À notre connaissance, trois Grands Hommes ont eu leur statue à différents emplacements dans la ville de Cluny : Napoléon III[1], le peintre Pierre-Paul Prud’hon ainsi que le ministre de l’Instruction publique, Victor Duruy. Pourtant, d’autres bustes sont conservés dans les collections de la ville. Qui sont ces Illustres qui ne sont jamais devenus bronze ? Nul ne le sait et cette question mériterait bien entendu d’être creusée parce qu’elle éclairerait, sous un œil nouveau, l’histoire de notre ville.
Le buste de P.P. Prud’hon : de la fontaine de l’Ile à la place St-Marcel

Selon les renseignements de L. Zajdel, » construite en 1841, cette fontaine s’est d’abord appelée Fontaine de l’Ile en référence très certainement à l’endroit où, au Moyen-Âge, cet îlot de maisons était isolé par le Médasson qui coulait alors en surface. Devenue Fontaine Prud’hon en hommage au peintre né à Cluny et dont le buste avait été placé au sommet de cet édifice de 1875 à 1923, avant de se retrouver sur la place Saint Marcel. »
Après 1875. 1923, déplacement place St. Marcel.
Mais revenons à ce brave Duruy.
De la plaque de l’École normale (1904) au buste Duruy (1906)
Ce n’est pas un hasard si, en 1866, les élèves de l’École normale d’enseignement secondaire spécial choisissent comme devise celle de l’évêque d’Autun : « Honneur passe richesse. » Pour eux, l’agrégation spéciale préparée à Cluny, n’est pas un concours au rabais et ils ne rougiront jamais de leur titre face à leurs détracteurs, les agrégés classiques. Le concours supprimé, ceux qui travailleront après la première guerre continueront de noter dans leurs dossiers personnels -conservés au ministère de l’Instruction publique- que leur ordre d’agrégation est bien la « spéciale » ou la « moderne » pour se distinguer des anciens élèves de la rue d’Ulm.
Les élèves-maîtres qui ont poursuivi leurs études à Cluny voueront un culte sans pareil au père fondateur de l’enseignement spécial. Réunis en association, ils publieront un Bulletin jusqu’à la veille des années 1940 (ce qui montre bien leur attachement à l’enseignement spécial) et ils se retrouveront régulièrement en pèlerinage dans la cité abbatiale.
Au début des années 1900, les anciens élèves de Cluny décident de rendre hommage à l’École normale et à Duruy. Issus de milieux modestes, n’est-ce pas cet enseignement « spécial » qui leur a permis de passer de l’enseignement primaire à l’enseignement secondaire, leur permettant une belle ascension sociale en obtenant l’agrégation ?
23 mai 1904 à Cluny
À leur initiative, le 23 mai 1904, une plaque est inaugurée sur la façade du Pape Gélase[2]. C’est l’occasion pour les anciens élèves de se retrouver à Cluny. Le programme ? Ils en profiteront pour visiter la toute nouvelle École des Arts-et-Métiers et les haras. Après avoir déjeuné à l’hôtel de Bourgogne, ils partiront sur les pas de Lamartine à Saint-Point.

Façade avant 1904. La plaque n’est pas encore posée au-dessus de la porte.


Après 1904 : la plaque est posée au-dessus de la petite porte.
Ne cherchez pas aujourd’hui la plaque sur la façade. L’abbaye, c’est l’abbaye. Il y a quelques années, la plaque a été déplacée intra muros. Il n’y a qu’un curieux levant les yeux qui pourrait encore la découvrir. Et c’est une chance qu’elle n’ait pas été remisée ou versée à la benne.
Une plaque, c’est bien. Mais les anciens élèves veulent encore mieux pour honorer la mémoire de Duruy.

Ils offriront à la ville de Cluny un buste en bronze et lancent, dans leurs rangs, une souscription. Deux ans plus tard, la ville de Cluny se prépare à quarante-huit heures de festivité.
À suivre…
[1] Sa statue était positionnée dans les jardins de l’abbaye. Elle a été déboulonnée en 1872. Nous n’avons jamais retrouvé de document iconographique sur ce sujet.
[2] Inauguration d’une plaque commémorative, apposée par les soins de l’association amicale des anciens clunysiens le 23 mai 1904. Paris : imprimerie E Capiomont et Cie, 1904, 57 p.