Les tueurs
Dans la rafle de Bourg-en-Bresse, si Cardinali et Mazas n’endossent que le rôle de dénonciateurs. Mais, lors d’autres opérations, certains GA tuent.
Krekler dira à plusieurs reprises à l’inspecteur Pohl qu’il ne tenait pas tous ses hommes. Dans le lot, il y a ceux à qui il ne reprochait rien. Mais il y aussi les « sadiques », les « dangereux », les « tueurs ». Sont nommés par Krekler et par d’autres GA : Philippe Geronimi[1] « qui martyrisait tous les gens qui lui étaient confiés », Vincent[2] qui frappait même -comme Geronimi- ses propres collègues, Chiocca[3] « un tueur qui a de nombreux méfaits sur la conscience », Mayer[4] un GA « extrêmement dangereux », Marcel Robert[5] qui se promenait toujours avec une cravache, Despres[6] qui a assassiné « par mégarde » son collègue Jarlier, Camille Pellerin[7] « l’un des plus dangereux du groupe d’action (…) un tueur[qui] avait certainement plusieurs assassinats sur la conscience », Gabriel Richard « une brute finie », Touati « un sadique », Haissemann[8] qui « se distinguait par sa cruauté » et Desmettre qui a au moins quatre assassinats sur la conscience.






On imagine combien il a été long et compliqué pour l’inspecteur Pohl et ses collègues de retracer le parcours de chacun, d’enquêter, de retrouver toutes les victimes. À la lecture du Mémorial de l’oppression, combien ne sont pas identifié-e-s ? 8 août 1944 : quai Saint-Vincent, homicide volontaire, un homme non identifié. 9 août 1944, rue de Bonnel, homicide volontaire, un homme non identifié. 17 août 1944 : rue du Bachut, homicides volontaires, quatre hommes non identifiés[9]. Et qui était ce Polonais tué le 22 juillet 1944 à l’hôtel Edelweiss de la rue Masséna, alors qu’il tentait de s’enfuir[10] ?

De la difficulté pour la Justice de mener les enquêtes à la Libération.
À Lyon, au détour d’une rue, certains GA tuent. « À l’angle de la rue Robert et de la rue Masséna », Pellerin abat un homme. On ne connaît même pas son nom. « Le corps de la victime a été enlevé par des amis[11] », dira Krekler. Le 10 août 1944, l’inspecteur Charbonnier est tué rue de l’Abondance par Hamouche[12], alias « le chinois ». Les GA, tous armés, ont la gâchette facile. Et la liste des « affaires » traitées par l’inspecteur Pohl est longue.
Le 21 juillet 1944, à proximité du siège du P.P.F., une bombe explose. Cette fois-ci, c’est Gabriel Richard[13] qui tire et blesse Grimaud, un employé de l’O.T.L.
Richard accompagné de Cabanis[14] et de Morandy[15] exécute à Grigny le 17 août 1944 quatre ouvriers « pour des motifs futiles ». Ces hommes, réquisitionnés pour le déblaiement des voies de communication, ne mettaient pas assez de cœur à l’ouvrage[16]. Ils arrêtent également Félix Héritier, buraliste à Grigny. Celui-ci sera exécuté à Saint-Genis-Laval le 20 août 1944.
À suivre…
[1] Philippe Geronimi né le 24 août 1910 à Lyon. Habitait au 29 rue P. Chenavard. Condamné et exécuté en janvier 1947.
[2] Il doit s’agir de René Vincent qui a appartenu également à l’équipe Sambet. Né le 10 septembre 1918.
[3] Charles Albert Chiocca né le 1er mai 1925 et « Mort pour la France » au Tonkin en mars 1948.
[4] Aucun renseignement sur lui, hormis qu’il était « fils d’un général ».
[5] Faux nom. Son identité ne sera jamais découverte.
[6] Georges Depres né le 21 avril 1924. Habitait au 60 rue de Cuire.
[7] Camille Gaston Pellerin né le 2 décembre 1924 à Lyon. Habitait au 5 montée de La Butte. Condamné et exécuté en janvier 1947.
[8] René Roger Raymond Haissemann né le 26 août 1909 à Oullins. Habitait au 7 rue Romarin. Condamné et exécuté.
[9] chrome-extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/viewer.html?pdfurl=https%3A%2F%2Farchives.rhone.fr%2Fmedia%2Ffe82cfc2-ee88-4846-9bff-6a3576bde30b.pdf&clen=29352602&chunk=true
[10] Garcin Paul. Interdit par la censure 1942-1944. Brignais : éditions Les traboules, 2014, 241 p., p. 220.
[11] AD Rhône : 394 W 260 extrait du procès-verbal dressé par l’inspecteur Pohl, 12 décembre 1944.
[12] Hamouche Arezki ben Mohamed dit « Le chinois » né en 1905 à Douar Beni Oughlis. Condamné et exécuté.
[13] Gabriel Richard né le 5 juillet 1914 à Lyon. Habitait au 74 cours de la République. Condamné et exécuté en janvier 1947.
[14] Aucune information à son sujet.
[15] Fernand Morandy né le 20 novembre 1925. Exécuté par le maquis de Morestel en 1944.
[16] Joseph Francisque Jeannolin-Curial, Ferdinand Auguste Jabelot, Jules Perrier, Marcel Deloche.