Et non, c’est pas les Allemands, mais c’est tout comme.

Les mythes ont la vie dure. Demandez à n’importe quel Clunisois qui est à l’origine de la disparition de la statue Duruy et on vous répondra : « les Allemands bien sûr ». Eh bien non, vous n’avez pas remporté le cadeau gagnant !

En 1941, une circulaire signée par Pierre Pucheu, ministre-secrétaire de l’Intérieur et par René Belin, secrétaire d’État à la production industrielle (ministère créé le 27 septembre 1940) arrive dans les Préfectures. Selon la loi du 11 octobre, on va procéder à l’enlèvement des statues et monuments en alliages cuivreux « ne présentant pas un intérêt artistique ou historique ».

Une commission doit siéger dans chaque département. Elle est composée du préfet, du conservateur du musée désigné par le préfet, du conservateur des antiquités et objets d’art du département, de l’inspecteur général de la production industrielle de la circonscription et de l’architecte ordinaire des monuments historiques.

La circulaire indique qu’il « y a lieu d’être très sévère dans ce choix [car] la situation extrêmement critique de nos approvisionnements en métaux cuivreux et les perspectives graves qu’elle entraîne pour notre industrie et pour notre agriculture exclut en effet toute considération de sentiments et elle exige de véritables mesures de salut public. »

Pétain, ce brave Maréchal, auquel la municipalité de l’époque offrait des dentelles de Cluny, tentait alors une opération séduction auprès des Français : si les viticulteurs souhaitaient avoir de belles récoltes, cela nécessitait de traiter les vignes avec du sulfate de cuivre. Mais ne soyons pas dupes : « notre industrie », c’est bien sûr celle de l’Allemagne, l’occupant ayant décidé de réquisitionner les métaux français. Selon Beate Pittnauer, « Entre 1940 et 1944, dans la France occupée, plus d’un millier de monuments et de sculptures ont été retirés de l’espace public puis fondus afin de servir à l’industrie de l’armement allemande. » 

Nos Grands Hommes

Quels monuments et statues doit-on conserver ? L’amiral Darlan prescrit qu’on ne doit conserver seulement que « les statues des gloires nationales incontestables, tels que Jeanne d’Arc, Henri IV, Louis XIV et Napoléon Ier. » Puis, « le Lion de Verdun » étant peut-être intervenu, on décidera également de sauver les monuments de 14-18. Il en est de même pour les cloches que l’occupant souhaitait également réquisitionner. En ce qui concerne l’enlèvement des statues d’hommes politiques, « les décisions devront être soumises à l’examen des préfets régionaux. » Et enfin, les musées sont exemptés de la collecte. S’ils sont propriétaires d’œuvres exposées à l’extérieur, ils doivent les mettre rapidement à l’abri dans leurs collections.

Il faut faire vite : les premiers enlèvements devront commencer vers la mi-novembre et la totalité d’entre eux devront être terminés fin décembre. La statue de Duruy a donc été déboulonnée après novembre 1941.

Enlèvement du buste.

À suivre…