Des évasions sensationnelles !

En septembre 1944, la chasse est ouverte et la vengeance est un plat qui ne se mange pas froid. L’heure de la Justice a sonné et ils doivent rendre des comptes. Chacun son tour. Nombreux sont les collaborateurs à être sous les verrous. Mais Fresnes, Eysse, Montluc, des prisons sensées être des forteresses deviennent de véritables passoires.

Il faudrait consacrer un livre entier à l’histoire des évasions des ex-Gestapistes. Citons quelques exemples. Dans les gros poissons, il y a Bony et Lafont de la Carlingue à Paris. Paul Clavier, lieutenant de Lafont, réussit à sortir de Drancy grâce à un F.F.I. Il lui a promis de lui faire cadeau de sa voiture et celui-ci est tout content ! Clavier monte ensuite une équipe armée de mitraillettes, chargée de faire évader Bony et Lafont. L’opération échoue de justesse[1].

Le chocolat à l’opium ou une tête de lapin, y’a pas mieux !

Le 9 décembre 1945, L’Aurore signale que douze millions de francs avaient été mis sur la table pour préparer l’évasion du sinistre « Gueule tordue »… À Dijon, les agents du SRA : Perrot, Lointier, Lambolez et Wittwicky « candidats sérieux à la peine de mort », endorment leur co-détenu Queyriaux avec du chocolat à l’opium ! Ils ont, en leur possession, une pince coupante, des scies à métaux et une pince pour ôter leurs menottes. Les gardiens, alertés, déjouent leur évasion in extremis[2]. Et puis, souvenez-vous de Gaston Hatz dont nous vous avions parlé il y a quelques mois. Ancien du maquis de Cluny (maquis de Crue), « Guy » avait été emprisonné à la Libération. Sa concubine Emma Lemière avait offert 200 000 francs à un complice : il devait fournir au marlou en question une tête de lapin où était caché un soporifique chargé d’endormir les co-détenus !

Dans l’équipe lyonnaise, Max Payot, s’évade à l’automne 1944 lors de son transfert au fort Montluc. Cherchant à passer en Suisse en se faisant passer pour un prisonnier allemand, il sera repris et ramené à Lyon. C’est un ex-milicien, devenu lieutenant F.F.I. à la dernière minute (eh oui, y’en a plein !), qui était chargé de l’enquête concernant l’évasion ! Pire, cet ex-milicien avait même apporté son aide à Payot !

Personne n’a pensé à écrire un roman ou produire un film avec toutes ces histoires d’évasion ? Pourtant, ça vaut des points !

Toujours sur la bande des Lyonnais, Charles Guggisberg, condamné à mort, voit finalement sa peine commuée en travaux forcés. Emprisonné à Riom, il réussit son évasion en décembre 1948 avec un dénommé Capisano : admis à l’infirmerie, ils scient les barreaux de la fenêtre et ils se font la belle avec une corde. Guggisberg et Capisano seront repris en juillet 1949 à Belleville.

Quant à Doussot, ce sont les F.T.P. qui cherchent eux-mêmes à le récupérer à Cluny et ils ont bien failli lui régler son compte sur place. Protégé par l’Anglais Tiburce, « Lulu La Gestapo » reste libre pour un temps. Il est finalement arrêté et emprisonné au fort de La Duchère. Pas pour longtemps puisqu’il réussit à s’évader (avec ses draps transformés en corde !) au début de l’année 1945, « sûrement avec des complicités », signale le commissaire du gouvernement au procureur général.

Complicités à l’extérieur, complicités à l’intérieur, gardiens ou avocats impliqués, projets d’évasions collectives…, tout est possible, tout s’achète.   

À suivre…


[1] L’Aurore, 16 septembre 1944.

[2] Les dernières dépêches, 20 juillet 1946.