Cabarets, cafés, hôtels, restaurants, auberges… que de lieux où le Clunisois et celui qui n’était que de passage pouvaient se restaurer et se reposer. Tentons aujourd’hui de donner une idée du Cluny d’autrefois. Que furent ces lieux de sociabilité, la plupart disparus[1] ?
Avant 1850, nous trouvons essentiellement à Cluny des « cabarets », des auberges et des cafés. Le cabaret, nous dit l’historien Didier Nourrisson spécialiste du « Boire en France », c’est tout simplement une pièce d’habitation libérée pour établir ce petit commerce d’appoint. Point de chichis. Pas de décoration. Le mobilier est alors sommaire : des tréteaux ou des tables. Au « cabaret », le client peut boire mais également se restaurer. En 1841, nous en recensons vingt-neuf.
À l’auberge, contrairement au cabaret, on peut manger mais aussi dormir. Nous en comptons treize à la même époque. Et puis il y a le café où l’on consomme des boissons. Il y en a six en 1841.
Le milieu du XIXe siècle correspond bien à l’âge d’or du « Boire » dans nos campagnes : 35 cafés et cabarets, 13 auberges à Cluny en 1841. Toute nouvelle ouverture est accordée par le préfet. En 1852, Jean Gigon est ainsi autorisé à tenir « l’auberge du Centre », rue Municipale, acquise au sieur Greuzard. A contrario, en 1857, il semble qu’il y ait déjà beaucoup trop de débits de boissons au goût du préfet qui refuse au sieur Jean Breton l’autorisation d’ouvrir une nouvelle auberge au Pont de l’Étang. La police veille au grain : en 1900, Claude Daily, journalier à Cluny, écope d’une amende de 100 francs car il a osé ouvrir un débit de boissons sans autorisation.
Curieusement, on trouve ces débits de boisson et ces estancots où l’on mange sur le pouce, non pas essentiellement dans le centre de la ville, tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Si ces commerces sont installés rue Municipale, rue Lamartine et rue Filaterie, les quartiers comme la rue du Merle en compte dix, la rue de l’Hôpital, la rue de la Levée, la rue Saint-Marcel, le Pont de l’Étang chacun trois et la rue de la Chanaise, deux.

La rue Prud’hon bien animée avec tous ses commerces. Champ de Foire, chez Martin.
Bien entendu, nul besoin de se rendre dans le « centre » pour aller chercher du pain ou de la viande : chaque rue dispose de ses propres « commerces de proximité » : épiciers, boulangers, bouchers… Il n’y a bien que les coquetiers qui arpentent la ville de bas en haut pour vendre œufs, beurre et fromages. Pareillement, les quartiers « extra muros » ont leurs débits de boissons. On trouve ainsi une « buvette » (ou « petit café ») à la Porte Saint-Odile.

Au milieu du XIXe siècle, qui fréquente cafés et cabarets ? Les adultes -bien sûr- mais aussi les élèves-maîtres de l’École normale de Duruy. François Fabié, futur agrégé spécial et chantre du Rouergue gardera le souvenir de deux cafés : un café interdit aux élèves « le café Bichette du surnom de la patronne et de sa fille ». C’est là qu’il passe du temps le dimanche avec un habitué : M Kuhn, son professeur de musique. Et puis il y a le café « Franchet », situé rue Municipale, point interdit aux Normaliens celui-là.

« La patronne était une petite femme pourvue d’un mari ridicule et qui (…) aimait à rire, et ne faisait pas la Lucrèce, si l’on effleurait d’un peu près son corsage qu’elle avait bien pourvu[2]. » Fabié, dans ses Souvenirs d’enfance et d’études, a tout dit de Cluny : en ce milieu du XIXe siècle, Cluny est « un trou ». Et le seul lieu de sociabilité où jeunes et vieux se côtoient autour d’un verre, c’est le café.
Bibliographie :
L’excellent ouvrage de Didier Nourrisson : Le buveur du XIXe siècle. Paris: Albin-Michel, 2016, 384 p.
Et le succulent livre de Martine Chatelain-Courtois, notre ancienne professeure à Dijon : Les mots du vin et de l’ivresse. Paris : Belin, 1984, 303 p.
À suivre…
[1] Sources : recensements en ligne des archives départementales pour les années 1841, 1866, 1896, 1911, 1921, 1926, 1936. Nous n’avons ni recensé les « liquoristes », ni les « marchands de vin ».
[2][2] Fabié François. Souvenirs d’enfance et d’études. Éditions du Moulin de Roupeyrac, 1993, 235 p. p. 230.