« Dans le cadre d’un travail important sur la Résistance cheminote réalisé par l’IHS sur la région SNCF de Lyon (étude sur les départements 07, 26, 38, 39, 42, 69 et 71), nous avons recensé 210 victimes de la répression entre 1940 et 1945. Après avoir effectué des recherches (archives SNCF, départementales, éléments du livre-mémorial, SHD etc.) nous avons rassemblé des pièces, constitué des dossiers et écrit les biographies.
Certains cheminots lyonnais ont combattu dans les maquis de Saône-et-Loire. Leurs noms sont repris dans la présentation.
Ces cheminots furent victimes de la répression, tués par les Allemands ou la milice, fusillés, déportés, tués au combat des maquis, otages ou victimes de représailles. Cet ouvrage évoque également les cheminots ayant rejoint l’armée de libération et les milices patriotiques.
La réalité administrative de l’époque nous a conduit en Saône-et-Loire et dans le Jura. En effet la plaque commémorative dite « régionale » située porte Saône à la gare de Perrache à Lyon est en vérité celle du 4ème arrondissement de la région Sud-Est, reprenant les cheminots du Rhône, de Saône-et-Loire et quelques agents du Jura. Nous avons donc pris la décision de rédiger les biographies de ces cheminots dont les noms sont gravés dans le marbre, bien que n’étant pas rattachés à la région SNCF actuelle. La liste des cheminots résistants de Saône-et-Loire et du Jura n’est donc pas exhaustive. Étonnamment, les agents du matériel (Oullins dans le Rhône, par exemple) n’y sont pas repris et cette plaque comporte un bon nombre d’oublis.
Nous avons également décidé de rédiger les biographies des agents d’autres régions ayant œuvré dans la Résistance et ayant laissé leur vie sur le périmètre de la région SNCF de Lyon. Arrêtés, emprisonnés, torturés, fusillés ou déportés, ils figurent dans ce livre.
Ces cheminots ayant tout donné jusqu’au plus ultime, se répartissent ainsi : 67 fusillés, 52 déportés politiques qui ne reviennent pas des camps de la mort, 27 tués dans les combats du maquis, 27 au cours de représailles, 12 dans les combats pour la libération définitive de la région fin août et début septembre 1944, 9 ayant rejoint les forces françaises de libération, 7 assassinés par les nazis ou la milice, 5 pour raisons politiques entre 1940 et 1944, 4 déportés israélites. À ces chiffres, ajoutons 43 prisonniers de guerre et requis du STO qui meurent en Allemagne. Rappelons que, selon notre étude, ce sont 522 cheminotes et cheminots qui décèdent entre 1940 et 1945, si l’on ajoute les faits de guerre et les agents mobilisés. Précisons que malgré nos recherches, nous n’avons pas trouvé les raisons du décès de 2 agents. Pierre Berthon chef de brigade d’ouvrier au dépôt de Portes-lès-Valence (Drôme) et Roger Couret des ateliers d’Oullins-machines.
Gustave Arpin
ARPIN Gustave Félicien naît le 18 novembre 1892 à la Roche-sur-Foron (Haute-Savoie). Il est le fils de François Marie Arpin, employé du chemin de fer de 33 ans et de Marie Honorine Olympe Venin, ménagère de 24 ans.
Le couple habite dans la ville, au faubourg Saint Bernard. Il est embauché à la compagnie PLM le 1er novembre 1909 en qualité de stagiaire en gare de Culoz (Ain) et habite sur cette commune. Le 10 octobre 1913, Gustave Arpin est appelé sous les drapeaux et incorporé au 5ème régiment du génie à Versailles (Yvelines).
1914-1919
Il combat les Allemands lors de la première guerre mondiale du 2 août 1914 au 5 septembre 1917. Le 17 août 1917, il se marie avec Maria Joséphine Élisa Pernoux, le couple aura trois enfants, Amédée, Camille et Henri. Il embarque ensuite pour le Front d’Orient (ou de Macédoine) et arrive à Itéa (Grèce) le 7 septembre 1917. Le 22 septembre 1918, il est évacué et soigné à l’hôpital temporaire n°3 de Salonique (Grèce) pour paludisme chronique puis dirigé sur la base navale le 1er octobre 1918. Gustave Arpin est considéré en campagne contre l’Allemagne du 2 août 1914 au 22 février 1919 et en campagne sur le Front d’Orient du 1er septembre 1917 au 30 septembre 1918.
