La mode dans nos campagnes

« L’habitant des campagnes n’est pas, comme celui des villes, soumis à la mode ; ce n’est pas le désir de paraître bien mis qui le guide dans le choix de ses vêtements, c’est plutôt leur durée et leur commodité. L’hiver, un pantalon et une veste d’étoffe de laine grossière le plus souvent filée par les femmes et fabriquée dans le pays, un gilet d’un tissu chaud et résistant, le tout recouvert d’un sarrau de toile bleue, des bas de laine, de forts souliers ou des sabots, un chapeau de feutre à bord plus ou moins large, forme tout son habillement. L’été, à l’étoffe de laine, il substitue celle de fil ou de coton, ou une étoffe plus légère, contenant peu de laine ; il quitte la veste pour ne conserver que le sarrau, remplace le chapeau de feutre par le chapeau de paille, et dépouille ses pieds des bas de laine.  

Les femmes suivent la même coutume : vêtues, en hiver, d’étoffes de laine, elles les remplacent, dans la saison chaude, par des habillements plus légers. Presque toutes ont conservé cet antique vêtement, le chaperon, connu dans le canton de Autun sous le nom de cape, qui les garantit l’hiver du froid, et en tout temps de la pluie. La Thérèse, vêtement particulier au maran, remplace la cape en été.

La chaussure habituelle est le sabot en bois de bouleau. Dans quelques cantons ils sont faits avec une telle habileté et emboîtent tellement le pied, que la neige, la boue et même l’eau, ont peine à y entrer.

L’examen des divers costumes des habitants de Saône-et-Loire a donné lieu à de singuliers rapprochements. Quelques auteurs ont essayé d’en faire remonter l’origine jusqu’à l’époque de l’invasion romaine. On sait, disent-ils, qu’une partie des Illyriens et des Pannoniens de l’armée de Septime-Sévère furent laissés en colonie aux environs de Tournus et de Pont-de-Vaux. Ne pourrait-on pas voir dans les noms de Damerey et de Boyer une dérivation des noms latins Dalmaciacum et Boiodurum ?

À l’Est de la Saône ?

Les usages, le costume et le dialecte mâconnais et bressan viennent encore prêter un nouveau poids à cette supposition. L’habillement des jeunes filles rappelle assez bien les vêtements en usage actuellement encore dans les provinces de l’ancienne Illyrie. La tunique et la ceinture se retrouvent en Istrie, en Croatie, en Hongrie et en Bulgarie. La toque de laine à longs poils, entourée d’un bourrelet, est encore à quelques variations près la coiffure habituelle des femmes valaques, russes et cracoviennes. Si le chapeau pointu des filles de Sermoyer n’est pas le bonnet des magiciennes de Sirmium, il ressemble du moins à celui des anciens Albanais leur voisin. Pour se faire une idée du costume de cérémonie des paysans d’Uchizy, il suffit de se rappeler l’habit bleu et les larges culottes de l’Istrien, et d’y joindre le manteau rouge du Morlaque ou du Croate.

Les mêmes analogies se retrouvaient il n’y a pas plus de cinquante ans dans les coutumes et les moeurs des habitants de Tournus et d’Uchizy. »

La Bourgogne par A. Ducourneau et A. Monteil.