Fils d’un limonadier de Ferrières-en-Gâtinais dans le Loiret, Célestin Soret entre à l’École normale de Cluny avec le brevet primaire supérieur en 1874 dans la section sciences physiques. Selon l’inspecteur d’académie, le jeune homme, intelligent et laborieux, est capable vraiment de faire un bon professeur et il obtient une bourse d’État. Sorti breveté de Cluny en 1877, il réussit l’agrégation spéciale de sciences physiques et naturelles en 1880, la licence de sciences physiques en 1883. Nommé au collège de Beauvais, au lycée d’Orléans puis au Havre en 1885, l’agrégé spécial diversifie ses activités : il se passionne pour la météorologie, la galvanoplastie, les encres d’impression des billets de banque.
Soret : la photo et les rayons X
Féru de photographie[1], il fonde notamment la Société Havraise de photographie en 1892, court sur les quais du Havre prendre des clichés des Peaux-Rouges et de Buffalo Bill qui débarquent en France. En 1893 et 1903, Soret organise les deux premiers congrès de l’Union nationale des sociétés photographiques de France.
Fin 1895, c’est surtout la découverte par Röntgen des Rayons X qui lui met le pied à l’étrier. Dès janvier 1896, Soret donne une conférence sur ce sujet et installe à son domicile un cabinet de radiographie. Grâce à une première image, il permet en 1897 d’extraire une balle logée dans la mâchoire d’une patiente.
Sa nomination comme responsable de la radiologie pour les hôpitaux fait réagir le corps médical du Havre qui prend ombrage de ses succès. Interdit de pratique puisqu’il n’est pas médecin, qu’à cela ne tienne ! Soret contourne le problème en préparant son doctorat en médecine qu’il obtient à la faculté de Paris en 1903[2]. Malgré ses titres, le syndicat des médecins refuse son admission et poursuit sa cabale. L’agrégé spécial crée « aussitôt, (…) au n°7 de la rue Thiers un cabinet d’électrothérapie, radiographie et radiologie[3]. »
Nommé professeur honoraire en 1907, Soret continue à exercer à l’hôpital du Havre et poursuit ses recherches. En 1911, il met au point un appareil audiophone destiné aux malentendants. Si le préfet de la Seine-Inférieure Charles Lallemand écarte en 1921 sa candidature pour la Légion d’honneur[4], il émet le vœu, en accord avec ses concitoyens et l’ensemble du monde médical et scientifique de voir l’agrégé décoré en 1924[5]. Alors que Soret rêvait depuis 1908 du ruban rouge pour récompenser sa carrière, c’est l’amputation de sa deuxième main qui lui vaut la sollicitude du ministre de l’Hygiène.

Atteint de radiodermite depuis 1919, amputé des doigts, des mains et ultérieurement des avant-bras, peut-on effectivement refuser la croix à une « victime de la science » ? Retiré à Nice, Soret décède en 1931.
[1] Le Guen Jean. « C.A Soret (1854-1931) pionnier de la radiologie au Havre », Cahiers Havrais de recherche historique. Le Havre : imp. Bertout, n°56, 1997, 144 p., pp. 35-60.
[2] Sujet de thèse de Soret : Le tube de Crookes- Applications médicales et chirurgicales des Rayons de Röntgen- De la précision dans les méthodes photographiques.
[3] Le Guen Jean. « C.A Soret…, op.cit., p. 53.
[4] Base Léonore 19800035/210/27590 : dossier Légion d’honneur de Soret, Adrien.
[5] Base Léonore 19800035/210/27590 : dossier Légion d’honneur de Soret, Adrien. Courrier du préfet de la Seine-Inférieure au grand chancelier de la Légion d’honneur, 23 février 1924 : « Les réserves autrefois faites au sujet de la candidature du Dr Soret n’existent plus, chacun s’incline devant son mérite et ses souffrances. »