Grâce à l’installation du collège et de l’École normale d’enseignement secondaire spécial (on évitera de mettre un « e » à spécial comme on le lit trop souvent sur certains réseaux sociaux !) en 1866 à Cluny, l’abbaye connaît comme une seconde naissance : « J’ai vu la résurrection de la grande et célèbre abbaye », écrit à Duruy le curé Duquesnay en visite à Cluny.

Le jour de l’ouverture des locaux est fixé au 1er novembre 1866, jour de la Toussaint, et la messe est dite sur un autel provisoire mis en place dans un couloir. C’est l’aumônier et les sœurs de la Congrégation Saint Joseph, infirmières de l’établissement, qui s’occupent dans la précipitation de cette organisation avec les moyens du bord.
Le jour choisi pour cette ouverture est logique par rapport à une date de rentrée des classes mais c’est également comme un hommage, (et nous pouvons imaginer que Duruy y a pensé) à l’un des plus grands abbés de Cluny, Saint Odilon qui avait instauré la fête des défunts, un jour plus tard, le 2 novembre.
Dès l’installation de l’École normale d’enseignement secondaire spécial et du collège dans l’abbaye de Cluny, tous les élèves bénéficient d’un enseignement religieux.
Pour les collégiens, l’enseignement religieux est organisé de la même manière que dans l’enseignement classique. Selon l’arrêté du 24 mars 1863, les cours de religion ont lieu une fois par semaine (le jeudi) et durent une heure. Comme toutes les autres matières, ils donnent lieu à des compositions et des récompenses.
A contrario, l’enseignement religieux sera absent de la formation des futurs enseignants qui se destinent à l’enseignement spécial. À ce sujet, Duruy est très clair et il écrit à son directeur Ferdinand Roux : « Ne laissez pas votre aumônier tirer son grand sabre théologique afin de pourfendre Voltaire et Rousseau (…) Vous vous rappelez mes hésitations à établir dans l’intérieur de l’École un aumônier à demeure. (…) À l’École, l’aumônier ne doit faire qu’un service paroissial, attendu qu’il s’adresse à des jeunes gens assez avancés dans la vie pour que je ne veuille pas me donner le tort d’exercer sur eux, même l’apparence d’une pression religieuse[1]. »
Les offices
L’argent manque et il y a tant à faire en matière de travaux dans l’abbaye, que rénover une chapelle pour les offices n’est pas la priorité du ministre de Napoléon III. Mais, selon A. Penjon[2], la messe est dite après 1869, dans « La chapelle de l’École normale spéciale [qui] occupe l’extrémité méridionale du grand transept. Elle comprend, outre la partie de la croisée qui débordait sur les deux nefs, une travée du dernier collatéral, et les deux petites chapelles de Saint Martial et de Saint Etienne. (…) Il a fallu refaire avec du ciment la base des piliers et des colonnes, rongée par l’humidité, et une sorte de dallage, pour remplacer les anciennes dalles disparues. »
Selon le règlement de l’École et du collège, « Les dimanches et jours de fêtes concernés, tous les élèves assistent à la messe qui est célébrée dans la chapelle de l’École. Ils assistent également dans la chapelle aux prières du matin et du soir qui sont récitées par l’un d’entre eux. »
Lorsque l’École ferme ses portes en 1891, la chapelle n’est plus utilisée. Pierre Dameron, directeur de l’école primaire supérieure, sera chargé par le ministre de l’Instruction publique de disperser les objets de culte et les meubles de la chapelle dans différents établissements des académies de Dijon et de Besançon.
Un culte protestant ?
En 1872, le règlement de l’établissement au sujet des offices est modifié. En effet, « Toute facilité sera donnée aux élèves non catholiques pour suivre au dehors l’exercice de leur culte. »
Un office protestant est mis en place en 1872 et c’est le pasteur Charat qui officie jusqu’en 1891, moyennant une indemnité de 325 francs en 1889. L’arrivée à Cluny d’Alsaciens Lorrains de confession protestante ayant opté pour la nationalité française après la guerre de 1870 est peut-être une explication. Plus d’enfants protestants scolarisés entraîne forcément la mise en place d’un culte.
Des années plus tard, on retrouve trace dans Cluny d’un cercle protestant évangélique, « place du marché ». Le temple, fréquenté par les collégiens et élèves-maîtres, se trouvait peut-être à cet endroit dès 1872.

[1] Lettre de Victor Duruy à Ferdinand Roux, 3 décembre 1866.
[2] Professeur de philosophie et morale à l’École normale.