Maurice Pagenel est né le 6 juillet 1903 à Nevers. Son père, Joseph, exerce la profession d’ingénieur aux Ponts-et-Chaussées. La famille s’est installée à Cormatin, Grande rue, côté mairie. Le couple a deux autres enfants : Marguerite et Marie-Thérèse.

Maurice obtient son « certif » en 1915 à Cormatin puis intègre l’école Vaucanson à Grenoble. Le 2 janvier 1919, il fait sa rentrée à La Prat’s et il choisira d’exercer la profession d’architecte. Le 7 janvier 1928, il épouse Germaine Roberjot, native de Sologny. Quatre enfants naîtront de cette union : Jean-François, Charles, Marguerite et Marie-France. En 1936, la famille Pagenel vit Grande rue mais cette fois-ci côté château.

Sergent-chef pendant la campagne de 1939-1940, Maurice est fait prisonnier et rentre de captivité en 1942.

Pagenel dans la résistance

Maurice Pagenel -écrit Jean Martinerie- devient « agent du réseau d’évasion du colonel Moreteaux, rallié à Combat[1]. » Il est également l’adjoint de Jean Greyfié de Bellecombe (officier du Ve Dragons de Mâcon), « grand patron[2] » de l’Armée secrète au niveau départemental. Dans la résistance, son pseudonyme sera Danglar, parfois orthographié Danglars ou encore Donglar.

Pour l’O.R.A., il s’agit tout d’abord de camoufler des équipements qui permettraient une éventuelle reprise du combat. On trouve des caches dans le Mâconnais, dans le Clunisois… comme à Flagy par exemple. Puis l’organisation de résistance de l’armée s’engage dans la lutte clandestine : formation des maquis, de leur ravitaillement et de leur organisation intérieure.

L’espion Garcia « Canton », arrivé au maquis de Beaubery le 12 novembre 1943 puis dirigé vers le maquis de Blanot, note scrupuleusement dans ses rapports tous les hommes avec lesquels il est en contact. Dans son rapport n°7 du 20 novembre 1943, il fiche Bellecombe « le grand patron », Pagenel et son adjoint Ombre : « Notre chef s’appelle Donglard (capitaine) qui habite Cormatin. Il est chef de tous les maquis de Saône-et-Loire. » Selon Garcia, Pagenel est « maigre-grand-visage osseux-nez droit et pincé-petite moustache charlot-bandes molletières blanches-béret basque. »

M. Pagenel : « moustache charlot »

Novembre 1943 : Faisons-nous oublier…

Pagenel est un chef avisé. Après l’attaque du maquis de Beaubery, il n’est pas question pour lui d’en découdre avec les Allemands.

Selon l’espion Garcia, le 18 novembre, il leur délivre le message suivant : « À la suite de l’attaque dirigée contre mes maquis de Saône-et-Loire par les troupes de la Wehrmacht, j’ai demandé au grand patron (Bellecombe) de vous évacuer tous dans un maquis du Jura ou de l’Ain. Mais cela m’a été refusé, pour la raison que des opérations identiques ont été menées dans ces départements précités. J’ai donc avec le concours de Jusseau, aménagé pour vous un cantonnement à Blanot. Ce village n’est pas signalé et je vous demande d’y rester cachés. Vous passerez l’hiver ici. Je vous ai désarmés pour plus de sécurité, ainsi vous ne serez pas tentés de vous livrer à une activité quelconque. Vous savez que nous sommes pourchassés, alors faisons-nous oublier. Vous êtes 305 hommes dans les maquis et 300 dans les fermes. Nous ne sommes pas encore assez nombreux pour attaquer. Londres nous ordonne de rester calmes et muets. Écoutons le conseil car ce n’est pas maintenant qu’ils ont besoin de nous. Mais le jour du débarquement ! N’oubliez pas que chacun de vous est un élément de maquis et que vous êtes appelés pour le « grand jour » à être le chef d’un petit groupe, car vous avez reçu une formation militaire et serez aptes à commander de petits groupes pour la « guérilla » à laquelle participeront tous les maquis. (…) À tous les maquis, je répéterai ce que je viens de vous dire et je ne veux plus dans mon département, et j’y veillerai, aucun acte individuel, aucun sabotage, aucun élément trouble. Je vais réunir tous les chefs de l’Intelligence Service, des FTP, et de l’Armée Secrète pour leur dicter mes ordres. »

Pagenel n’a pas commandité « l’affaire de Prayes »

Nous en sommes persuadés : Pagenel n’a jamais rencontré le commandant de gendarmerie Vial pour mettre au point une embuscade contre la Feldgendarmerie de Mâcon et il n’a jamais donné l’ordre à Jean Ballet d’intervenir contre Kluth et ses hommes à Prayes le 29 novembre, soit onze jours seulement après avoir tenu un tel discours à ses hommes[3]. Si Ballet s’est rendu à Prayes, c’est de son propre chef.

