Louise Lehmann, 13 place du Pont
Louise Brunschvig née à Avenches en Suisse en 1875 a épousé Albert Lehmann, né à Gray le 28 mai 1865. Comme son père, Albert est marchand de chevaux. À Lyon, le couple aura deux enfants : Lucien (1896), décédé en bas-âge et Robert (29 décembre 1898). Selon les recensements, la famille Lehmann est domiciliée rue Gambetta puis au 13 rue du Pont.
Albert Lehmann décède le 5 novembre 1934. En novembre 1942, Merian est nommé administrateur provisoire de tout immeuble et de tout bien meublé appartenant à Louise Lehmann, 13 place du Pont. Le décret s’appliquant spécialement aux immeubles 33 et 35 de la Grande rue de la Guillotière et aux 11-19 de la rue des Passants est étendu aux biens personnels appartenant à la veuve Lehmann.
Son fils Robert est bien connu à Lyon. Président du Chema Israël et membre du Consistoire de Lyon, il va très tôt se préoccuper du sort des persécutés. Et il est également engagé dans la résistance. Il est arrêté le 13 décembre 1943 à Valence et déporté à Auschwitz par le convoi n°66.

Les biens de la famille Lehmann attise la convoitise des GA. C’est Charles Cornut, inspecteur de police, qui mène l’enquête en 1946[1].
Fin juillet 1944, un trio d’individus « se disant appartenir à la police allemande » arrêtent Louise Lehmann. Auparavant, elle avait déjà reçu la visite de cambrioleurs qui avaient déguerpi devant l’arrivée de policiers français. Louise avait été rouée de coups et transportée à l’hôpital.
Selon sa voisine Clémence Bonhomme, Louise ayant été arrêtée, des couples vinrent s’installer au 13 rue du Pont en cette fin juillet 1944. Elle reconnaît Guy Dubois. Celui-ci avait cambriolé quelque temps auparavant la bijouterie de sa belle-soeur au 305 cours Lafayette.
Dubois s’installe donc chez Lehmann avec Paulette Chaumont, sa maîtresse. Et comme l’appartement est spacieux, d’autres GA ne vont pas manquer de profiter de l’aubaine. On y retrouve : Pierre Flory, Marcel Robert, sa femme, sa belle-mère et le compagnon de cette dernière. Et c’est sans compter d’autres GA qui les rejoignent ponctuellement.
Prendre possession des lieux. C’est non seulement voler mais dormir dans le lit de Louise Lehmann, déjeuner à sa table, vivre dans et avec ses souvenirs. Fouiller les commodes, toucher du doigt l’intime de toute une vie. Vendre ce qui est négociable. Rire des photos, les jetter. Lire les correspondances, casser les bibelots. Anéantir les traces. Anéantir les vies.
Louise Lehmann sera déportée et ne reviendra pas d’Auschwitz, c’est ce que confirme son cousin Marcel Levy, domicilié au 31 de la rue des Capucins. Nous n’avons pas retrouvé son nom dans les listes des convois, mais il est probable qu’elle ait été déportée par le convoi 77 ou le convoi 78 du 11 août 1944. Lorsqu’il témoigne auprès de l’inspecteur, Marcel Levy dira que l’on considère Robert, son neveu, comme décédé également. En effet, Robert Lehmann est mort à Auschwitz le 25 janvier 1944.
Guy Dubois a été condamné à mort à la Libération et exécuté. Sa maîtresse Paulette Chaumont purgera une peine de prison de cinq ans à Saint-Paul. Pierre Flory a été condamné à mort mais sa peine a été commuée en vingt ans de travaux forcés. Il meurt en prison le 25 décembre 1945. Quant à Marcel Robert, il restera un mystère pour tous les enquêteurs. Aucun des GA ne pourra donner sa véritable identité et il semble qu’on se soit préoccupé trop tardivement de savoir qui il était…
À suivre…
[1] AD Rhône 394W 260. Affaire Garin-Michaud. PV du commissaire Gaston Amiot suite à l’enquête de l’inspecteur Cornut, 25 mai 1946.