Alfred Henry Jean Rosier est né le 30 juin 1900 à Cluny. Son père, Jean Rosier, a épousé Marguerite Clabecq en 1898 et tous les deux exercent la profession de marchands à Cluny.

En 1920, Alfred est étudiant en sciences. Il va réaliser une belle carrière professionnelle puisqu’il se retrouve rédacteur au ministère du Travail puis chef de cabinet de Jean Zay. Il travaille ensuite au ministère de l’Éducation nationale comme secrétaire général du comité des œuvres en faveur de la jeunesse scolaire et universitaire. Il sera chassé du ministère lorsque Abel Bonnard remplace Jérôme Carcopino[1].

Dans la résistance à « Centurie » et « Maintenir »

Comme Berthelot[2], Clunisois lui-aussi, Rosier appartiendra au réseau Centurie[3] mais c’est surtout son action dans le groupe « Maintenir » qu’il faut retenir.

« Maintenir » est un réseau qui s’attachera à mobiliser la jeunesse. Et quelle mobilisation !!!

L’équipe de Rosier est composée, entre autres, de Jean Kreher (avocat, déporté), de Georges Jamati (sous-directeur au C.N.R.S) et de Claude Bellanger. François de Lescure[4] imprime les tracts.

La première manifestation des jeunes parisiens se déroule le 8 novembre 1940 devant le Collège de France pour protester contre la suspension des cours du professeur Langevin[5]. C’est « la première expression ouverte de la résistance parisienne ».

Puis Rosier et Bellanger appellent à manifester aux Champs Elysées et à l’Étoile trois jours plus tard pour le 11 novembre.

« Étudiant de France !

le 11 novembre est resté pour toi jour de Fête nationale

Malgré l’ordre des autorités opprimantes, il sera

Jour de recueillement.

Tu n’assisteras à aucun cours.

Tu iras honorer le Soldat Inconnu, 17 h 30

Le 11 novembre 1918 fut le jour d’une grande victoire.

Le 11 novembre 1940 sera le signal d’une plus grande encore

Tous les étudiants sont solidaires pour que Vive la France !

Recopie ces lignes et diffuse-les. »

 » La manifestation bat son plein vers 17 heures, au moment où arrivent de nombreux groupes de lycéens et d’étudiants. (…) Le rapport du commandement militaire allemand estime entre 500 et 1 000 le nombre des manifestants présents à 17 heures. À 18 heures, la police française évalue à 24 500 le nombre cumulé des visiteurs de l’après-midi, certes pas tous étudiants, à la tombe du Soldat inconnu, et à 1 550 le nombre de bouquets déposés. Ces décomptes n’indiquent pas le nombre des manifestants ?[6]. » On peut estimer qu’il y avait 3 000 participants présents à la manifestation.

Rosier poursuivra son travail dans le réseau « Maintenir ». Parcourant la France sous prétexte de donner des « conférences professionnelles », il fera beaucoup de propagande dans les établissements scolaires qu’il visite. Le réseau « Maintenir » ne s’en tiendra pas là : il organisera des passages en zone libre, fabriquera également des faux papiers, etc.

En avril 1946, Alfred Rosier est décoré de la médaille de la résistance, avec rosette. Il décède à Paris le 17 septembre 1986.

