Si tous les élèves passés par l’École normale de Cluny choisissent généralement la voie de l’enseignement, certains optent pour d’autres orientations professionnelles. C’est le cas de Charles Wiener et d’Henri-Anatole Coudreau, partis explorer le Pérou, la Bolivie (Wiener) et la Guyane (Coudreau).
Mais, même si ces derniers ont acquis une bonne culture générale en section littéraire à l’École normale, devenir explorateur ne s’improvise pas. D’une constitution solide pour échapper au paludisme et aux dangers de régions souvent inhospitalières, il leur faut également posséder des rudiments de sciences naturelles, connaître la géodésie, la topographie, la géographie, l’histoire, l’ethnographie, savoir manier la boussole, utiliser la photographie et avoir également sur place des talents de linguiste. Coudreau connaît ainsi une dizaine de langues et de dialectes lui permettant de dialoguer avec les populations locales. À toutes ces compétences s’en ajoute une dernière : à leur retour en France, il faut savoir rendre compte de ces explorations, soit par le biais de conférences devant les Sociétés savantes, soit en publiant des ouvrages spécialisés.
Ces passionnés rêvent tous de produire chacun la première carte d’un pays ou d’une région jusque-là inexplorés, mais il va de soi que toute mission ne peut se réaliser qu’à l’aide d’un budget de l’État français qui, dans une perspective de colonisation comme on l’entend à la fin du XIXe siècle, ne peut être désintéressé. Dans cette optique, l’explorateur devient ainsi celui qui porte un projet économique, social et politique.
Charles Wiener
Autrichien d’origine juive, fils du directeur de collège de Vienne, Charles Étienne Léonce Wiener est scolarisé à Paris où il obtient le baccalauréat. Il intègre l’École normale de 1868 à 1870, réussit le brevet de l’enseignement spécial puis le certificat d’aptitude à l’enseignement de l’Allemand et de l’Anglais.
Il obtient un poste en Angleterre puis au lycée Fontanes (actuel lycée Condorcet) en 1874. S’intéressant très tôt aux civilisations précolombiennes, il gagne la confiance du baron de Watteville qui le soutient en 1875 pour une première mission d’exploration archéologique et ethnographique au Pérou et en Bolivie. Seul frein à la progression de sa carrière : il est juif. Qu’à cela ne tienne, Wiener se convertit au catholicisme et il sera naturalisé Français en 1878.
Wiener, l’inspirateur d’Hergé
En 1877, il est le premier explorateur à escalader le pic S-E de l’Illimani qu’il rebaptise « pic de Paris » et cherche à localiser le Machu Pichu qu’on découvrira trente-quatre ans plus tard. Grâce à ces explorations, Wiener améliore, selon son biographe Pascal Riviale, la connaissance que l’on avait alors des cultures matérielles du Pérou préhistorique et permet -grâce aux milliers de pièces rapportées de ses voyages- la création du musée d’ethnographie du Trocadéro. Outre de nombreux articles parus dans des revues spécialisées, Charles Wiener est l’auteur de : Pérou et Bolivie. Récit de voyage, suivi d’études archéologiques et ethnographiques et de notes sur l’écriture et les langues des populations indiennes (1880), Chili et Chiliens (1888), La République Argentine (1899), 333 jours au Brésil (1911).
Dans les années 1940, Hergé redécouvrira cet explorateur et s’inspirera des gravures parues dans Pérou et Bolivie de Wiener pour « Le temple du soleil », « Les 7 boules de cristal » et « l’Oreille cassée ». Pour les amateurs de Tintin, voir ce blog très documenté sur les emprunts qu’Hergé a pu faire à Wiener :
http://vieux-papiers.over-blog.com/article-herge-et-charles-wiener-37752276.html
Nommé chevalier de la Légion d’honneur en décembre 1877, si Wiener est chargé ultérieurement de plusieurs missions commerciales ou économiques en Amérique du Sud, il s’engage surtout dans une carrière diplomatique.
Carrière et Honneurs
Octobre 1879 : Nommé vice-consul de France à Guayaquil (Équateur).
Décembre 1883 : Nommé consul de France à Santiago du Chili.
Octobre 1890 : Nommé consul à Asunción (Paraguay).
1895-1897 : Chargé de missions commerciales en Amérique du sud puis nommé membre de la Commission des écoles d’occident au ministère des Affaires Etrangères.
1899 : Nommé ministre plénipotentiaire.
1901 : Chargé de la gérance de la Légation de France à Montevideo puis ministre plénipotentiaire.
Wiener est nommé officier de la Légion d’honneur en 1908 et est admis à la retraite en 1910.
En savoir plus sur Charles Wiener : « Une pyramide d’antiquités : les collections de Charles Wiener. » RIVIALE Pascal. Outre-mers, année 2001, volume 88, numéro 332, pp. 277-295. http://www.persee.fr/doc/outre_1631-0438_2001_num_88_332_3896
À suivre…
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