Voici venu le temps des vacances pour les élèves. Après l’attente des résultats, les copains, la plage ou les p’tits boulots de l’été…

Mais, en 1939, quel était le quotidien d’un Prat’sien ? Écoutons Charles Sire nous raconter ses « drôles » de vacances.

Charles Sire est né le 18 mars 1922 à Saint-Gengoux-Le-National. Il a un frère :  André, né en 1923.  Leur père Claude est employé au P.L.M. tandis que leur mère tient un petit commerce bien connu des Clunisois. Elle y vend tout ce qu’il faut pour le tricot. La famille Sire vit rue Prudhon.

Charles entre à La Prat’s en 1935 dans la section ajustage. Son frère suit ses traces puisqu’il intègre l’École pratique de 1937 à 1941.

Les échanges linguistiques forment la jeunesse

Charles a l’habitude de passer ses vacances outre-Rhin pour parfaire son allemand dans le cadre d’échanges linguistiques proposés au fils de cheminots. En 1939, le jeune prat’sien profite donc de cette aubaine pour la troisième année consécutive. La cloche sonnée, il accueille à Cluny pendant un mois son correspondant Heinz Rost[1] et le 15 août, il repart avec lui pour un mois à Tharandt en Saxe, la rentrée des classes étant fixée, à cette époque, au 1er octobre. Heinz et Charles se destinent tous deux à poursuivre une école d’ingénieurs. Bien entendu, Charles vise l’école des Arts et Métiers de Cluny.

L’impossible retour

Jusque-là, tout va bien pour notre Prat’sien mais c’est sans compter la déclaration de guerre, le 3 septembre. Charles décide de plier bagage, de rentrer dare-dare en France et il tente de gagner Bâle. Il est refoulé. Il décide alors de s’arrêter chez son correspondant de l’année précédente. Cette famille habite Ettlingen mais l’accueil qu’on lui réserve n’est pas des plus cordiaux. La guerre, c’est la guerre…

Et c’est là que tout bascule pour le jeune clunisois. Le 10 septembre, il est arrêté et conduit quatre jours plus tard au camp de concentration de Ruppur[2]. Le motif ? Sa nationalité. Au camp, ils sont une trentaine dont dix Français, lesquels, comme lui, n’ont pas pu rentrer en France. Leurs compagnons d’infortune sont également des Allemands, détenus politiques. Pour eux, le sort en est jeté : le plus souvent, c’est la condamnation à mort qui les attend.  

Pour Charles, pas d’issue possible : « Et les heures, et les jours passent, toujours plus lents, plus terriblement monotones, sans une étoile pour accrocher un rêve, rythmés à la cadence des souffrances, aux morsures du froid chaque jour plus vives, avec au cœur l’horrible angoisse de l’incertitude à l’égard des miens, de mon pays. »

Il tombe malade le 21 novembre et est hospitalisé pour une pleurésie à l’hôpital de Karlsruhe jusqu’au 25 janvier. Après l’hôpital, direction la prison de la ville. Sept mois de prison, de souffrances et de silence.

Radio-Stuttgart ment, Radio-Stuttgart est Allemand

En mars, on propose au jeune prat’sien un drôle de marché, une « formalité » à accomplir : la liberté contre une prise de parole à Radio-Stuttgart. Le 30, à 11 heures, flanqué de policiers qui montent la garde, il lit un petit texte rédigé par ses sbires disant entre autres :

« Je remercie mes camarades allemands qui ont été très gentils pour moi pendant mon séjour en Allemagne et qui, avec moi, souhaitent la paix. »

De gentils Allemands et à l’horizon la paix… on croit rêver, non ? Ach, la propagande…

Charles le racontera dans les journaux, nombreux à recueillir ses confidences à son retour[3] : il n’aurait jamais dû prendre le micro et accepter de lire ce texte mais, à dix-huit ans, entre la volonté de retrouver son pays, sa famille…

Avril 1940 : retour en Bourgogne du Sud

Ses geôliers lui paient un morceau de viande et du chou avant de le mettre dans le train le 2 avril 1940, direction la Suisse puis la France.

Le 6 avril 1940, il est sur le quai de la gare de Cluny. « Le cauchemar prenait fin. »

Charles reprendra ses études à La Prat’s mais son rêve d’intégrer les Arts ne se réalisera pas. Deux mois et demi plus tard, l’armistice est signé à Rethondes. Pas sûr qu’à cette date il ait pu livrer à la presse les mêmes confidences sur ses « drôles » de vacances en Allemagne…


[1] Est-ce lui ? https://de.wikipedia.org/wiki/Heinz_Rost

[2] Nous n’avons trouvé aucune information au sujet de ce camp.

[3] Notamment Paris-Soir et Le Petit Parisien.