L’Harmonie Municipale de Cluny[1] et La Clunysia accompagnent très souvent aujourd’hui les manifestations et offrent aux Clunisois leurs représentations annuelles : Concert de la Sainte Cécile, Concert de la Fête de la musique…
Petit retour sur le passé pour connaître les débuts de la musique et du chant au milieu du XIXe siècle.
Sous le Second Empire, toute association doit, pour exister, être soumise à une déclaration préalable. Pour créer la moindre chorale comme une association de boulistes, une déclaration doit être faite à la préfecture qui va soigneusement contrôler l’état d’esprit et la couleur politique des demandeurs. Les formulaires permettant d’ouvrir une association prévoient, en vertu de la loi du 10 avril 1834, que les étrangers, les femmes et les mineurs ne seront pas admis dans ces sociétés (sic !). Cette clause montre bien qu’il faut être responsable et conscient des enjeux, du bien-être collectif, pour s’associer. Les femmes, si fragiles dans leurs jugements, si immatures et légères dans leurs comportements, sont donc écartées, à moins qu’elles n’agissent sous le contrôle d’un homme. Les jeux de hasard y seront bien sûr interdits, il ne sera jamais question, ni de politique, ni de religion. Enfin la liste des membres doit être chaque année déposée en préfecture. (…) Laisser le peuple penser et agir par lui-même est donc en soi un danger[2]. »
Le pouvoir a peur. Peur du complot, peur des coalitions d’ouvriers qui se retrouveraient dans ces associations favorisant l’agitation populaire. Il faudra attendre la loi du 1er juillet 1901 pour que les associations puissent se former librement et sans autorisation ni déclaration préalable.
Il est donc logique que nous trouvions donc peu d’associations, dénommées d’ailleurs souvent « sociétés » à Cluny au milieu du XIXe siècle.
La toute première, sauf erreur de notre part car les sources ne sont pas nombreuses à ce sujet, concerne le chant : La société chorale de Cluny, ancêtre de La Clunysia est fondée à la fin des années 1860. Dès 1861, elle remporte une médaille de vermeil à un concours musical organisé à Saint-Etienne. La seconde, c’est la société philarmonique et de symphonie de Cluny. Le 14 juillet 1865, le préfet de Saône-et-Loire avait autorisé cette société à se constituer légalement. Bien encadrée par les notables des villes, la musique ne remet ainsi pas en cause l’ordre social.
Le musicien Jean Mathias Kuhn, du Creusot à Cluny
Le directeur de la société chorale de Cluny est Jean Mathias Kuhn, professeur de musique à l’École normale et au collège de Duruy. J-M. Kuhn est né à Sarreguemines le 4 juillet 1832. Lorsque l’Allemagne annexe l’Alsace et la Lorraine, il fait partie des optants à la nationalité française mais il est depuis longtemps installé en Saône-et-Loire, au Creusot plus précisément.
Là, il dirige l’Harmonie, composée de 40 membres en 1858 et conduite avec « intelligence, note-t-on dans Le Courrier de Saône-et-Loire. Seul hic, la formation ne comporte pas de trombone à coulisse ! Kuhn s’occupe également de la société chorale de la ville (50 membres en 1860). Au Creusot, il déborde d’activités en donnant gratuitement des cours de chant aux ouvriers et des cours privés de piano.
Kuhn a trente-quatre ans lorsque Duruy l’appelle à Cluny pour enseigner la musique. Son arrêté de nomination date officiellement de janvier 1867.
Deux formations bien différenciées existeront ; en plus de l’orphéon (chorale), nous trouvons la fanfare du collège et la formation de l’École normale appelée pompeusement dans le prospectus du collège des années 1874-1878, la « société symphonique. »

Les divertissements sont rares et les élèves donnent des concerts pour les Clunisois dans les jardins de l’abbaye ou sur la place de la Grenette : « Il était d’usage que chaque dimanche de quinzaine, depuis Pâques jusqu’à la fin de l’année scolaire, les portes des jardins de l’École étaient ouvertes au public Clunysois, depuis quatre heures jusqu’à six heures du soir, pendant que la musique des élèves jouait. »
La création de la société chorale et d’harmonie
Parallèlement, Kuhn fonde pour la ville une société chorale. Cette dernière remporte de vifs succès, comme au concours musical de Dijon en 1876 où elle remporte le 1er prix avec félicitations et une médaille de vermeil pour le concours d’exécution de solo et soli. Henri Gandrez signale que c’est vers 1879 que la chorale de Kuhn et la fanfare « Cardon » s’associent. Quid de cette fanfare Cardon ? Peut-être s’agit-il de la société philarmonique et de symphonie de Cluny fondée en 1865.
Désormais, la société Chorale et d’Harmonie devient la « référence ».
Pour avoir dynamisé la musique à Cluny, la mairie reconnaissante offrira à J-M. Kuhn une concession perpétuelle au cimetière. Il est décédé le 30 octobre 1890. Un an plus tard, l’École normale ferme ses portes.
Il faudra un repreneur pour continuer à faire vivre la musique à Cluny.
À suivre…
[1] Sur le site, il est dit que l’Harmonie était « une batterie fanfare de 1980 à 1992, elle est une harmonie depuis. »
[2] Jean-François Aupetitgendre, article publié dans Cévennes Magazine n°1108, 6 octobre 2001.