Plusieurs versions de la perquisition

Force est de constater que cette perquisition ne s’est pas passée exactement comme les Mémoires des uns et des autres l’ont relatée, à l’appui de l’unique témoignage de la famille Gouze.    

Or, il existe un rapport de la gendarmerie de Cluny, arrivée sur les lieux au moment où la perquisition se termine. C’est une vraie question : pourquoi la famille Gouze n’a-t-elle jamais parlé de la présence de la maréchaussée ?

Ce 28 mai, il est 14H30 lorsque Jean Bonat[1], garde-champêtre à Cluny, appelle la gendarmerie. Il vient d’apercevoir cinq individus -en civil et armés- forcer la porte des Gouze en brisant les vitres.

La scène est violente.

Mais, selon Roger Gouze, rien de tout cela dans ses « Miroirs parallèles ». Alors que la famille déjeune, les agents de la Gestapo, de vrais gentlemen ont sonné à la porte. C’est Danielle qui ouvre. Elle appelle son père. Antoine Gouze sort dans la cour pour accueillir « les agents de la Gestapo », des Allemands. Il leur dit même quelques mots en teuton[2]. Moog présent, ça doit lui faire une belle jambe puisqu’il ne parle pas un mot de cette langue !

Danielle Gouze se rapproche plus de la vérité que son frère lorsqu’elle décrit : une voiture qui stoppe net devant chez eux, des hommes qui courent, des poings qui cognent contre la porte[3].

J. Bonat intervient mais un des agents lui répond en français (Moog ?) de se mêler de ce qui le regarde et de repartir au travail.

Comprenant la gravité de la situation, le garde-champêtre appelle les gendarmes pour qu’ils montent illico presto à la villa Romada.

Arrivent alors « immédiatement » le maréchal des Logis Vernerey et le gendarme Berthillier. Pour monter chez les Gouze, il leur faut à peine cinq minutes en voiture, dix ou quinze à bicyclette, trente à pieds. Nous situons donc leur arrivée route de Salornay vers 15 heures au maximum.

Il faut imaginer la scène qui paraît invraisemblable car la maréchaussée ne se démonte pas. Deux individus sont en train de charger dans leur voiture une caisse. Vernerey leur demande les papiers du véhicule ! On lui répond : « Police allemande ». Vernerey insiste et demande cette fois-ci leurs pièces d’identité. Son interlocuteur lui met alors sous le nez « une carte rouge portant des inscriptions en allemand et la photographie du titulaire. » Moog ? lui intime un bon « Maintenant allez chez vous ! »

Mais le maréchal des Logis n’est pas un homme à se laisser faire.

Mais quel était le contenu de la caisse emportée par Moog ?

À suivre…


[1] Jean Bonnat sera arrêté le 14 février 1944. Il décédera en déportation.

[2] Gouze Roger. Les miroirs parallèles. Paris : Calmann-Lévy, 1982, 292 p., p. 267 et suivantes.

[3] Mitterrand Daniele. En toutes libertés. Paris : Éditions Ramsay, 1996, 350 p., p. 31.