et reçoit cinq balles dans le corps. Certains voulaient peut-être lui faire la peau sans attendre un procès ?

Si Geronimi ment ou refuse de parler, il prend soin également de ses hommes, couvrant leurs crimes contrairement à Krekler. Ce dernier disait de Camille Pellerin que c’était un des plus dangereux de la bande, un tueur qui avait plusieurs assassinats sur la conscience. Mais Pellerin, dira Geronimi, faisait simplement le facteur, portant des plis au siège du P.P.F. C’était également une fée du logis : il rangeait et passait le balai dans le bureau[3] ! Ce ne sera pas la première et la dernière fois que Geronimi se moque d’un commissaire lors d’un interrogatoire. Il sait qu’il n’a plus rien à perdre.

Geronimi sera fusillé comme Richard, Haissemann, Touati, Hamouche, Garin-Michaud et Pellerin, ce dernier n’ayant pas fait que le facteur et le ménage.

Autre ligne de défense, celle de Touati. Pourquoi l’accuse-t-on ? Il dira qu’il ne savait pas lire. Conséquemment, il ne pouvait pas demander les papiers d’identité aux réfractaires qu’il arrêtait dans la rue ! Quant à Haissemann, il a trouvé un Juif pour témoigner en sa faveur.  

Le Populaire du Centre, 14 nov. 1946

À cette date, le verdict n’intéresse pas grand monde, la presse n’y consacrant qu’un entrefilet. Seul Desmettre s’en tirera. (Combat, 16 nov. 1946)

Quand les F.F.I. rendent eux-mêmes la Justice

Avant qu’ils ne tombent entre les mains de la Justice, les F.F.I. ont pu également régler leurs comptes avec les GA. Le maquis de Morestel-Ambléon (Nord-Isère) dont le chef est Émile Bonnet arrêtera ainsi Pigeon et Morandy.

Pour coincer le premier, Bonnet arrête tout d’abord Pigeon père. Contre sa libération, le fils se rend donc au maquis. Et Bonnet lui propose un marché. Il lui faut retrouver le GA Marcel Nallet dont le maquis veut la peau[4]. Pigeon ne pourra pas retrouver Nallet mais donnera son adresse, le 55 rue Vauban. Lorsqu’il sera présenté à la Justice, Pigeon fils écopera d’une peine de cinq ans de prison.

Fernand Morandy sera moins chanceux. Arrêté par le même maquis, on lui règle son compte. Avant d’être exécuté par les maquisards, l’ex GA fera ses aveux à l’inspecteur Proton (« Claude » dans la résistance), notamment au sujet de l’opération à Saint-André-le-Gaz[5].

Les GA « Morts pour la France » !

Nombreux sont les GA à ne pas avoir suivi le P.P.F. ou le SD en Allemagne. Ils restent donc à Lyon ou ses environs mais il leur faut trouver une porte de sortie.

Il y a tout d’abord la Légion. On retrouve ainsi deux GA décédés Robert Gay[6], sergent à la 13e DBLE, décédé le 14 avril 1947 et Albert Chiocca[7] mort le 16 mars 1948 au Tonkin ; il appartenait au 3e REI. Les deux anciens GA ont tous les deux la mention « Morts pour la France ». La même mention sera décernée à André Berlioz (1914-1945). L’ancien GA a été tué à Berlin le 14 juin 1945.

Et puis il y a le maquis comme porte de sortie.

Quoi de plus naturel également que de retourner sa veste et d’entrer en août 1944 en résistance ?  Et force est de constater que tous les maquis ne sont pas regardant comme celui de Morestel.

Hugonnard[8] sera jugé par contumace en 1946. Les enquêteurs ne le retrouvent pas et ils pensent qu’il a pu être exécuté par la résistance, comme Lullier et Nicolas, également recherchés. Hugonnard est en effet bien mort mais pas comme les enquêteurs le pensent. Il avait rejoint le maquis et il décède en tenue de F.F.I. de la dernière heure à Claveisolles en août 1944[9]. Julien Adolphe Hugonnard a un dossier au SHD de Caen et l’ancien GA a obtenu la mention « Mort pour la France ».

Il faudrait également vérifier le parcours de Heurard, F.F.I. du maquis Pilon Pinet, tué au combat. Est-ce un homonyme ? Un Paul Heurard figurait sur la liste des GA de Francis André.

Combien sont-ils à être passés par les mailles du filet ? Il est impossible de le savoir. Mais une chose est sûre : Langlade et Raque sont bien arrivés au maquis de Crue en août 1944. Après Doussot et sa clique de Gestapistes, ça commence à faire beaucoup de personnages douteux en Crue.

Surtout que ces deux-là (Langlade et Raque), ils ont arrêté sans vergogne des réfractaires à Lyon et qu’au maquis, il y a justement beaucoup de gars -des résistants de la première heure- qui ont refusé de partir au S.T.O.

Mais avant de nous intéresser au maquis de Crue, parlons un peu des maîtresses des GA.

À suivre…


[1] AD Rhône 394W 260 : audition de Geronimi par l’inspecteur Valette, 29 octobre 1945.

[2] Geronimi s’est marié le 18 mars 1944 avec Victoire Julie Kramel. La famille Kramel a l’un des plus beaux magasins de fourrures de Lyon. Geronimi sera domicilié chez son épouse, rue Chenavard.

[3] AD Rhône 394W 260 : déposition de Philippe Geronimi auprès du commissaire Maurice Georges, 19 avril 1946.

[4] Pigeon, Nallet et Lauby sont tous trois référencés comme GA du secteur de Pont-de-Cheruy.

[5] Voir l’article concernant l’opération des GA à Saint-André-le-Gaz.

[6] Né en 1924 à Belley. Gay était GA pour le secteur de Bourg-en-Bresse.

[7] Chiocca était GA pour le secteur de Craponne/Arzon.

[8] Hugonnard est né à Lyon en 1924.

[9] Il y a deux maquis à proximité : Valossières et la Grandouze.