Les GA dans leur fuite

Nous sommes fin août 1944. Francis André rejoint Doriot à Neustadt en Allemagne tandis que d’autres sont restés avec le capitaine Ludwig Kramer. C’est le cas du jeune Claude Desmettre.

Avant de parler des meurtres de Belfort et de Banvillars en septembre et octobre 1944 par le SD et les GA qui les ont suivis, revenons un peu sur le passé de Desmettre.

Claude Desmettre est né le 4 mars 1926 à Villeurbanne et il a quatre frères et soeur. Il ne fréquente pas longtemps l’école primaire et n’obtient même pas le certificat d’études. À quatorze ans, il enchaîne les petits boulots : coursier, aide-cuisinier, livreur dans la petite entreprise de son père. Lorsque ce dernier apprend que son fils s’est engagé au P.P.F., il le met à la porte. De son côté, Claude dira que si son père ne l’avait pas mis dehors, il ne serait pas devenu un vaurien. Belle excuse.

La famille Desmettre est appréciée à Villeurbanne. Germaine Stern, Juive originaire d’Alsace, raconte au juge Chambron en janvier 1946 comment depuis 1943 les Desmettre ont aidé sa famille qui se cachait dans le quartier : « Ils ont été à notre égard d’une honnêteté et d’un dévouement scrupuleux, y compris le jeune Claude. » Ainsi les Stern n’ont jamais été inquiétés et ils ont retrouvé leurs biens (des valises), cachées par les Desmettre. Pour Germaine Stern, le jeune Claude a agi comme un gamin. Certes. Mais ce « gamin » est devenu un tueur, notamment lors de l’affaire de Saint-André-le-Gaz, tandis que son père s’est engagé, comme son fils Henri, dans les F.F.I.

En août 1944, les P.P.F., GA et SD, quittent Lyon. Alors que Gueule Tordue rejoint Doriot, Desmettre choisit de rester avec la Sipo-SD de Dijon qui a quitté la ville le 25 août avec deux groupes de Français. D’autres éléments de la SIPO-SD de Besançon (dont Mauz) et de Montbéliard (dont le Goen) se joignent à eux.

Le groupe est sous la haute autorité, dira Rousseaux, du lieutenant-colonel Wilhem Hulf[1]. Deux officiers lui étaient adjoints dont le capitaine Ludwig Kramer. Ledit Rousseaux parlera également souvent de l’adjudant-chef Herald Mauz[2] (SIPO-SD de Besançon), du Feldwebel Karl Haas ainsi que du sous-officier Haldimann.

De septembre à novembre, toute cette troupe à Belfort, au cours de jeunes filles situé faubourg des Ancêtres. Et la répression continue, contre des résistants ou des civils.

Claude Rousseaux, ex-milicien à Autun interrogé en 1946, donnera l’identité des « hommes de Mauz ». Selon lui, deux groupes de Français avaient rejoint le SD, des P.P.F., des GA ou des ex-miliciens. Dans le groupe 1, on trouve : Valdimans[3], Rousseaux, Desmettre, « Auguste[4] », « Bateau » (ou Patau), Pauchat (ou Pauchard), Frédéric Strassner[5], Le Goen (SD Montbéliard), Félix Truqui, Henri Durand, Brisset, Tanchini, Marquis, Pillote (sous-officier du SD), Donnance, Temiot, Pennado et Pierre.

Les Dernières Dépêches de Dijon, 11 février 1947

Pour le 2e groupe de Mauz commandé par le lieutenant Faillefer (orthographe incertaine), Rousseaux ne donnera que les noms du lieutenant Dorn (interprète), de Bussac et de Constantin.

Dans quelles affaires Desmettre sera-t-il impliqué ?

Selon Maurice Gehin, autre Gestapiste du SD de Besançon, Desmettre était l’homme de mains et le garde-du-corps de Mauz[6].

