Robert Moog, agent K30 à Lyon

Du 9 au 21 juin : le retour de Moog à Lyon

Toujours au service de l’Abwehrstelle de Dijon, Moog retourne à Lyon où Hardy a été ramené par Barbie. Interrogé, Hardy est ensuite libéré mais à condition de coopérer. Notons aussi qu’il a été grassement rétribué par la Gestapo pour jouer ce rôle, point soulevé par la maîtresse de Moog au procès Hardy[1].

En attendant le rendez-vous de Caluire, Moog ne reste pas inactif. Avec Louis Thys (alias « Le boiteux » membre de son équipe), il participe le 16 juin à l’arrestation de René Planche, maire de Villefranche-sur-Saône. Le 17, c’est au tour d’un réseau de résistants belges réfugiés de tomber au 3 rue Corneille à Lyon. Le 19 juin, Moog et sa bande arrêtent Alberte et Daniel Bourde, « dont l’appartement était une des plateformes de l’activité de Jean Moulin à Lyon[2] » et Maurice Sauthier[3] à Decines-Charpieu[4].

Et puis c’est Caluire.

Moulin ayant été averti par Guillin, secrétaire du général Delestraint, des arrestations à Paris, il faut désigner un remplaçant au général à la tête de l’Armée secrète. Une réunion est programmée pour le 21 juin à Caluire.

Quant à Hardy, il a été ramené le 10 juin par Barbie à Lyon et il joue sur les deux tableaux. C’est ainsi qu’il rencontre Aubry le 20 juin et que celui-ci lui demande de l’accompagner (et surtout de le soutenir) au rendez-vous de Caluire. Barbie, Moog et Stengritt (autre agent de Barbie) assistent à l’entretien entre les deux hommes, au pont Morand. Puis Moog remet Edmée Deletraz à contribution : elle devra suivre l’invité de Caluire -Hardy- et indiquer à Barbie l’adresse où se tient la réunion avec Jean Moulin.

Moog, Saumande et Doussot ne participent qu’aux filatures[5]. Barbie, cherchant à évincer Moog qui lui a fait un peu trop d’ombre dans les affaires précédentes, s’est réservé le premier rôle : celui de mettre la main sur « Max ». Il n’aura pas longtemps à attendre avant de connaître l’adresse du docteur Dugoujon.

Se confiant au résistant Robert Nollet, Moog -au sujet d’Hardy- avouera : « C’est le plus beau coup qu’on a fait[6]. »

L’espace d’un printemps, Moog a installé sa réputation à Lyon, plaque tournante de la résistance. À la solde de Kramer, tout en restant l’agent K30 de l’Abwehr, il va rester encore quelques mois à la tête de la section IVE montée avec des Gestapistes français. Doussot certifiera toujours avoir été présenté par Barbie à Moog. Or c’est bien le contraire qui s’est produit. Quant à la date, G. Chauvy penche pour l’hypothèse émise par l’inspecteur Maurice Laus : pour ses activités de passeur à Saint-Jean-Des-Vignes, « en 1942, Doussot (…) a bel et bien été arrêté par les Allemands. (…) Durant sa détention, il a été recruté par le nommé Moog[7]. »

En l’état actuel des recherches, il est impossible de donner la date exacte de l’entrée à la Gestapo de Doussot. Ce qui est certain, c’est que Doussot en janvier 1943 est recherché à Dijon pour vol d’alcool. Dans cette affaire, son compère, une gitane au doux nom évocateur de « La Babouine » (Adrienne Montaclair, épouse Saucy) est mise sous les verrous ainsi que sa bande : René (ou Pierre) Lowe, Paul Saucy et Gaston Thiriot dont nous reparlerons. Il y a de fortes chances pour que Doussot, souhaitant échapper aux griffes de la Justice, trouve alors refuge à la Gestapo de Lyon afin de ne pas être inquiété. Ce qui est certain également, c’est que Edmée Deletraz confirme qu’elle a bien vu Doussot au siège du SD « avant l’arrestation de Berty Albrecht[8] ».

Tout comme il est possible que Doussot se soit mis au service de la Gestapo bien avant fin avril-mai 1943, ce qui expliquerait la place qu’il va prendre rapidement au sein du SD.


[1] Chauvy Gérard. Aubrac- Lyon 1943. Paris : Albin-Michel, 1997, 456 p., p. 109. Audition de Mauricette Eychenne, le 20 avril 1947 par le commissaire Gouillaud (dossier Hardy).

[2] Convert Pascal. Daniel Cordier, son secrétariat, ses radios – Essai critique sur Alias Caracalla. Librinova, 2020, p. 135.

[3] Maurice, 25 ans, résistant décinois né le 21 juin 1918 à Bourg-Saint-Maurice, mort le 30 octobre 1958. Maurice Sauthier tenait avec ses parents, un café à Décines-Charpieu appelé le « Café de la Gare », qui servait de boîte aux lettres entre les maquis du plateau de Crémieu et la Résistance à Lyon. Il était membre des Sauveteurs et Avirons Décinois, et il utilisa leurs locaux pour cacher des armes (sous les barques). Appartenant au réseau « Combat », il fut arrêté le 19 juin 1943 par la Gestapo, au retour d’une mission à Bourgoin. Emprisonné à Montluc, Fresnes, Compiègne, déporté à Weimar et Dora, il rentrera le 12 mai 1945, avec une santé très ébranlée. Il mourra 13 ans plus tard.   

[4] Chauvy Gérard. Histoire secrète de l’occupation. Paris : Éditions Payot, 1991, 349 p., pp. 269-270.

[5] Idem., p. 268.

[6] Gelin Jacques. L’affaire Jean Moulin. Trahison ou complot. Paris : Gallimard, 2013, 595 p., p. 72.

[7] Chauvy Gérard. Histoire secrète…, op.cit., p. 112.

[8] Gelin Jacques. L’affaire Jean Moulin…, op.cit., p. 99.