Jean Roger Maurice Rigolet est né le 12 mars 1925 à Villeneuve-Saint-Georges (Seine-et-Oise).

Son père, Léon Claudius Émile Maurice, employé du chemin de fer, a épousé Jeanne Juliette Garcin, sans profession, à Saint-Bérain-sur-Dheune (71) en 1911. En 1913, la famille vit à Villeneuve-Saint-Georges. Jean, avec son frère élève aux Arts-et-Métiers (promotion 1939), vivent à Cluny chez leurs grands-parents, Émile qui est palefrenier et Marie.

Jean Rigolet (1925-1944)

Jean a suivi ses études au collège Jacques Amyot à Melun. Il a obtenu son certif en 1937 et il est entré à La Prat’s en octobre 1938, section ajustage. Ses copains de promotion s’appelleront Yvon Giloux, Gabriel Déchant, Serge Laly et Guy Josserand.

Guy Prosper Josserand est né le 25 février 1925 à Melun (Seine-et-Marne). En 1941, son père André Pierre, ingénieur Arts-et-Métiers[1] et sa mère Lucienne Darbois, sans profession, sont domiciliés à Bou-Hanifia (Oran). Guy a une sœur, Henriette.

Avis de décès de Josserand.

Guy Josserand suit les cours du lycée d’Oran et arrive à La Prat’s en octobre 1941, section forge. Son correspondant sur place est son oncle -Roger Josserand- qui exerce la profession de comptable à Mâcon. Il vit chemin des Gaises.

À La Prat’s, les F.U.J. en 1944

Fin 1942, les Forces Unies de la Jeunesse voient le jour lors de la fusion des mouvements de Résistance. Si les F.U.J. s’organisent rapidement dans d’autres départements, comme au lycée Lalande de Bourg-en-Bresse par exemple[2], il faut attendre janvier 1944 pour que les Prat’siens, à leur tour, s’organisent.

C’est Antonin Lanovaz (élève à La Prat’s), auquel nous consacrerons un article, qui forme -sous l’impulsion du chef d’atelier Delouche- cinq sixaines. Selon lui, la liaison des F.U.J. est réalisée avec l’I.S. par Robert Gandrez[3].

Serge Bavoux, jeune élève à l’École raconte[4] que Lanovaz l’impressionnait : « Pépé Duplessis me montre une arme qu’il a dans sa poche. C’est un minuscule et ridicule pistolet à un coup qui ne peut tirer que des « bosquettes » de 6 mm comme celles utilisées dans les tirs de fêtes foraines. Lanovaz qui se trouvait là nous dit : et celui-là ! Il sort de sa poche un véritable pistolet automatique en nous recommandant de ne rien dire. Autant qu’il m’en souvienne, ce n’était pas un gros calibre, vraisemblablement un 7,65, mais un vrai ! »

Le chef des F.U.J. à la Prat’s : Lanovaz

Avec leur chef Lanovaz, les K’stors (élèves plus âgés préparant le concours de l’École des Arts-et-Métiers), partiront rejoindre le maquis le 6 juin 1944. Ils ont passé le concours d’entrée aux Arts-et-Métiers le 15 mai.

Enterrement de K’stor La Prat’s 44

« Le soir, au dortoir, les choses se précipitent. Il y a là deux ou trois k’stors  de 17 à 18 ans, dont Lanovaz, qui par suite de manque de place logent avec les plus jeunes. A peine sommes-nous arrivés à la chambrée que Lanovaz demande à « Baduc », surveillant ce jour-là, d’ouvrir la porte du vestiaire qui se trouve à l’étage supérieur. Ce n’est pas le jour lui est-il répondu. On n’en a rien à foutre ! Les k’stors s’élancent dans les escaliers et enfoncent la porte qui leur est défendue. On les voit revenir avec des sacs tyroliens, des couvertures roulées et des vêtements. Lanovaz est armé d’un pistolet et un autre de ce qui me semble être une mitraillette. Les voyant, « Baduc’s » les apostrophe : « Jeunes gens je suis certain de votre patriotisme mais l’école, vis-à-vis de vos parents, est responsable de vos personnes, vous ne pouvez agir ainsi » Ta gueule ! lui est-il répondu. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, « Baduc’ » se retrouve ligoté sur son lit. A peine remis de nos émotions, nous voyons débouler monsieur Delouche, « le spada ». Il parait très agité : a-t-il un peu trop arrosé l’événement ? Il brandit une sorte de pistolet très long. Nos « k’stors » sont là, fin prêts, habillés, chaussés et sac au dos. Avant de partir, leur dit-il, on va dire deux mots à « Tujurs » notre directeur Manceau réputé pétainiste. »

Le groupe des K’stors se placent sous les ordres du lieutenant Schmitt, leur professeur de technologie[5].

Josserand et Rigolet appartenaient-ils au groupe de Lanovaz ? C’est possible. Ils étaient tous les deux K’stors et auraient dû intégrer les Arts-et-Métiers. Sur le registre des inscriptions, le directeur note qu’ils quittent La Prat’s le 6 juin. Jean Martinerie précisent que les deux jeunes gars étaient de garde à un barrage au Bois-Clair vers le 16 juin.

Assassinés par la milice le 28 juin

Nous avions consacré deux articles aux assassinats perpétrés par la milice à Mâcon le 28 juin : Raymond Papet, André Bouquet, Robert Sourieau, Effinie Dick, Jean Bouvet sont tués dans l’après-midi[6]. Plus tardivement, ce sont Josserand et Rigolet qui tombent entre les mains de la milice sur le pont Saint-Laurent.

