Quel collégien ou lycéen n’a pas entendu parler de Lili Keller-Rosenberg (épouse Leignel) ? À la rencontre des jeunes, mercredi dernier elle était à Meyzieu, jeudi à Cluny, vendredi à Montchanin. Et quand il n’y a pas la Covid, c’est à environ 22 000 élèves par an qu’elle raconte dans les moindres détails son histoire de rescapée de la Shoah. Difficile de faire mieux.
Avant de s’emparer du micro, elle a un peu le trac. Mais pas pour longtemps. Elle a mis une touche de rouge à lèvres, du rouge pétant. Car Lili, après avoir été enfermée dans un wagon à bestiaux, après avoir vécu dans la saleté des camps, dans la vermine de Ravensbrück puis de Bergen-Belsen, le dit aux jeunes : c’est important de prendre soin de soi.
Debout. Elle témoigne debout pendant plus d’une heure. Quand elle demande aux élèves quel âge ils lui donnent, tout le monde applaudit. Car oui, à presque quatre-dix ans, parcourir la France du Nord au Sud pour raconter la déportation des enfants juifs, chapeau bas Madame. Mais, après avoir connu les appels au milieu de la nuit, des appels où il fallait patienter dans le froid glacial des hivers de 1943 et 1944, la fatigue pendant une conférence, Lili n’en fait pas une montagne.
Des histoires de déportation, les camps, la Shoah, bien entendu chaque jeune en a entendu parler. Mais là, ça sonne vrai. Pragmatique, directe, Lili ne s’embarrasse pas de faux-semblants.
Déportés parce que nés Juifs
Déportée de Roubaix à onze ans avec ses deux frères et ses parents parce que nés Juifs, Lili raconte. L’arrestation en pleine nuit, le camp de Malines puis de Ravensbrück pour la mère et les enfants tandis que le père part pour Buchenwald d’où il ne reviendra pas.
L’histoire des enfants Keller-Rosenberg tient du miracle car rares sont les fratries qui ont survécu à l’enfer des camps. Les trois enfants -dont le plus jeune n’a que trois ans et demi- sortiront de Bergen-Belsen le 15 avril 1945 grâce, et Lili le souligne inlassablement, à l’amour d’une mère dont le seul objectif a été de les sauver. Atteinte du typhus, celle-ci se battra ensuite pour sa propre survie. Lorsqu’elle passe par l’hôtel Lutetia, elle ne pèse plus que vingt-sept kilos.
Arrive enfin le temps des retrouvailles. Rentrée à Roubaix, la famille Keller-Rosenberg trouve une maison pillée. Grâce à la solidarité des voisins, la vie reprend tout doucement son cours. Lili deviendra secrétaire de direction et son frère André, déporté à trois ans et demi, enseignant.

Lili publiera deux livres : Et nous sommes revenus seuls » et « Je suis encore là ».

Son frère André -docteur en histoire- est l’auteur de l’ouvrage « Les enfants dans la Shoah. La déportation des enfants juifs et tsiganes de France. »
Après avoir décrit l’horreur des camps avec les yeux d’une enfant de onze ans, la douce Lili a quitté élèves et étudiants comme à son habitude : en chantant quelques berceuses dans les langues apprises au camp.
Maintenant, conclut-elle, c’est à vous les « enfants » comme elle les appelle, d’être des passeurs de Mémoire et de lutter contre le racisme et l’antisémitisme. Avec Lili, sans nul doute le message a été entendu.