Le sujet des collaborateurs français à la Gestapo de Lyon est tellement vaste qu’on ne peut s’empêcher de remettre l’ouvrage sur le métier et de vous présenter une nouvelle série d’articles.

Qui sont-ils ? Pourquoi s’engagent-ils aux côtés des Allemands ? Quelles actions menèrent-ils ? Qui sont leurs victimes ? Quel fut leur devenir après le débarquement seront les principales questions auxquelles nous tenterons d’apporter des réponses.

La série s’intéressera particulièrement à un groupe peu connu : le Groupe d’Action de Justice Sociale (G.A.J.S) dirigé à Lyon par le docteur Hans Krekler. Ce choix s’explique tout simplement parce que, d’une part, les GA sont chargés de traquer non pas les résistants mais les réfractaires et que, d’autre part, après Doussot et sa bande, on retrouve certains des membres du G.A.J.S. au maquis -celui de Crue par exemple- voire au 4e bataillon de choc. D’où bien sûr notre intérêt…

Comme l’auteur P. Clément, nous l’avions souligné dans la série d’articles relatifs aux gestapistes tricolores : l’occupant a besoin d’avoir recours à des auxiliaires français. Cela lui permet de « bénéficier d’effectifs « opérationnels », français (donc familiers avec la langue et les codes sociaux) mais aussi déterminés, volontaires, en raison de leur idéologie. » Comme l’indique Fuchs, interprète au KDS de Lyon, « sans le concours de nombreux auxiliaires [essentiellement des membres du P.P.F.], Barbie et les siens n’auraient pu avoir qu’une action extrêmement limitée. Ils doivent à la Gestapo française d’être sortis de l’obscurité. » Knochen, chef de la SIPO-SD en France, dira la même chose.

Quels auxiliaires ?

Tout d’abord la Milice. Instituée par le régime de Vichy le 30 janvier 1943, elle prend la suite du Service d’Ordre légionnaire (le « SOL »). Placée sous l’autorité du chef du Gouvernement, la Milice « fut partie prenante des politiques de répression et de persécution conduite en France contre la Résistance et les Juifs durant l’Occupation. À tel point que la Milice supplante dans la conscience collective tous les autres acteurs français de la répression pour incarner, presque à elle seule, l’engagement physique de certains français au service de l’occupant nazi, autrement dit la collaboration armée. »

Les Miliciens poursuivent leurs activités professionnelles tout en militant. À Lyon, le siège de la Milice est installé au 85 rue de la République et elle compte dans le Rhône plus d’un millier d’adhérents. Plus de 600 membres de la Milice appartiennent à sa branche militaire : la Franc-Garde.

La Franc-Garde- uniforme noir, béret marqué du gamma grec.

Pierre Clément note ensuite : « Cependant, l’aide apportée par les forces de police françaises sous la conduite de l’intendant Cussonac ne semble pas suffisante. La police de sécurité allemande a besoin de bénéficier de personnels français, comme l’indique le recrutement de nombreux français au sein de ces différents services. »

Les agents français appointés à Lyon : quelles équipes ?

Notamment aux côtés de Klaus Barbie, on trouve différentes équipes composées majoritairement d’agents français. Contrairement à la grande majorité des miliciens, eux sont appointés. Ils bénéficient en outre remis du « carton » (carte de police allemande), d’un permis de port d’arme virgule, d’un permis de circuler et de cartes d’alimentation réservées.

Sont dénombrés quelques agents à la section III (surveillance de l’économie française), mais beaucoup d’autres aux sections :

IVA1 « anti-communiste », IVA2 « contre sabotage », IVB « anti-juive », IVC « recherche des faux-papiers et des travailleurs évadés », IVE « contre-espionnage » avec ses trois chefs d’équipe (Serge, Guesdon, Doussot) et le PPF de Francis André rattaché à la section IVE en 1944, sans oublier « son » MNAT. Citons encore le Groupe d’Action de Justice sociale (GAJS) du docteur Krekler, la section V « répression des crimes et délits non politiques », la section VI « renseignements » dirigée d’une part par André Jacquin et d’autre part celle du PPF « renseignement camouflé » de Philippe Pino et de Chazal[2],une équipe spéciale de Paris déléguée à Lyon pour lutter contre la franc-maçonnerie, une autre équipe spéciale de Paris déléguée à Lyon et dirigée par Moog, quelques agents du Sonder Kommando KWU, des SS Polizei de Taverny (une dizaine de Français) détachés à Lyon. Pour terminer, on compte aussi des agents français à la ligue anti-bolchévique (LAB) dirigée par Henri Couchoud.

Au bas mot, la consultation des dossiers de Justice ou du S.D. de Lyon permet de recenser au moins 500 agents français collaborationnistes pour la ville de Lyon et ses environs proches (Villefranche-sur-Saône, Neuville-sur-Saône, Vénissieux, Champagne-au-Mont-d’Or, etc.). Mais ce chiffre pourrait plus que doubler si nous recensions toutes les petites mains -autrement dit les délateurs- dont nous trouvons encore trace au Journal officiel…

À suivre…


[1] Voir le chapitre 3 La milice française ,un auxiliaire de la police de sécurité allemande ? l’exemple du département du Rhône par Pierre Clément, in Arnaud, Patrice et Theofilakis Fabien. Gestapo et polices allemandes – France, Europe de l’ouest 1939-1945.

[2] Camouflés sous le nom de : « Société des métaux non ferreux ».