À la suite de l’affaire de Prayes, le groupe de Canton stationné à Blanot part dans des fermes de l’Ain. Le maquis est alors sous les ordres de C. Rochat -alias Guillaume- et c’est à la fin décembre que ce dernier est alerté du double-jeu de Garcia : « Je prévins également la plupart des personnes qui avaient été en contact avec Garcia et dont il n’avait pas pu ignorer l’activité résistante, en particulier Danglars[4]. »

Claude Rochat « Guillaume », donne l’ordre de surveiller l’espion, de l’abattre s’il veut s’enfuir. Déjouant la surveillance, Garcia prend cependant le large le 14 janvier à Mâcon[5].

En peu de temps, il aura fiché près de quarante résistants. Par conséquent, la Wehrmacht et la Gestapo procèdent à plusieurs dizaines d’arrestations, décapitant ainsi la Résistance dans le Sud de la Saône-et-Loire. Seuls Vincent Bertheaud (« Tarzan »), De La Ferté (« Férent »), Claude Rochat (« Guillaume »), Boulay et Mangin[6], écrit C. Rochat[7], échappent au coup de filet.  

L’arrestation

Tout commence à Mont-Cortevaix : les 17 et 18 janvier 1944, les Allemands embarquent Chevillon et Dargaud et brûlent trois maisons. Les deux résistants seront déportés à Mauthausen où ils décèdent. Puis, le dimanche 23 janvier, après avoir arrêté Jean Greyfié de Bellecombe à Charnay-les-Mâcon, l’épouse de Vincent Bertheaud « Alias « Tarzan », fondateur du maquis de Cruzille) à Burgy, la Gestapo part pour Cormatin. Là, ils trouvent Maurice Pagenel.

Il est arrêté en compagnie de ses adjoints Louis Salin « Ricou[8] » et Louis Delorieux[9]. On découvre chez lui des armes, des munitions et des cartes d’alimentation. Les hommes sont embarqués sans ménagement et la voiture prend la direction de Blanot. À leur tour, Jusseau, Sangoy, Pierre, Joanny et Joseph Commerçon sont appréhendés.

Après une courte halte à Mâcon, ils arrivent au siège de la Gestapo, avenue Berthelot. Pagenel n’en sortira pas vivant : première version : il meurt sous la torture dans la nuit du 28 au 29 janvier. Deuxième version relatée par un article de journal censuré : « Le samedi 29 janvier 1944, Maurice Pagenel est retrouvé pendu dans sa geôle du siège de la Gestapo, 14 rue Berthelot à Lyon ».

Maurice Pagenel obtint la mention « Mort pour la France » le 9 mai 1946. Son nom figure sur le mémorial 1939-1945, à Beaubery, sur le monument commémoratif 1939-1945, à Chapaize, sur le monument des maquisards au col de Brancion, à Martailly-lès-Brancion. À Cormatin, on retrouve son nom sur le monument aux morts, sur une plaque commémorative à son nom et sur le monument commémoratif des patriotes, résistants et maquisards.


[1] Martinerie, Jean. Éléments pour une approche historique de la résistance en Clunysois et lieux circonvoisins. Beaubery : imp. Turboprint, 2010, 311p., p. 19.

[2] Rapport n°7 de l’espion Garcia, 20 novembre 1943.

[3] Voir sur le blog les articles : « L’affaire de Prayes », « Les rebondissements de l’affaire de Prayes » et « Enfin la vérité sur l’affaire de Prayes ».

[4] Rochat, Claude. Les Compagnons de l’espoir. Mâcon : ANACR de Saône-et-Loire, 1987, 319 p.,p. 69.

[5] Garcia sera arrêté à la fin de l’année 1945. Traduit devant la Cour de Justice de Dijon, il est condamné à mort et exécuté le 28 octobre 1946.

[6] Mangin, du maquis de Beaubery, sera tué à Laives début septembre, son convoi ayant été mitraillé par l’aviation américaine.

[7] Rochat, Claude. Les Compagnons de l’espoir…, op.cit., p. 71.

[8] Louis Salin sera fusillé au lieu-dit « Tossard », en bordure de la route nationale n° 436 près de Villeneuve, dans l’Ain, le 13 juin 1944. Voir sur le blog la biographie de Louis Salin.

[9] Louis Delorieux -transféré à Montluc- est sorti de la prison le 12 juin 1944 avec vingt autres prisonniers. Il est abattu sur la route de Civrieux, commune de Neuville-sur-Saône.