Que font Rigolet et Josserand à Mâcon ? Selon leur copain André Martin, ils faisaient « une liaison avec les maquis de l’Ain[7]. » Mais ils croisent la route des hommes de Clavier.

Selon Marcel Vitte et Jean Martinerie, les miliciens : Louis Varennes[8] et Jean Gilbert Le Bescot sont présents. Dumont conduit la voiture. Varennes, 19 ans, est passé fraîchement du maquis de Cluny à la milice le 21 juin et il reconnaît sur le pont Josserand et Rigolet[9]. Il les a côtoyés au Bois-Clair.

Il lui faut, écrit J. Martinerie, faire un coup qui lui vaudra les louanges de son chef Clavier. Et les miliciens embarquent les deux jeunes Prat’siens du maquis. Ils les abattent dans un fossé « à 500 mètres de Saint-Laurent devant René Gruel, Jean Vial, Louis Varennes[10]. » Le soir, toute la milice fête dans Mâcon son sanglant 28 juin destiné à venger l’assassinat d’Henriot.

Josserand et Rigolet ont obtenu la mention « Mort pour la France » et une stèle a été érigée là où ils sont tombés, sur la levée entre Mâcon et Replonges.

Le milicien Ferdinand Varennes

Nous reparlerons un jour du devenir de ces miliciens mâconnais mais le cas de Ferdinand Varennes nous intéresse particulièrement.

Né à Lugny en 1925, Ferdinand Varennes a neuf frères et sœurs. Son père est bûcheron et ses enfants naissent à Mâcon, Bissy-la-Mâconnaise ou encore Lugny. Ferdinand a un frère, Gilbert[11], qui est au maquis et qui y reste, contrairement à son frère qui choisit les rangs de la milice. Comme quoi, dans une famille, on peut trouver un résistant et un collabo.

Antoinette Varennes assassinée en Crue

Il y a quelques mois, nous avions relaté les meurtres et le viol de Marie Baigne au maquis de Crue[12]. Nous n’avions pas retrouvé trace de Melle Varennes, sœur de Ferdinand, qui accompagnait Zorn, lui aussi assassiné et dans des conditions atroces[13].

C’est fait. Il s’agit d’Antoinette -née en 1921 à Bissy-la-Mâconnaise- la seule des filles Varennes à ne pas avoir sur son acte de naissance de mention marginale pour son décès et son mariage. Peut-être est-elle allée voir son frère Gilbert au maquis, peut-être est-elle allée se ravitailler tout simplement au marché noir avec Zorn. Qui sait ?

Ce qui est certain, c’est qu’elle a disparu l’Antoinette ! Si le corps de Zorn a pu être retrouvé et identifié, on n’a pas fait grand cas de sa disparition. Comment dit-on ? C’était l’expression consacrée au maquis : « encrottée », à l’instar d’Yvonne Burnier et de Marie Laguette assassinées en juin 1944[14]. Encrottées dans un bois aux alentours de Crue.

Peut-être a-t-on voulu faire payer à Antoinette les actes de son milicien de frère, peut-être Doussot -grand amateur de femmes[15]– l’a-t-il tout simplement violée et éliminée.

Ce qui posera toujours question, c’est le silence des hommes qui étaient en Crue. Comment a-t-on pu laisser faire ? Comment a-t-on pu garder le silence et ne pas rendre, au moins, les corps aux familles ? Comment certains ont pu encore soutenir Doussot lors de son procès ? Comment ces hommes ont-ils pu continuer à vivre avec ça sur la conscience, comme si de rien n’était ??? Il fallait qu’il en impose ou qu’il paie le prix fort, Lucien La Gestapo, pour que tous ses hommes gardent le silence…

Serge Burnier, que nous avions interrogé en 2018, est décédé en 2020. Il est parti sans savoir où sa mère avait été « encrottée », sans jamais pouvoir faire son deuil. Il a dû en être de même pour la famille Varennes.

Ah, ce maquis de Crue avec Lucien La Gestapo, il fait couler beaucoup d’encre n’est-ce-pas ?


[1] Cluny, promotion 1912.

[2] 400 jeunes militants dans l’Ain en 1943.

[3] Mort lors d’une mission en juillet 1944.

[4] http://laprats.fr/blog/wp-content/uploads/2016/05/sergebavoux.pdf

[5] http://ahclam.gadz.org/larrestation-dandre-martin-cl-144-en-1944#more-95

[6] Raymond Papet : Prat’sien assassiné par la milice et La ville de Mâcon ensanglantée.

[7] http://ahclam.gadz.org/larrestation-dandre-martin-cl-144-en-1944#more-95

[8] Erreur sur le prénom.

[9] Martinerie, Jean. Éléments pour une approche historique de la résistance en Clunysois et lieux circonvoisins. Beaubery : imp. Turboprint, 2010, 311p., pp. 237-238.

[10] Vitte, Marcel. Chroniques de Thibon. Mâcon : Imprimerie Buguet-Comptour, 2000, 103 p., p. 70. Le prénom de Varennes est Ferdinand et non Louis.

[11] Gilbert, né le 10 janvier 1923 a un dossier à Vincennes : Service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 586105

[12][12] Voir l’article : Meurtres au maquis de Crue- Partie II.

[13] Entretien avec la famille Zorn, 2018.

[14] Voir l’article : « Mattéo », Café du Nord, Cluny – partie IV

[15] De nos jours, les témoins qui ont connu Doussot à Blanot, racontent qu’il avait plusieurs maîtresses qu’il couvrait « de bijoux ».