Des meurtres impunis
Un pistolet ou une mitraillette dans les mains, ce n’est pas un jouet. Et pourtant tous les gamins de dix-sept ou vingt ans qui travaillent au GA en possèdent. La mitraillette, c’est pour monter la garde devant le siège du P.P.F. ou pour les opérations importantes. André Sorlin, charcutier, témoignera auprès du juge Merlin : il a vu Langlade, armé d’une mitraillette, garder le siège du P.P.F. lors de la venue de Doriot à Lyon[1].

Le pistolet, c’est pour tous les jours
Touati est porteur d’un automatique 6.35 mm, de la marque « Le Sans Pareil ». Quant à Raque, il est armé d’un pistolet automatique calibre 7.65 mm de marque Herstal. Il se défendra de l’avoir utilisé : « Je ne me suis jamais servi de mon arme, même pour l’essayer[2]. » Langlade, de son côté, dira qu’il n’a tiré que quelques fois, mais en l’air…
Pas sûr qu’ils sachent tous s’en servir. Georges Depres, vingt ans, aurait ainsi tué son collègue Jarlier « par mégarde », dira Krekler. Quant à Haissemann, il avait déjà blessé un de ses collègues milicien -André Jund, 28 ans- le 29 février 1944[3]…
Ils ont la gâchette facile.
Le 5 mars 1944, des coups de feu sont tirés à proximité du siège du P.P.F. Desmettre sort avec une mitraillette. Il tire une balle qui traverse le manteau d’un garde nommé Sorcières, arrêté. C’est un brigadier, Louis Desebes, qui désarme le GA. Desmettre fut arrêté par la police française mais relâché bien sûr par les Allemands[4].
Le meurtre de Debbab
Des meurtres impunis, il y en a eu d’autres. En juillet 1944, Desmettre contrôle dans le tram Messaoud Debbab, restaurateur au 12 rue Imbert Colomès. Celui-ci transporte des boîtes de conserves. Debbab tente de s’échapper et Desmettre lui tire dessus. Rejoint par Touati, il arrête Debbab. L’affaire en reste là et Debbab les convient à dîner dans son restaurant.
Saïd Touati [5] revient cependant quelques jours plus tard avec Desmettre et tue Messaoud Debbab, le 15 juillet 1944. Debbab a-t-il été rançonné par les deux GA et a-t-il refusé de payer ? Règlement de comptes entre milice et GA ? En effet, Georgette Pin, compagne de Debbab, déclarera qu’il trempait dans des affaires avec la milice et qu’il aurait même fait déporter des gens.
Le jour du meurtre, Touati prévient ainsi Georgette : « Toi, si tu ne te tais pas, on te fait la peau [6]. »
Touati est arrêté le 3 août 1944 par la brigade Nord-Africaine de la section de police de sûreté de Lyon pour homicide volontaire et remis le même jour à la police allemande[7]. Mais, comme l’aurait dit le chef de la Gestapo au docteur Krekler, dans tous les cas, il vaut toujours mieux « tirer un coup de revolver de trop que de ne pas en tirer du tout. » Conséquemment, Touati est relâché et s’en va libre comme l’air.
Dénoncer et arrêter ses voisins
Ce sont des brutes et qui ne s’embarrassent d’aucun scrupule. Ainsi, ils n’hésitent pas à arrêter même leurs voisins ou des connaissances proches. En juillet 1944, Richard arrête son ami Klucznik avec lequel il avait travaillé à Villeurbanne. Flory avouera avoir arrêté Mounier le 8 juillet 1944 au Crédit Lyonnais par vengeance personnelle. Il était persuadé que c’était la faute de ce supérieur s’il n’avait pas été réintégré sur son lieu de travail en revenant des chantiers de jeunesse [8]. Langlade et Raque n’hésiteront pas, eux, à venir inquiéter leur voisine, Madame Rémus. Et Langlade se distinguera davantage puisqu’il dénoncera le curé de sa paroisse, l’abbé Boursier, exécuté à Saint-Genis-Laval.
À suivre…
[1] AD Rhône 394W 718 : déposition d’André Sorlin au juge Merlin au sujet de Langlade, 19 avril 1945.
[2] AD Rhône 394W 260 : PV d’interrogatoire de Raque par l’inspecteur Pohl, 9 nov. 1944.
[3] Garcin Paul. Interdit par la censure 1942-1944. Brignais : éditions Les traboules, 2014, 241 p.
[4] AD Rhône 394W 258. Déposition du brigadier Louis Desebes, 8 février 1946 devant le juge Chambon.
[5] Né le 20 août 1903 à Bougie Sidi Aich.
[6] AD Rhône 394W 259. Témoignage de G. Pin interrogée par le commissaire Paul Lacombe dans l’affaire Touati/Debbab, 19 juillet 1944.
[7] AD Rhône 394W 259 : Rapport du commissaire de police Henri Chalumeau au commissaire principal, 28 novembre 1945.
[8] AD Rhône 394W 259. Audition de Pierre Flory par l’inspecteur Truche, 20 septembre 1944.