Pour ses faits de guerre il est décoré de la médaille commémorative de la grande guerre, de la médaille interalliée et de la médaille Serbe.
Le 22 février 1919 il est renvoyé dans ses foyers, l’armée lui octroyant une pension de 15% pour « paludisme chronique ». Démobilisé, il rejoint la gare de Culoz comme facteur aux écritures jusqu’au 1er juillet 1923 où il est muté à Modane (Savoie). Le 1er juillet 1925 il est nommé sous-chef de gare 3ème classe à Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie). Le 1er mai 1927, il retourne à Culoz puis, le 1er octobre 1929, il est nommé sous-chef de gare 2ème classe à Bourg-en-Bresse (Ain).
Nommé en 1937 à Cluny
Le 1er septembre 1937, il est muté et nommé chef de gare 3ème classe à Cluny (Saône-et-Loire) et le 1er juillet 1942, chef de gare 2ème classe à Cosne (Nièvre).

Dès l’occupation allemande, cet ancien combattant de 14-18 n’accepte pas cette situation et il rejoint très activement en 1942 les rangs de la Résistance où il rend d’innombrables services. Membre du groupe « Jean Renaud » SOE (Special Operations Executive), section F, service secret britannique, il est chargé d’acheminer tracts et journaux clandestins vers les autres gares du secteur. Il envoie par fer les armes et les munitions réclamées par le sous-réseau Buckmaster, du réseau Tiburce. Il fait partie également d’un groupe de résistants nommé « les vieux résistants Clunisois ». Il œuvre avec le grade de sous-lieutenant des Forces françaises combattantes.
14 février 1944
Le 14 février 1944, les nazis bouclent la ville de Cluny et y mènent une rafle. Au total 52 hommes et 20 femmes sont arrêtés. Gustave Arpin est de ceux-là. Il est emprisonné avec ses camarades d’infortune à Lyon (Rhône) au fort de Montluc. Transféré puis interné à Compiègne, le 22 février 1944, il est déporté au complexe concentrationnaire de Mauthausen en Autriche par le convoi n° I.191 du 22 mars et arrive le 25 mars. Il est affecté au Kommando de Loibl Pass le 17 avril 1944, au camp central le 4 juin 1944, puis à Ebensee le 24 juillet. Dans ce camp, les nazis créent des usines creusées dans la montagne pour produire de l’essence synthétique et des armes secrètes. Le 8 janvier 1945, Gustave Arpin décède à l’âge de 52 ans dans ce camp, victime des mauvais traitements de la déportation.
Les Honneurs
Après la libération, Gustave Arpin est décoré à titre posthume de la médaille de la Résistance par décret du 18 octobre 1946, cité à l’Ordre de la SNCF le 12 juillet 1947 et Chevalier de la Légion d’Honneur par décret du 25 janvier 1961. Il porte la mention « Mort pour la France », est homologué Forces françaises combattantes (FFC) et Déporté interné résistant (DIR). Par arrêté du 15 novembre 2011, la mention « Mort en déportation » est apposée sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Sa mémoire est honorée sur la stèle régionale SNCF de Lyon (ex-4ème arrondissement de la région Sud-Est), porte Saône de la gare de Lyon-Perrache, dans les gares de Nevers (Nièvre) et Cluny, au monument aux morts de Challes-la-Montagne (Ain), sur la stèle de la place du Pont-l’étang à Cluny (Saône-et-Loire). Sur les 72 personnes de la rafle de Cluny qui ont été déportées, 38 ne reviendront jamais des camps de la mort. Camarade de Gustave Arpin, Jacques Guéritaine, cheminot à la retraite, maire de la ville, membre du même réseau que lui, décédera le 7 août 1944 à Bergen-Belsen victime de la barbarie nazie. Pierre Fouillit, également cheminot à la retraite, est gazé le 16 août 1944 à Mauthausen. Ils sont tous les trois inscrits sur la plaque commémorative de la gare de Cluny. »
Recherches et rédaction : Robert Goujon.
Sources : **Guide des recherches SNCF pour la période 39/45, 118LM109/001 et 118LM054/002 **Centre des archives multirégional SNCF de Béziers **Cité dans le « Livre Mémorial des Déportés de France » de la F.M.D. Tome 2 P 271 **Service Historique de la Défense, GR 16 P 18446 AC 21 P9324 et GR 16 P 18445 **Le Maitron – Bertrand Porcherot **Archives Départementales de la Haute-Savoie **Archives militaires du département de l’Ain **Journal Officiel de la République Française n°0299 du 27 décembre 2011, page 22352.