Arrestations, déportations et exécutions à Saint-André-le-Gaz

Hans Krekler déclarera à l’inspecteur Pohl à l’automne 1944 qu’il s’était opposé à l’intervention des GA à Saint-André-le-Gaz[1]. Geronimi passe cependant outre ses ordres et part rejoindre les troupes allemandes. Il est accompagné de douze GA selon Krekler, dix selon Morandy. Ce dernier sera arrêté par le maquis de Morestel en août 1944 et exécuté.

Sont identifiés par Morandy les GA : Reynaud[2], Jacob, Richard et le jeune Claude Desmettre, vingt ans[3]. Krekler cite également Touati, Vincent et Langlade. Ce dernier se défendra toujours de s’être rendu au village et l’enquête n’a pas permis de vérifier sa présence et sa participation à la tuerie.

Le 8 juillet à Saint-André-Le-Gaz

Selon le Maitron en ligne, « C’est à Saint-André-le-Gaz que bifurque la voie ferrée venant de Lyon vers Grenoble (Isère) ou Chambéry (Savoie). La gare de la commune constitue de ce fait un noeud ferroviaire important.

Le 7 juillet 1944, un groupe de maquisards du maquis de La-Frette (Isère) fit sauter le château d’eau du dépôt S.N.C.F et le pont tournant des locomotives. En fin d’après-midi, ils firent aussi dérailler des wagons au niveau du passage à niveau des « Fontaines », rendant la circulation des trains impossible en direction de Chambéry.

Un train de marchandises destinées aux troupes allemandes de la région grenobloise qui se trouvait immobilisé en gare fut pillé et les provisions distribuées aux habitants, tabac et farine notamment.

De la farine fut apportée aux trois boulangers du village avec ordre de faire cuire du pain.

Le 8 juillet 1944, avant l’aube, des troupes allemandes venues de Bourgoin (aujourd’hui Bourgoin-Jallieu, Isère) et de Lyon (Rhône) et accompagnées de miliciens encerclèrent et investirent la commune. Trois soldats allemands se rendirent chez le maire de la commune et l’obligèrent à coups de crosse à les accompagner, à demi-vêtu, chez les jeunes habitants de la commune considérés comme suspects et chez les boulangers. Les maisons furent perquisitionnées et les personnes suspectes emmenées près de la gare[4]. »

Les deux boulangeries Vallin et Berthollet seront pillées et incendiées.

Selon le témoignage de Marcelle Giroud, Geronimi vient chez ses parents vérifier son stock de farine.

Bien entendu, la farine sera volée par les GA et c’est Robert Poulet, camionneur à Pont-de-Beauvoisin,  qui sera obligé de la transporter dans son camion pour le compte des GA. Il assurera au juge Micolier qu’ils étaient cinq et que Geronimi et Desmettre étaient bien présents[5].

Marcelle Giroud sera emmenée place Bellecour avec quinze autres personnes, dont selon le Mémorial de l’oppression : Aimé Annequin, Emile Auger, Emile Cyvoct, Doltaire, Julien Giroud, Francisque Guillon, Albert Vallin. Toujours selon Marcelle Giroud, quatre autres personnes ont également été arrêtées le même jour : le couple Libermann (Albert et Lucie)[6], monsieur Faure de Charavignes et son fils. Ces noms n’apparaissent ni sur le Mémorial de l’oppression, ni sur les différents sites relatant les arrestations du 8 juillet.

Lorsqu’elle déposera contre Geronimi en 1946, Marcelle Giroud signalera qu’au village, on n’est encore sans nouvelles d’Albert Vallin, de Julien Giroud et de Francisque Guillon.

Elle apprendra sûrement plus tard qu’elle est avec le couple Libermann, la seule rescapée des camps[7].

Arrestations, déportations. Allemands et GA ne s’arrêtent pas là. Alors que Marcelle Giroud est conduite à la gare, elle entend les fusillades. Le premier à être exécuté s’appelle Louis Jahard, de passage au village. Et selon le Maitron en ligne, tombent également : Jean Lescure, un maquisard originaire de la-Tour-du-Pin et Maurice Gonon, abattu dans son champ, près des « Fontaines », peut-être parce qu’il se montrait trop curieux des wagons déraillés à proximité. 

