Miarka : « Courage, force de conviction et notion de service ».

Il y a quelques mois nous annoncions la sortie de l’ouvrage d’Antoine de Meaux, consacré à Denise Vernay : « Miarka » (Editions Phébus).

L’auteur a bien voulu répondre à quelques questions. Nous l’en remercions.

Miarka est le pseudonyme de Denise Jacob dans la résistance, c’est aussi  l’héroïne du conte éponyme de Jean Richepin. Pourrait-on dire de Denise finalement qu’elle apparaît aussi comme un personnage littéraire ?  

« Denise/Miarka personnage littéraire? Personnage romanesque en tous cas, tant le parcours de cette jeune fille de 19 ans, dans la France de l’occupation, fait vibrer en nous un enthousiasme et une émotion qui n’ont rien à envier à celles que nous éprouvons à la lecture des livres que nous aimons.  Mais Denise est aussi un personnage « littéraire » au sens où c’est la lecture de la littérature, comme l’amour et l’exemple de ses parents, qui ont contribué à forger la résistante qu’elle a été. La culture littéraire qui était celle de sa famille lui a sans doute permis d’acquérir le recul critique à l’origine de son engagement en résistance. Elle a aussi constitué pour elle un bagage spirituel très précieux pour tenir le coup face à l’adversité, et cela jusqu’au camp de concentration de Ravensbrück.  On se sert souvent de l’exemple du nazisme pour marteler que la « culture » ne constitue pas un rempart face à la barbarie. Sous prétexte que certains assassins jouaient, par exemple, très bien du piano… On oublie surtout de rappeler que l’humanisme nourri par les livres et notre littérature européenne a été en première ligne dans le combat contre cette barbarie, et qu’à la fin c’est lui qui a remporté la bataille. »

 Comment qualifier l’engagement de Denise et comment a-t-il été perçu au sein de la famille Jacob ?

« Denise s’est engagée pour une certaine idée de l’homme et de la France. Les valeurs qui sont les siennes dans la résistance sont celles de la République et de l’esprit français en général: liberté, générosité, fraternité, tolérance, bien commun, dignité humaine, courage, foi dans notre destin historique. La famille Jacob, une famille de français juifs laïcs très patriotes, partageait certainement ces idéaux. Les encouragements d’André Jacob, le père, ont été décisifs lors de l’entrée de Miarka en résistance. » 

Dans quelle mesure peut-on dire qu’elle lie, réconcilie à elle seule diverses tendances, formes de résistance de cette période sombre de l’histoire de France ? 

« Il n’y a pas trace d’esprit de chapelle chez Miarka, même si Franc-tireur, le mouvement auquel elle appartenait, possédait comme tous les mouvements de résistance une sensibilité politique (que l’on pourrait qualifier de républicaine de gauche). La jeunesse de Miarka, son allure, son patriotisme, sa solitude et son courage font d’elle une figure dans laquelle tous les Français peuvent se reconnaître. Comme le fut aussi sans doute, Jeanne d’Arc au XVe siècle. Mais il y a aussi chez elle un côté Antigone, car son engagement en résistance est contemporain des mesures de persécution dont sa famille est la cible. Comme l’héroïne de Sophocle, Miarka ne pourra pas enterrer son frère, ni son père, ni sa mère, victimes de la Shoah. La résistance de Miarka, héroïque, est aussi toute simple. Sur son vélo ou à pied, dans le froid, les privations et la solitude, elle fait circuler les messages qui font vivre la résistance. Rien de très spectaculaire en apparence: un travail humble, modeste et anonyme. C’est cela qui impressionne aujourd’hui, et qui doit nous servir de leçon. »

Au-delà des enjeux historiques et autobiographiques, quel(s) message(s)la lecture de votre livre pourrait-elle transmettre aux jeunes générations?  

« Je ne peux parler au nom des jeunes générations, c’est à eux de se saisir de cette belle figure et d’y trouver l’inspiration dont ils pourraient avoir besoin. Pour ma part, je retiens surtout le courage, la force de conviction et la notion de service. Se mettre au service des autres, le plus possible, comme Miarka a appris à le faire au sein du mouvement scout, dans la résistance et jusque dans la nuit des camps, voilà qui me paraît vraiment grand. »