« Le groupe Maintenir est fondé en septembre 1940. C’est en effet cette date que Claude Bellanger, l’un de ses fondateurs, avance au sujet d’une première réunion entre quelques hommes, à l’initiative d’Alfred Rosier. Décidés à agir contre l’occupant, ils sont animés, selon Claude Bellanger, d’une foi patriotique et d’une attitude de refus. De fait, le groupe qui va naître constitue de 1940 à 1943 une entité résistante originale, sorte de plaque tournante en raison de ses contacts multiples avec diverses formations et de la diversité de ses activités. A la Libération, le groupe Maintenir ne fut pas homologué comme unité combattante : il semble bien que cela ait trait à son mode de fonctionnement. Ses principaux animateurs oeuvrent en effet individuellement au sein de différentes formations : Alfred Rosier, Claude Bellanger ou encore Georges Jamati sont membres de l’OCM,  Félix Rocher du FN, Jean Kreher du réseau Samson… Ils se retrouvent cependant pour travailler de conserve offrant à Maintenir une personnalité propre. Le groupe existe en tant que tel jusqu’au mois de mars 1943. L’arrestation de Claude Bellanger semble mettre un terme à ses activités. Dans un historique d’après-guerre, ce dernier insiste néanmoins sur l’importance des liens tissés au cours de ses mois d’existence et qui vont être activés jusqu’à la Libération.

Les membres fondateurs de Maintenir sont engagés dans le milieu étudiant. Alfred Rosier est secrétaire général du Comité supérieur des Œuvres sociales en faveur des étudiants ; Claude Bellanger est directeur du Centre d’entr’aide aux Etudiants mobilisés et Prisonniers. François de Lescure est le secrétaire général de l’Union nationale des étudiants de France. Quant à Félix Rocher et Jean Kreher, ils sont tous deux avocats. A ce noyau initial vient se greffer par la suite Georges Jamati, sous-directeur du Centre national de la Recherche scientifique. Outre le milieu estudiantin, Bellanger signale de multiples et importantes complicités au ministère de l’Education nationale comme celles du recteur Galletier, de Guyot, secrétaire général de la Sorbonne ou encore de Roland, chef de bureau à la Direction de l’Enseignement supérieur… Le ministère de l’Education nationale et le Centre d’Entr’aide aux Etudiants prisonniers, 5 place Saint Michel, sont deux pôles centraux de l’activité du groupe.

Comme de nombreux autres groupes en formation, Maintenir commence par effectuer un travail de propagande, ses membres se livrant à la confection et à la distribution de tracts dénonçant Vichy et la politique de collaboration, défendant de Gaulle et prônant la victoire des Alliés. Le groupe Maintenir, au premier rang duquel François de Lescure, joue un rôle de premier ordre dans l’organisation de la mobilisation du 8 novembre 1940 en faveur de Paul Langevin, devant le Collège de France. En plus de cette activité de propagande, les membres du groupe prennent bientôt pour cible des personnalités suspectes de collaboration, en particulier dans les milieux universitaires. Des avertissements sont adressés aux intéressés. Des listes sont par la suite transmises à l’OCM et au NAP alors que Maintenir suggère des noms pour remplacer les fonctionnaires défaillants.

Ce même esprit de projection dans le futur est à l’origine d’une réflexion menée sur les réformes à appliquer dans une France libérée. A celle-ci sont associés diverses personnalités comme les ingénieur-chimistes André Graetz et René Sordes, un directeur d’école révoqué par Vichy, René Patin, ancien chef de cabinet de Jean Zay et propriétaire d’une librairie place Saint-Michel. Les liens existant avec l’OCM permettent la publication d’un plan de réformes sur l’Education nationale dans le deuxième cahier de l’OCM (« Etudes pour une nouvelle révolution française », septembre 1942). Ce plan prit le chemin de Londres.

D’après Claude Bellanger, Maintenir se livre à une activité de renseignement. Des liaisons variées existent, qui permettent la transmission d’informations de toutes natures. Une liaison particulière serait pendant un temps assurée par le chef du premier « réseau interallié », le commandant Marchal, Président de l’Union des ingénieurs chimistes. Maintenir est en contact avec le groupe Hauet-Vildé ; il utilise plus tard les services de la centrale Périclès et du réseau Mithridate. Le réseau Samson, en la personne de Jean Kreher, achemine également des renseignements. Le canal de l’OCM est aussi utilisé, permettant la transmission de renseignements ferroviaires, de plans de DCA, etc.