Puis, lorsque le car s’ébranle pour prendre la direction de la place Bellecour à Lyon, Marcelle entend la deuxième fusillade qui fera dix victimes :

Alexandre Berthollet et Joseph Vallin, tous deux boulangers et les employés de la S.N.C.F. : Auguste Audigier, Jean Caille, Charles Cattin, Maurice Chenal, Auguste Desormieres, Jean Fontaine, Elie Fustier et Paul Vachez.

Ce ne sont pas les Allemands qui ont fusillé

Si on lit de partout que les fusillades furent le fait « des Allemands et de la Milice », quelle fut la responsabilité de Geronimi et des GA à Saint-André-le-Gaz ?  

Selon Krekler, Geronimi demande sur place à ses hommes : « Lequel de vous n’a pas encore tué un homme ? »

C’est Desmettre qui a répondu : « Moi, je n’ai encore tué personne ».

Geronimi le charge alors d’abattre quatre hommes. Krekler poursuit : « Le cynisme d’un tel acte m’a tellement indigné que j’ai jugé opportun de signaler la conduite de Geronimi et de Desmettre à mon supérieur direct monsieur Schoebss, directeur régional de l’O.P.A. Celui-ci ne m’a jamais répondu, et a dû transmettre mon rapport à la Gestapo[8]. »

Voler les marchandises destinées aux prisonniers de guerre

Morandy donnera le 25 août 1944 d’autres détails importants quant à la responsabilité des GA : « Néanmoins, je peux vous faire connaître qu’ils sont partis le dimanche soir et revenus le mardi soir, porteurs d’une grande quantité de cigarettes et de boîtes de conserves que nous nous sommes partagés. Richard, Desmettre et Jacob m’ont dit qu’ils avaient fusillé dix cheminots qui, soi-disant, travaillaient pour le maquis. Les marchandises qu’ils avaient volées portaient une mention indiquant qu’elles étaient destinées aux prisonniers de guerre. Je précise que ce ne sont pas les Allemands qui ont fusillé les personnes en question mais les membres du P.P.F. que je viens de vous nommer[9]. »

À suivre…


[1] Selon la notice du Maitron, l’opération est menée par les Allemands et « la Milice ». Aucune allusion n’est faite à la présence des GA de Krekler. Or, les GA ne sont pas « la Milice ».

[2] Jean, Jules, Pierre Reynaud né le 14 octobre 1911 à Viviers. Condamné et exécuté (1950).

[3] AD Rhône 394 W260 : déclaration de Morandy à l’inspecteur Proton, le 25 août 1944. Pierre Proton qui appartenait à la police F.F.I. avait arrêté Morandy et l’avait interrogé au maquis de Morestel.  

[4] https://maitron.fr/spip.php?article224694

[5] AD Rhône 394 W258 : Déposition de Robert Poulet, 12 février 1946.

[6] Nous trouvons les noms du couple Libermann sur le monument de Saint-André-le-Gaz. Lucie est rentrée de Ravensbrück et Albert d’Auschwitz.

[7] chrome-extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/viewer.html?pdfurl=https%3A%2F%2Fsaintandrelegaz.fr%2Fwp-content%2Fuploads%2Fsites%2F403%2F2019%2F07%2FSaint-Andr%25C3%25A9-Le-Gaz-Trag%25C3%25A9die-du-8-juillet-1944-Roger-GALLIEN.pdf&clen=3467841&chunk=true

[8] AD Rhône 394 W2 : Déposition de Krekler à l’inspecteur Pohl, 12 septembre 1944.

[9] AD Rhône 394 W260 : déclaration de Morandy à Proton, le 25 août 1944. Pierre Proton qui appartenait à la police F.F.I. avait arrêté Morandy et l’avait interrogé au maquis de Morestel.