« Juliette Gréco est née à Montpellier le 7 février 1927. Elle est la seconde enfant de Gérald Gréco, commissaire spécial de la police des jeux d’origine corse et de Juliette Lafeychine, bordelaise, fille unique d’un architecte et riche héritière.

La mère de Juliette, Juliette Lafeychine, éprise de liberté et afin d’échapper à la « bonne société bordelaise » étouffante, elle épouse Gérald Gréco qui a 30 ans de plus qu’elle. Ils se séparent très tôt et Gérald part s’installer sur la Côte d’Azur.

Charlotte, née en 1924, et Juliette sont élevées par leur grand-mère maternelle à Talence, près de Bordeaux. En 1936, son grand-père meurt et sa grand-mère malade ne peut plus assurer l’éducation de ses petites-filles.

Juliette Lafeychine habite à Paris, rue de Seine, et récupère ses deux filles. En 1938, Juliette a 12 ans et rentre petit rat de l’Opéra à Paris.

Lors de la déclaration de la guerre, la famille retourne s’installer en Dordogne, à la Marcaudie, une belle propriété isolée en Périgord. Elles y vivent en sécurité avec Antoinette Soulas, poétesse qui se fera connaître après la guerre comme auteur de romans policier et maîtresse de Juliette Lafeychine.

La maison devient très vite un lieu de passage pour la Résistance.

L’arrestation : 9 septembre 43

L’été 1943, alors que toute la famille redescend en Périgord pour les vacances, Juliette Lafeychine et ses filles sont arrêtées par la Gestapo le 9 septembre 1943 et enfermées à la prison de Fresnes.

Sa mère et sa sœur, Charlotte, seront déportées à Ravensbrück. Juliette est relâchée un mois après, en raison de son jeune âge…

Portrait Harcourt non daté

Libérée de Fresnes

Une fois libérée de Fresnes, elle a 17 ans et se retrouve sans ressource à Paris où elle ne connaît qu’une amie de sa mère, Hélène Duc, qui fut son professeur de français à Bergerac. Hélène habite rue Servandoni, près de l’église Saint-Sulpice, dans le 6e arrondissement. Elle la loge dans la pension où elle-même demeure et la prend en charge.

Elle se souvient : « Quand je suis sortie de prison en 1943, j’ai reçu l’appui de gens qui m’ont aidée à être ce que je suis, à devenir moins faible, moins inquiète. Inquiétude que j’ai gardée, mais j’ai une force dans mes choix. Ma mère me disait toujours : le premier mot que tu as dit, c’est « non! ». C’est vrai que je dis « non » plus facilement que je ne dis « oui ». »

Juliette découvre Saint-Germain-des-Prés et se laisse convaincre par Hélène Duc de tenter sa chance au conservatoire d’art dramatique.

Juliette Gréco rencontre alors toute l’intelligentsia parisienne de l’époque. Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Jean Cocteau et Boris Vian et la bohême. Touchés par l’histoire de cette jeune fille insolente, révoltée et presque « orpheline », ils la prennent sous leur aile.

Le Lutetia

En 1945, Juliette n’a toujours pas de nouvelles de sa sœur et sa mère. A la libération, on annonce que certains déportés seront rapatriés à l’hôtel Lutetia. Juliette Gréco s’y rend chaque jour, accompagnée de Boris Vian ou d’Albert Camus. Chaque jour elle attend avec des milliers d’autres sur les trottoirs du boulevard Raspail.

A la mi-septembre, Juliette Gréco retrouve enfin sa mère et sa sœur. Tandis que leur mère s’engage comme officier de marine dans le corps expéditionnaire français en Indochine, les deux sœurs fréquentent la faune artiste et bohème du Quartier latin.

Depuis, la chanteuse fait toujours ses interviews dans un salon du Lutetia et s’y installe chaque fois qu’elle quitte sa maison de l’Oise. Parisienne d’adoption, elle est devenu le symbole de la chanson de Saint-Germain-des-Prés. »

AJPN, 5 mars 2010