Cinq ans déjà que nous avons posé avec l’artiste Gunter Demnig ces « pierres sur lesquelles on trébuche » rue Prud’hon en mémoire de la famille juive Oferman-Rotbart, dénoncée et pour une partie déportée. On espère que tous les élèves du projet Matricule 35 494 ont fait depuis un beau chemin et qu’ils gardent en mémoire ces moments fort en émotion.

De la nécessité de faire sens
Certes, on les remarque parfois quand on emprunte le trottoir et que l’on baisse les yeux. Mais, les Stolpersteine appartenant désormais au patrimoine mémoriel et historique de Cluny, ne faudrait-il pas une signalétique afin de renseigner le passant ? Nous nous insurgeons encore une fois mais à quoi bon continuer de poser des pierres et des plaques sans aucune explication ? En témoigne encore cette plaque de rue posée en 2019 au nom de Charles Pleindoux. Comme nous l’écrivions alors, sans mention des dates de naissance et de décès, dans 100 ans, qui saura dire dans Cluny qui était ce brave Pleindoux et dans quel siècle il vécut ? Ca coûte si cher que ça une plaque de rue un chouia renseignée ?
Cluny, number one
En 2016, Cluny était alors la première ville de France à avoir eu cette initiative. Depuis, l’idée a fait son chemin dans des villes comme Bordeaux ou Strasbourg. Il n’y a que Paris qui s’oppose toujours à la pose des pierres de mémoire.
La chargée de la Mémoire de la ville de Paris s’appuie sur l’avis qu’elle a sollicité auprès du Mémorial de la Shoah et son directeur.
« Les Stolpersteine ne sont pas adaptés au travail de mémoire parisien. Les Juifs n’ont pas disparu de France, ils sont encore présents.
Les Stolpersteine renvoient une image qui ne convient pas à la France où 75% des Juifs ont survécu. Par ailleurs, marquer d’un signe distinctif, au sol, les lieux où les juifs ont vécu ne nous convient pas, marcher sur ces pierres ne constitue pas un symbole acceptable. Pour toutes ces raisons, le Mémorial de la Shoah n’a jamais voulu s’associer à ce projet, et nous partageons pleinement ces arguments ».
Ce à quoi Gunter Demnig répond :
« Mais vous vous imaginez bien que ces pavés ne sont pas du goût de tout le monde. Pourtant, je n’ai reçu que trois menaces de mort en vingt ans. J’en prends mon parti. On m’oppose cependant toujours ce contre-argument innommable, notamment à Munich, quand j’ai proposé d’y poser des pavés de mémoire, cet argument selon lequel, à travers les Stolpersteine, on piétine les victimes comme les nazis les ont piétinées à l’époque. Mais qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre ! Les nazis ne se sont pas contentés de piétiner les gens. Les nazis ont établi un programme de mort, un programme d’extermination. Chacun des onze millions de Juifs européens était dans leur ligne de mire. Et tous ceux qui exprimaient une autre opinion que celle du régime étaient envoyés en camp de concentration. Selon moi, cet argument autour du piétinement minimise la portée de ces crimes. » (Gunter Demnig : « Les Stolpersteine sont l’œuvre de toute une vie ». Conférence de l’artiste le 6 avril 2017 au Goethe Institut de Bordeaux, in Allemagne d’aujourd’hui, 2018/3 (N° 225), p. 87-97.)
Alors, passant de la rue Prud’hon – qui que tu sois- trébuche sur les pierres de mémoire et souviens-toi…
