Robert Moog, agent K30

Monter une équipe

Que fait Moog entre la mi-avril et la fin mai 1943, date de l’arrestation de Berty Albrecht ? Il s’installe à Lyon -dira sa maîtresse Mauricette Eychenne- « pour gagner de l’argent[1]. » Il en profite surtout, avec Saumande et Morin (alias Maurice Burnier), pour recruter les Gestapistes français et monter son équipe de la section IVE.

Et, dans cette tâche, il est très fort. Robert Nollet l’a bien connu puisqu’après son arrestation en avril 1943, Moog lui propose de travailler pour le SD. L’agent du réseau Prunus n’a pas le choix : Moog a pris son père en otage. De surcroît, Robert Nollet obtient l’aval de son chef Murguet. Ce dernier pense que c’est l’occasion pour la résistance de récupérer des renseignements sur la Gestapo. Nollet, sorti de prison par Moog, va donc le côtoyer pendant quelques semaines, du 24 juillet au 16 août, date à laquelle il réussit à rejoindre la Suisse.

Nollet, lorsqu’il rencontre Jacques Gelin en 1988, lui confie : Moog [m]’aimait bien. Il venait même dormir chez [moi] avenue de Saxe, avant d’emménager à Lyon. Et l’agent K30 était un bavard : lors d’un voyage avec Nollet entre Lyon et Toulouse, « il [m’a] raconté beaucoup de choses, à propos des méthodes de travail allemandes, et des jeux d’agents, dont il était un expert et dont il [m’]a fait la théorie. »

Pour Nollet, Moog, passé maître dans le recrutement d’agents français, « était un agent extraordinaire[2]. »

Sans toutefois connaître la date exacte, pour certains, de leur entrée au SD, on trouve :

Lucien Doussot « André » et son ombre soit André Thévenot « Henri », Pierre Antolino (« Pierre de Mornant » ou « Inspecteur Walker »), Louis Thys (alias « le Boiteux » ou « Tessier ») et André Jacquin (alias Milneuf ou Troiscatins »).

Leur fiche signalétique est établie par la section VI. Pour leur sécurité, tous ont une nouvelle identité et portent un pseudo.

En juillet 1943, date à laquelle Moog installe son bureau au 1, rue de la Tête d’Or, il a également à son service un très jeune garçon (14 ans ?) du nom de Maroud ou Maroux, lequel répond au téléphone. L’agent K30 aurait arrêté ses parents et l’aurait de ce fait, gardé auprès de lui. Moog a également à ses côtés le docteur Schaubek[3]

Rejoignent ensuite l’équipe : Angèle Perrin alias « Lucienne » Paul Mathieu, Monique Boisvin, Georges Villemur, Jean Henri Villemur, Félix Paolini, arrivé au début de l’année 1944 avec Marcel Courtecuisse (« Jean Renard »), Charles Guggisberg pseudo « Charly », Fleury Cinquin dit « Kiki », Paul Mathieu, Eugène Derlon dit « Serge Le Tunisien » et Max Payot.

Une note, conservée dans le dossier Moog, liste également les noms de : Chaffraix[4], Decize, Mathelin[5], Paulette Meffret, Mme Clairet, d’Irénée Chaffard[6] et de Multon, alias « Jean-Pierre Michaud »[7].

La liste est déjà longue.

Son équipe constituée, Moog peut aider Barbie à décapiter la résistance.


[1] Témoignage de M. Eychenne, 24 avril 1947, citée in Convert Pascal. Daniel Cordier, son secrétariat, ses radios – Essai critique sur Alias Caracalla. Librinova, 2020, p. 319.

[2] Gelin Jacques. L’affaire Jean Moulin. Trahison ou complot. Paris : Gallimard, 2013, 595 p., p. 72.

[3] Chef des rapports entre la Gestapo de Paris et la province. Tué en mai lors du bombardement, avenue Berthelot.

[4] AD Rhône, dossier Antolino 394 W 251. Déposition de Fritz Altenburger, 18 mars 1946. Chaffraix Maurice, André, Jean (du réseau Brutus) arrêté le 24 mars 1943. Chaffraix était également agent de renseignements pour Schmidt.

[5] Alexandre Mathelin sera arrêté en 1949. A oeuvré dans le secteur de Villefranche avec Billot René (arrêté en 49) et Barthélémy (exécuté par le maquis).

[6] Chaffard Pierre Irénée né le 28 08 97 à Pélussin (Loire) domicilié 11 rue Lemot à Lyon.

[7] SHD Vincennes, GR 28P P 9 14 155 : dossier Moog.