Tout commence le 7 octobre. Selon le témoignage en février 1946 de Claude Rousseaux[7], incarcéré à Belfort et interrogé par Jean Cuvier, le 3 septembre 1944 trois membres du groupe Mauz assassinent Georges Heim[8] 23 rue de Brasse à Belfort -gérant de cinéma et propriétaire d’une brasserie Parmi eux, il y avait Desmettre, Auguste[9] et un certain « Bateau » qui commandait l’expédition. Mauz a sûrement donné un ordre mais peut-être pas celui de tuer Heim.

Des soldats allemands qui passaient également par-là rejoignent les trois sbires et pillent avec eux le domicile de Heim. Ils exigent également de l’épouse qu’on leur remette des chèques et des carnets de caisse d’épargne.

Le 8, Desmettre, Auguste, Haldimann, Pauchat (ou Pauchart) et Bateau (ou Patau) exécutent également l’inspecteur de police Noel[10], après qu’il ait été « jugé » par Mauz[11].

Le 9, Desmettre et deux autres individus « habillés en tenue allemande » arrêtent M. Emond.

Puis, toujours selon les témoignages de Rousseaux et du dénommé Strassner, il participe à la tuerie de Banvillars le 10 octobre.

À suivre…


[1] Responsable entre autres du massacre de Dun-les-Places. Jugé à Dijon par le tribunal militaire, il sera acquitté en 1948.

[2] Adjoint de Meissner du printemps 1943 au début de l’année 1944. Né en 1905, il aurait été avant la guerre dessinateur publiciste, puis employé d’un camp de jeunesse. Très brutal lors des interrogatoires, il suscitait même la crainte de son chef qui n’osa que très rarement s’opposer aux pratiques de son subordonné. Mauz fut en particulier le meurtrier du passeur et résistant Paul Koepfler, abattu le 31 mars 1943 dans une rue de Poligny. Mauz fut condamné à mort par contumace. Voir : https://www.chaprais.info/2017/09/la-gestapo-a-lhotel-de-lorraine-face-a-la-gare-viotte/

[3] Il s’agit d’Haldimann. Rousseaux dira qu’il parlait souvent de Zurich et qu’il avait le grade de sergent.

[4] Il pourrait s’agir de Raymond Fultot, P.P.F. de Lyon, ancien chef de la L.V.F., officier de marine marchande. Fultot, né le 25 septembre 1908 à Rouen. Cependant Sylvie Altar donne Fultot comme présent avec Francis André au camp de Neustadt.

[5] Soldat allemand qui désertera en octobre 44. C’est lui qui a dénoncé la tuerie de Banvillars par le groupe de Mauz.

[6] Extrait d’interrogatoire de Maurice Gehin par l’inspecteur Henri Jeanblanc, 10 octobre 1945. Ludwig Kramer du SD de Dijon confirmera que c’était Mauz qui était chargé de recruter des agents. Il se souvient des noms de Desmettre et de Turqui.

[7] Claude Lambert Rousseaux né le 17 mai 1928 à Sartrouville. Ex-milicien à Autun, il a rejoint le SD de Dijon en août 1944. Incarcéré à Belfort puis à Besançon, il est condamné à mort et sa peine commuée. Il est décédé en 2018.

[8] Georges Joseph Heim, né le 25 juin 1889 à Epinal.

[9] Ancien marin, originaire de Chalon-sur-Saône, 28 ans environ selon Rousseaux. Auguste serait également lié à l’assassinat d’un certain Boisseau, propriétaire d’une maison de tolérance à Belfort le 16 octobre 1944 dans les locaux du SD au faubourg des Ancêtres.

[10] Noel Francis, Jean, Raymond. Inspecteur de police, né le 28 août 1920 à Belfort et décédé le 8 sept. 1944 à Valdoie.

[11] Contrairement à ce que déclare Rousseaux et selon Strassner, Desmettre n’a pas participé à l’exécution de Noel. Étaient seulement présents Auguste et Patau (ou Bateau).