Une ville au diapason
Indispensable au bien-être des Clunisois, l’Harmonie est ainsi l’association qui remporte la palme des subventions du conseil municipal. Ainsi, on lui versera encore en 1939 11 000 francs alors qu’on octroie seulement 7 500 francs aux courses, 4 000 francs à la gymnastique, 50 francs au syndicat d’initiative comme à la société de pêche ou de chasse.
En cette fin du XIXe et au XXe siècle, toutes les manifestations organisées à Cluny se feront désormais « en musique » : la traditionnelle fête des écoles, les inaugurations, la « cavalcade », les concours de gymnastique…
et les cérémonies patriotiques :


Les concours musicaux
Mais, preuve de son dynamisme en matière de musique, la ville accueille des concours musicaux. Ceux de 1898, 1906 et 1925 sont des moments d’activité intense pour la cité abbatiale.
Le concours musical, c’est une fête préparée par toute une ville.
Il faut, pour recevoir le public et les formations musicales venues parfois de très loin, leur faire honneur. Tous les Clunisois s’attellent à la tâche pour nettoyer l’espace urbain et décorer non seulement leurs maisons, mais aussi leurs quartiers.
Ces animations populaires sont des moments de grande convivialité et ils génèrent bien entendu, pour la ville organisatrice, des revenus non négligeables. Jean-Yves Rauline écrit à ce sujet : « Tous ces orphéonistes font la fête, chantent et jouent dans les rues, se logent, se restaurent et boivent parfois pendant deux ou trois jours[1]. »
1898 : c’était pimpant et gracieux au possible…
Lors d’un concours agricole, la ville de Cluny accueille dès 1898 un premier concours musical qui a connu un certain succès et « tous les habitants ont rivalisé de zèle pour émerveiller les étrangers venus à Cluny pendant ces deux jours. » Seul « hic » relevé par M. Pétré (président du Comité d’organisation), les rues de Cluny n’ont pas encore de plaques indicatrices et on se perd un peu à défiler en ville de manière organisée. Les plaques des rues seront réalisées ultérieurement aux Arts-et-Métiers.
La ville se met en quatre
En août 1906, lors de l’inauguration de la statue de Duruy, la ville accueille un deuxième grand concours musical. Les Lyreux et les chorales arrivent, par trois trains spéciaux affrétés par la compagnie P.L.M. de la région lyonnaise, mais aussi de Bourbon-Lancy, de Charolles, de Roanne, de la Clayette… Comme à l’habitude, on va accueillir ses hôtes en musique à la gare et tout ce petit monde traverse la ville.
Devant la statue de Duruy, c’est Jenny Passama, artiste de l’opéra, qui chante la Marseillaise et le clou des fêtes a été le concert organisé de nuit dans les vastes jardins de l’abbaye. Là encore les Clunisois ont fait honneur à leurs hôtes et ont rivalisé d’imagination pour décorer la ville à moindre frais : dômes de verdures, guirlandes de buis, de roses… Pour cette grande occasion, la mairie autorise le prélèvement de mousse au Bois-Bourcier, ce qui semble donc défendu en temps normal…
1925 : le jazz arrive dans la cité abbatiale
Puis, en 1925 la ville est une troisième fois mise au diapason. C’est Guillaume Balay, chef de la musique de la garde républicaine qui préside le concours « international ». Il fait un temps magnifique les 15 et 16 août et la ville n’accueille pas moins de vingt-cinq sociétés chorales, fanfares et harmonies. Elles sont encore arrivées cette fois-ci du Lyonnais mais aussi de Bagnolet, de Sochaux, de Montbéliard, de Firminy… Le public est au rendez-vous. La presse parle d’un millier de personnes réunies lors de la distribution des récompenses.
Composées parfois jusqu’à une cinquantaine de participants, sociétés chorales, harmonies, fanfares, logent et se restaurent en ville. Pour le commerce, c’est une aubaine et les Clunisois se sont encore mis en quatre pour que la fête soit resplendissante. Cette fois-ci, une « commission spéciale de décoration » a été mise en place. À une époque où la profession d’agent municipal de la voirie n’existe pas, c’est à chaque propriétaire qu’il revient de restaurer les trottoirs et chéneaux « afin de présenter aux invités une circulation nette, en conformité aux décorations artistiques qui surgissent de tous côtés. » En bref, tout Clunisois doit prendre le balai et faire le ménage devant chez soi.
Un arrêté municipal interdit même le stationnement dans les rues pour éviter que chevaux et « machines à traction mécanique » ne perturbent cette belle organisation.
Les festivités ont commencé le 14 avec une retraite aux flambeaux. Le 15, c’est le « concours de lecture à vue », seule épreuve qui doit se dérouler à huit clos. Toutes les autres manifestations sont ouvertes au public pour la somme modique de 1 ou 2 francs. Grande fête populaire, le concours musical permet à chacun de profiter de tous les moments festifs organisés sur deux jours :
- Concours d’exécution
- Grand concert de gala
- Concours d’honneur
- Défilé dans les rues de Cluny avec toutes les formations
- Grand concert et distributions des récompenses
- Bal – fête de nuit
Tous les espaces sont ouverts : bien sûr le théâtre pour les chorales mais également l’abbaye qui n’est pas encore « chasse gardée ». La cour de l’École des Arts-et-Métiers accueille les Harmonies, les jardins de l’abbaye les fanfares et le cloître la remise des récompenses. Comme à l’habitude, le « haut de la ville » n’est pas oublié et la promenade du Fouettin est encore un lieu prisé pour le défilé.
Les banquets populaires ont réuni une fois de plus la population qui apprécie de se retrouver autour d’une table.
1925 : le banquet 1925 : le banquet
Mais, une fois de plus, les Clunisois ont été attentifs à leurs concitoyens plus démunis. Organisés par quartiers, des collectes ont permis de réunir des sommes au profit de la caisse des écoles et du bureau de bienfaisance. C’est dans les quartiers de la rue Mercière et de Notre-Dame que l’on recueille le plus, soit 35,10 F. On n’a pas oublié les malades : c’est la chorale de Montbéliard qui se rend dans la cour de l’hôpital pour leur offrir ce moment de divertissement très apprécié.
Avant de se séparer, public, musiciens, chanteurs se réunissent pour le bal de la fête de nuit. Il est alors animé par le « Billy Jazz Kings ». Eh oui, nous sommes en 1925 et la modernité est aussi au rendez-vous à Cluny !
Au milieu du XIXe siècle, la pratique musicale se démocratise et les classes populaires peuvent intégrer fanfares, harmonies et chorales. Dans ces sociétés qui ne sont pas bien sûr encore mixtes, se développent également des valeurs d’entraide, de solidarité et de convivialité. Avec les concours musicaux, on ressort de cette plongée dans ce début du XXe siècle, en ayant l’impression que les Clunisois ont su faire corps autour d’un projet commun : certes, il s’agit de prendre du bon temps mais de participer également au dynamisme de leur cité.
À suivre…
[1] Jean-Yves Rauline. Pratique musicale amateur et plaisir : L’exemple des associations musicales au XIX e siècle. La Musique et le plaisir, Mar 2017, Rouen, France. ffhal-02117054f
Enchantée d’apprendre tout ça ! J’entends presque la musique dans les rues de Cluny.. Ça devait être de belles fêtes !
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