« Privée de son diplôme par les nazis, Inge Rapoport, médecin en néonatalogie, a soutenu sa thèse, 77 ans après l’avoir rédigée.
À 102 ans, Inge Rapoport, ancienne néonatalogiste allemande, sera bientôt la diplômée la plus âgée du monde.
Le 7 mai dernier, dans le calme de son salon berlinois aux tons bruns et orange, Inge Rapoport, a soutenu sa thèse de médecine devant trois professeurs de l’Université de Hambourg. Durant 45 minutes, elle a exposé ses travaux, près de huit décennies après les avoir rédigés. C’était en 1938, rapporte le Wall Street Journal.
Sa thèse rejetée pour « raisons raciales »
Ingeborg Rapoport avait alors 25 ans. Cinq ans après l’arrivée d’Hitler au pouvoir, elle soumet sa thèse à l’université d’Hambourg. Son travail consacré à la diphtérie, une maladie infectieuse qui touche les enfants en Europe et aux États-Unis, est salué par son professeur qui a appartenu un temps au parti nazi.
Mais l’académie l’empêche de passer l’examen oral, évoquant des « raisons raciales ». Bien qu’élevée dans la religion protestante, Madame Rapoport a une mère juive. Ce qui suffit aux autorités pour barrer d’une bande jaune ses travaux et la priver de diplôme.
« Mon avenir médical a été réduit à néant. C’était une honte pour la science et une honte pour l’Allemagne » raconte-t-elle.
Carrière aux Etats-Unis
Comme elle, des milliers d’étudiants juifs sont exclus des universités. Beaucoup meurent dans les camps nazis.
Inge Rapoport fuit aux États-Unis, seule et sans un sou en poche. Après son internat en médecine, elle est acceptée à l’école de médecine de Philadelphie. « J’ai eu beaucoup de chance – et peut-être aussi fait preuve de ténacité » ajoute-t-elle.
Embauchée à l’hôpital de Cincinnati, elle rencontre son mari, Samuel Mitija Rapoport, physicien et biochimiste, avec lequel elle a quatre enfants. Mais le couple est contraint de quitter le territoire américain. Le mari d’Inge, lié au parti communiste subit le climat de « chasse aux sorcières » instauré par MacCarthy. La famille rentre en Allemagne de l’est dans les années 50.
Injustice
Inge Rapoport fonde la première clinique de néonatalité en Allemagne à l’Hôpital de la Charité à Berlin. Son mari décède en 2004 et ses enfants poursuivent leurs études de médecine.
« Je n’ai jamais éprouvé d’amertume », précise-t-elle. « J’ai eu une chance incroyable. Les choses ont bien tourné pour moi. J’ai eu mes meilleurs professeurs aux États-Unis , j’ai rencontré mon mari, j’ai eu mes enfants ». Pourtant, elle se sent lésée.
Le docteur Koch-Gromus, doyen de l’université de Hambourg a vent de l’histoire via un collègue du fils d’Inge, devenu lui aussi médecin. Il entreprend de réparer cette injustice, non sans se heurter à quelques obstacles bureaucratiques mais obtient finalement gain de cause.
Malgré sa vue devenue défaillante, Inge Rapoport actualise sa thèse grâce à des amis biochimistes et à ses proches qui effectuent pour elle les recherches sur Internet et lui rapportent les résultats par téléphone. « Je sais beaucoup plus de choses sur la diphtérie qu’à l’époque » s’amuse-t-elle.
Brillamment reçue
Le 7 mai, Inge Rapoport a enfin pu présenter son travail devant trois représentants de l’université de Hambourg. « C’était un très bon oral » a jugé le doyen. (…) « En dépit de son âge, Madame Rapoport a été brillante. » Le doctorat est enfin validé.
Une cérémonie est prévue le 9 juin prochain à la faculté. Inge Rapoport y recevra officiellement son diplôme, devenant la doctorante la plus âgée du monde. »