Fermer ou pas la rue Municipale ?
En 1872, des travaux se poursuivent dans l’abbaye qui accueille depuis 1866 l’École normale d’enseignement secondaire spécial et son collège annexe.

Dans cette deuxième moitié du XIXe siècle, même si la ville ne retrouve pas sa renommée d’antan, elle commence enfin à revivre, tant au point de vue économique que culturel. Néanmoins, les Clunisois montrent beaucoup de réticences à accepter le changement. En juin 1873, ils s’adressent au ministre de l’Instruction publique -avec une pétition- ne souhaitant pas que la rue Municipale soit définitivement fermée. Cette entrée, rappelons-le, donnait accès à l’abbaye. En 1873, c’est donc la grande question de l’année : faut-il conserver l’entrée principale de l’abbaye rue Municipale ou déplacer celle-ci place du Marché ? Quelle est alors la position de nos concitoyens sur cette question cruciale, puisqu’elle va contribuer à dessiner le « paysage » du centre-ville, tel que nous le connaissons aujourd’hui ?
Écoutons leurs arguments :
« La porte principale d’entrée de l’École normale spéciale ouvre sur la rue Municipale, c’est-à-dire dans le quartier le plus fréquenté et le plus commerçant de la ville. Or, d’après le plan que facilite la reconstruction du bâtiment dit « palais du pape Gélase », cette entrée est transférée sur la place du Marché, et la porte actuelle se trouve supprimée et même complètement murée.

Cette modification a pour résultat de transformer la rue Municipale en une impasse, et d’enlever aux maisons qui la bordent leur valeur vénale, en même temps que les commerçants installés dans ces maisons voient leur industrie gravement atteinte, pour ne pas dire ruinée. Quartier jusqu’à ce jour florissant, les pétitionnaires osent espérer que le ministre voudra bien se pencher sur les conséquences de la fermeture de la rue Municipale. D’autre part ils attirent l’attention du ministre sur le fait qu’engendre la fermeture de cette rue. La suppression de la porte actuelle prive l’école de tout secours efficace en cas de danger, la seule entrée par laquelle il serait possible d’introduire les pompiers étant située dans la partie la plus reculée de la ville et à 800 m de l’endroit. » (Archives nationales, pétition des habitants de Cluny).
Qu’en pense, de son côté, le directeur de l’École normale ?
« La porte, à l’extrémité de la rue Municipale, ancienne entrée de l’établissement, était destinée à disparaître. Quoi que la multiplicité des entrées ne soit pas à désirer dans un établissement comme le nôtre, je viens cependant vous demander le maintien de celle-ci : la cour du jet d’eau, à laquelle elle donne accès du dehors, et la partie centrale de la maison ; les voitures ne peuvent y arriver, ni par la nouvelle entrée, dont elle est séparée par dix-huit marches, ni par le jardin, à cause d’une assez grande différence de niveau et du peu de largeur des portes.

C’est donc par la porte Municipale seule que peuvent entrer les matériaux destinés aux constructions, et à l’entretien de la toiture, ainsi que son approvisionnement en bois et en charbon. Il faut encore ajouter que c’est par là seulement qu’on pourrait introduire les pompes à incendie, dans le cas d’un sinistre. Ces raisons me paraissent suffisantes pour justifier le maintien de cette porte, qui ne servirait ailleurs que dans les circonstances que je viens d’énumérer. » (Archives nationales, lettre du directeur au ministre, 18 juin 1873).
Pour des raisons pratiques, la porte Municipale a été conservée mais l’entrée officielle est définitivement déplacée. Bon, certes la photo de la porte Municipale est prise un jour de janvier glacial avec en fond des travaux et des boutiques fermées, mais c’est quand même plus « classe » d’entrer dans les bâtiments place du Marché !