Geronimi, le tueur
Version des GA aux policiers de la place Sathonay
Néanmoins, Geronimi ment sur un point : il n’a pas prévenu lui-même la police. Ce sont deux GA qui se présentent au poste de police de la Place Sathonay (Ier arr.)[1]. « lls informèrent les gardiens de la Paix qu’au court d’une opération de police chez des « israélites », 5 place Croix-Paquet au 1er étage, à « la Maison Izraelski, fabrique de confection », une jeune femme avait été blessée et qu’elle devait être décédée. Ils demandèrent aux gardiens de faire enlever le corps et précisèrent que s’ils voulaient obtenir plus d’informations, ils devaient s’adresser « à la Police Allemande, service du Docteur Kremler, 85 avenue de Saxe à Lyon. ».
Les gardiens de la Paix se rendirent dans l’appartement et constatèrent le décès de Lola Izraelski. A 12h45, ils prévinrent le commissaire de police de permanence qui arriva sur les lieux. Sur place, un membre de la police allemande lui donna sa version des faits : « ce jour à 12 heures 15 en compagnie d’un de ses collègues il s’est présenté au N°5 de la Place Croix Paquet pour y procéder à l’arrestation d’un individu de confession israélite. Dans un appartement situé au Ier étage de l’immeuble […] les deux agents de la police allemande se sont trouvés en présence d’un homme et de deux femmes. Cet homme et ces deux femmes profitant qu’un des policiers effectuait une perquisition dans l’appartement ont agressé son compagnon. Voulant se porter à son secours il a été lui-même agressé par une des deux femmes la nommée Imbert Lucienne […] qui au cours de la lutte a été blessée mortellement d’une balle au cœur. L’homme a pu prendre la fuite en sautant par une fenêtre dans la cour de l’immeuble bien que blessé à une jambe. »
Dans son rapport, le commissaire précisa que la deuxième femme avait été emmenée par la police allemande et qu’il n’avait pas été possible de relever son identité. Après avoir recueilli la version de l’agent de la Gestapo, le commissaire de police décrivit la scène : « Nous constatons dans une pièce formant atelier de couture situé au Ier étage de l’immeuble […] la présence du cadavre d’une femme ne donnant plus signe de vie. Le corps est étendu sur le dos, les mains le long du corps, ne portant aucune trace de violence, seule une blessure apparente au-dessus du sein gauche provoquée par une balle de 6m/m35. Le corps est vêtu d’une robe en tissu imprimé, les pieds nus, les souliers se trouvant à proximité de la porte d’entrée de la pièce. »
Le corps de Lola Izraelski fut conduit à l’institut médico-légal. Divers objets furent retrouvés sur elle : une bague en métal blanc avec pierre rouge, une chaîne tour de cou en métal blanc, une montre bracelet en métal jaune, un portemine en métal blanc, un mouchoir et un torchon. Elle était habillée d’une jaquette, d’une robe et d’un pantalon. Le gardien de la Paix présent lors de la fouille du corps précisa que la police allemande lui avait remis une carte d’identité « supposée fausse » établie au nom d’Imbert Lucienne, née le 8 juillet 1920 à Paris (XIIe arr.), de Jean et de Marie Roussel, employée de bureau demeurant 176, Grande rue de Monplaisir à Lyon, avec changement de résidence 4, rue Dumange à Lyon. Interrogée par la police, la concierge du 5 place Croix-Paquet, déclara que Lucienne Imbert se nommait en réalité Lola Izraelski et qu’elle était la fille du propriétaire de l’atelier situé au 1er étage. »
Geronimi et ses GA ont pu raconter ce qu’ils voulaient au commissaire.
Lola a-t-elle été tuée parce qu’elle s’interposait entre un GA et son frère ou l’homme qui a réussi à s’enfuir ? A-t-elle été achevée par Geronimi ? Charles a-t-il été exfiltré avant l’arrivée des policiers pour ne pas avoir à témoigner ? Combien y avait-il de personnes présentes dans l’appartement puisque Geronimi parle « d’autres personnes arrêtées le même jour » ? Lola, son frère, un homme blessé qui s’est enfui, Itka, peut-être Régine et peut-être d’autres ?
S’il est certain que Lola Izraelski a été tuée et qu’Itka Melachowicz a été déportée, il nous est impossible de dire ce qui s’est passé exactement le 28 juillet au 5 Croix-Paquet. Pourquoi Charles donne-t-il une version totalement différente de celle des inspecteurs Prost et Mochon ? Si Charles a en effet été accueilli et sauvé par les deux inspecteurs, pourquoi n’en fait-il pas état ? Qui dit faux ? Et pourquoi ?
Philippe A. Boiry termine ainsi sa notice biographique consacrée à Charles Lavégie[2] : Blessé, celui-ci réussit à quitter Lyon et à rejoindre le maquis de Cuisery en Saône-et-Loire. Il combattit jusqu’à la Libération et le 12 septembre, il « était affecté à la prévôté de Lyon ».
À suivre…
[1] IZRAELSKI Lola [IZRAELSKI Zlata dit]https://fusilles-40-44.maitron.fr/spip.php?article196768
[2] Charles Izraelski gardera son nom de résistant à la Libération. Il a en effet un dossier à Vincennes au nom de Lavégie.