Nous vous avions parlé en octobre 2019 de Jean Meunier, professeur d’anglais proche de Marie-Louise Zimberlin. Sous son influence, « La Zim » intègrera le mouvement Franc-Tireur[1].

Mais Jean Meunier n’était pas seulement enseignant. Tout jeune, il s’est passionné pour la photographie et vous pouvez découvrir une partie de son œuvre sur le site de la bibliothèque municipale de Lyon[2]. N’hésitez pas à aller jeter plus qu’un un coup d’oeil ; c’est magnifique, notamment les photographies des ponts de Lyon, avant leurs destructions.

Certes, il a beaucoup photographié Lyon mais également Charolles où il a enseigné et Cluny où il venait chaque année en juillet interroger les étudiants des Arts-et-Métiers.

Nous avions écrit que nous espérions un jour découvrir l’œuvre de « l’Ours photographe ». Gabriel Meunier, fils de Jean, vient de nous faire parvenir dix-huit clichés de Cluny réalisés entre 1933 et 1949. Ce sont, nous écrit Gabriel Meunier, « des plaques sur verre, stéréo (…). Elles ne sont pas retouchées sauf les couleurs que j’ai uniformisées dans la mesure du possible. » Nous le remercions infiniment de ce partage.

Et bien entendu toute reproduction interdite… ou alors -à bon entendeur- on cite ses sources ! ©Famille Meunier

Jean Meunier – l’Ours photographe – biographie

« Jean Meunier est né à Lyon en 1890 dans une famille typique de la bourgeoisie[3] de cette époque. Son père est commerçant en toiles ; sa mère, Marie Charpe, règne en maîtresse femme sur la maison ». Pendant la guerre de 1914, prétextant d’une maladie de coeur, elle réussit à installer Jean à Béziers, loin du front ; il joue du piano et regarde le monde…

Après la guerre il entreprend – contre son gré – des études de droit, sa mère le voyant très vite installé notaire… Fasciné par les premiers pas de la photographie, il monte au contraire un « laboratoire » – vaste capharnaüm – dans la villa de Lentilly, où il développe ses premiers autochromes. C’est la première époque photographique de Jean Meunier, faite d’observations de la lumière – les couchers de soleil sur la Saône en témoignent – et d’une attirance pour les recherches sur les multiples techniques de tirage de l’époque (gomme bichromatée, charbon).

Le professorat l’attire. En 1925 il commence au collège de Bourgoin (nombreux clichés d’élèves et de professeurs) puis de professeur d’anglais en Lycée (notamment Bourg en Bresse de 1928 à 1948). Il se passionne alors de plus en plus pour la photographie et organise des sorties avec ses élèves[4](2) en montagne surtout. C’est le deuxième âge de l’approche photographique de Jean Meunier. Il fonde la Société de Photographie de Bourg en Bresse ; en ces années de crise il s’intéresse beaucoup aux petites gens (enfants des rues, petits métiers…) et aux lieux de simplicité. A cette époque il se lie d’une amitié sans faille avec des personnalités hors pair, comme Jean Lanaud, André Bozonnet et Charles Antonin. Très souvent ensemble, ils parcourent la France et quelques pays européens, accumulant des milliers de clichés stéréoscopiques sur verre (ascension du Mont Blanc avec un matériel lourd, Corse, Angleterre, Italie…). Pendant la guerre, avec ses « copains des hautes cimes », il soutient la Résistance.

A sa retraite de l’enseignement (1958), il « monte » un magasin de photographie à Tassin-la-Demi-Lune ; le format 24×36 fait des ravages ; les polaroïd, les flash jetables et autres « boites à savon  » (clic-clac c’est Kodak) déferleront peu après… La grande époque des tirages « à l’ancienne » est belle et bien finie.

Mordu de camping simple, de ballades en montagne, le 21 mai 1974 il s’en va discrètement, après une dernière balade à vélo. En voyant une petite cabane perdue en forêt ou au milieu des prés, il disait invariablement : « la demeure du Sage ».

Peu respectueux des convenances, d’ordre et de programmation, plutôt attiré par le vécu que la technique, il a souvent « cuisiné » dans son bouclard des tirages où la nuit, un contre-jour ou la lune font rêver longtemps.

On l’appelait « l’Ours photographe[5] ».

Gabriel Meunier, mai 2011

Note : Jean Meunier a laissé environ 14000 plaques sur verre dont une très petite partie est connue et plusieurs dizaines de kilos de tirages barytés.


[1] Voir les articles : M-L. Zimberlin et Jean Meunier et M-L. Zimberlin et « la fleuriste de Lyon », Lucie Ferlet.

[2] https://numelyo.bm-lyon.fr/BML:BML_01ICO001014dce44c21c87c?&hitPageSize=12&hitTotal=103&hitStart=97

[3] En 1965 Pierre Bourdieu ne disait-il pas « la photographie, un art petits bourgeois » ?

[4] Ses élèves – en classe ou en cour de récréation – l’ont souvent inspiré.

[5] https://numelyo.bm-lyon.fr/BML:BML_01ICO001014dce44c21c87c?&hitPageSize=12&hitTotal=103&hitStart=97