« Les Récollets »
Notre visite des établissements scolaires et de leurs jardins ne serait pas complète si nous ne parlions pas de la Congrégation des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny et de « l’école des Récollets » comme on a l’habitude de nommer ce lieu dans Cluny, fondée par Mère Javouhey.
L’histoire de cette école et de ses bâtiments est méconnue des Clunisois eux-mêmes. Rien n’est réalisé pour mettre en valeur ce patrimoine et donner des indications aux touristes curieux qui feraient une halte devant les bâtiments avant de rejoindre le haut de la ville vers la porte Saint-Odile.
Au XIXe siècle, cette vaste propriété de trois hectares environ comprenait -outre les bâtiments- un potager (aujourd’hui jardin d’agrément très fleuri) et un verger entretenu par les religieuses et un jardinier. Seul le verger est encore exploité de nos jours.

Les services généraux d’intendance étaient alors éparpillés dans tous les bâtiments : infirmerie, pharmacie, dépense, cuisine, offices, éplucherie, chambres et caves à provisions, boucherie, laiterie.
Des dépendances annexes abritaient la boulangerie, la chambre pour la farine, le fruitier, la bassecour, la porcherie, le lavoir, la lingerie, le repassage, la lampisterie, la buanderie, le bois, les outils de jardin.
Les jardins
Nous sommes dans un vaste jardin dont une partie a été vendue pour construire ultérieurement l’école des Tilleuls. Les anciennes élèves et celles et ceux qui ont eu la chance d’y pénétrer lors des deux Portes Ouvertes que nous avions organisées en 2005 et 2007, savent combien la vue sur Cluny y est imprenable : l’abbaye, le clocher de l’eau bénite, Saint Marcel… le clocher de l’hospice…la tour des fromages.
Imaginez qu’au XIX, les Sœurs vivaient en autarcie. Il fallait donc nourrir tout le monde ainsi que les pensionnaires, comme à l’École normale de Duruy.
On élevait des moutons, des porcs, de la volaille dans la ferme adossée au mur du Fouettin. En mai 1846, on construit une écurie avec fenil, la municipalité ayant autorisé l’appui d’un bâtiment de la communauté des Récollets sur le mur de la ville : on y compte déjà en 1857 quatre vaches et onze cochons, des moutons et une basse-cour. Une porcherie est spécialement achevée en 1897.
La Congrégation possède de ce fait aussi une boucherie et une laiterie et cuit bien entendu son pain. À la fin du 19e siècle la cour où entrent les voitures rue Saint-Odile, est restée ce qu’elle était du temps des moines, nous dit sœur Léontine qui a rédigé les Annales de la Congrégation. On pouvait encore y voir le four où les moines Récollets avaient cuit le pain.
On faisait de la confiture (on en fait encore…), du miel et du vin et on mangeait les légumes du potager.

Ici il n’y a pas d’interdiction d’arroser en cas de sécheresse puisqu’il y des bassins de rétention d’eau. La citerne d’eau, creusée par les moines au 17e siècle qui recueille les eaux de la montagne et de pluies, fut longtemps le seul réservoir d’eau alimentant la maison. Elle existe toujours, sa contenance étant de 20 m3. « Elle mesure 16 mètres de long, 4,20 mètres de large et 3,30 de haut ; (…) Le fond est formé de dalles ordinaires. Les tuyaux du fond, du côté du noviciat ont été remplacés. Le tuyau qui alimente la buanderie prend l’eau dans l’intérieur a une hauteur de 0,45 mètres ; celui qui alimente la maison est au fond. Les travaux ont été faits par Mr Gobet aidé de Mr A. Magny. »

Pour les besoins quotidiens de la Congrégation, les sœurs allaient chercher l’eau potable au puit communal sur la place, rue Saint- Odile, avant que sœur Rosalie fasse creuser un puit de 18 mètres à l’intérieur de la propriété en 1860. On peut encore voir la trappe du puit vers les cuisines[1].

A la fin du 19e siècle, un poste de jardinier est mentionné sur les listes de recensement de la congrégation avec les membres de sa famille (en 2004, le poste de jardinier existait toujours). De 1896 à 1900 le jardinier, M. Cagnin recevra la somme de 9 000 F environ pour l’entretien de la vigne et du jardin de Saint-Clair, le verger et le séchoir, le curage et la réparation de la citerne d’eau.
Grâce à l’organisation interne les dépenses sont limitées. En 1873, les sœurs converses représentent 22,60% de l’effectif des religieuses dans la congrégation et 29% en 1901. À Cluny en 1899, elles sont 61 religieuses dont 41 sœurs de chœur et vingt converses ; les novices sont au nombre de dix-sept.
Le rôle des sœurs converses employées aux services domestiques est important même si toutes les religieuses participent aux travaux, permettant ainsi une vie communautaire en autarcie.
De nos jours, le « jardin des Récollets » est un magnifique jardin d’agrément où l’on trouve des fleurs mais encore quelques fruitiers. Si un jour vous avez la chance de pouvoir pousser la porte, n’hésitez surtout pas !

C’est sûrement un des plus beaux lieux de Cluny à découvrir.
N. W.
[1] I – A. M. C. 16 II D 1 1853/1873. D.M. du 13 mai 1860. Une demande de permission notée dans les délibérations municipales de la ville de Cluny à cette date indique : « Les frais sont supportés par moitié par la ville et la communauté : la ville regrette de ne pas pouvoir faire plus, vu les services rendus par les sœurs, mais son budget ne lui permet pas. »