Le Centre d’entr’aide aux étudiants prisonniers accueille un temps un appareil d’émission radio. La complicité de Paul Joly, alors directeur-adjoint du Centre, est alors essentielle. Le même Paul Joly joue un rôle de premier plan dans la mise en place et l’animation d’un service de confection de faux papiers, à l’été 1941 : fiches de démobilisation, feuilles de recensement, certificats de travail, cartes d’alimentation, tampons et cachets y sont conçus. Des liens existent également dans ce domaine avec le Groupe de le rue de Lille et avec le Comité d’Action contre la déportation.

Une filière de passage de la ligne de démarcation est également élaborée par Claude Bellanger et Paul Joly, avec le concours de Léo Leymarie et d’autres complicités. Elle vient en aide aux Israélites comme aux réfractaires, aux Alliés ou aux évadés. Sur place, ils trouvent la logistique nécessaire : hébergement, nourriture, vêtements, faux papiers et possibilités de transport.

Le Centre d’entr’aide vient en aide aux prisonniers politiques et à leur famille. Claude Bellanger rend ainsi hommage aux étudiants bénévoles parcourant les prisons à la recherche des résistants internés afin de les localiser. Le Centre participe au fonctionnement du service des bibliothèques des prisonniers et déportés politiques de la Croix-Rouge française, lequel est dirigé par Yvonne Baratte. Une activité d’assistance encadrée par Berthe Gillier, chef du service social du Centre d’Entr’aide, est apportée aux familles des internés.

Claude Bellanger signale enfin le concours apporté par les membres du Centre d’Entr’aide à la diffusion de publications clandestines comme les Cahiers de l’OCM, Les Lettres françaises, les publications des Editions de Minuit, des Pages d’histoire éditées par le groupe de la rue de Lille, de Résistance, de Libération (zone Nord), de La Nouvelle République, des Cahiers du travaillisme français…

Le groupe Maintenir aide les Editions de Minuit : en contact direct avec Pierre de Lescure ou encore Jean Bruller, Claude Bellanger (dont le pseudonyme est « Mauges » pour les Editions de Minuit) et Georges Jamati facilitent l’organisation de réunions, le financement ou la diffusion de volumes.

Le 2 mars 1943, la Gestapo se rend place Saint Michel au Centre d’Entr’aide et arrête, sur dénonciation, Claude Bellanger et un autre membre de Maintenir, René Paty. Bellanger subit une dizaine d’interrogatoires. Il est libéré le 28 juillet 1943 ayant pu, grâce à une habile défense, faire valoir son innocence.

Après les arrestations de mars 1943, le groupe Maintenir cesse de se réunir. Les membres du groupe poursuivent leur action dans leurs organisations respectives. Ainsi Claude Bellanger se consacre-t-il alors à l’OCM.

Si Maintenir semble avoir été en premier lieu une organisation parisienne, il faut noter que Claude Bellanger a signalé des extensions en province : on trouve ainsi des relais dans le Nord, le Pas-de-Calais, les Ardennes ainsi qu’en zone Sud. Ces groupes provinciaux auraient fini par être absorbés par des mouvements comme l’OCM ou Libération-Nord[7]. »


[1] Secrétaire d’État à l’Éducation nationale et à la jeunesse dans le gouvernement de l’amiral Darlan de 1941 à 1942.

[2] Voir l’article : « Figure de la résistance née à Cluny : Marcel Berthelot. »

[3] Dossier Rosier, service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 520553.

[4] Président de l’Union nationale des Étudiants légale (UNE).

[5] P. Langevin est arrêté le 30 octobre 1940. Physicien mondialement connu, fondateur en 1934 du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (mouvement Amsterdam-Pleyel), il est une figure du Front Populaire.

[6] https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2011-2-page-67.htm

[7] http://museedelaresistanceenligne.org/media10330-Claude-Bellanger-et-le-groupe-Maintenir