La gymnastique dans l’enseignement secondaire spécial

Pour le ministre Duruy, la gymnastique est non seulement un « délassement hygiénique » mais également un « devoir » et il prend très au sérieux cet enseignement auquel il donne de véritables programmes.

Dans les « Realschulen » allemandes, une des méthodes suivies est la méthode de Rieff, qui « pour rendre les leçons moins fatigantes, unit le chant et la danse aux exercices du corps[1] On commencera donc, préconise le ministre qui a un avis sur tout, en année préparatoire par des exercices « doux et faciles » et accomplis en chantant[2] pour finir en 4e année avec du saut en hauteur, de la perche, de la poutre, des barres parallèles, du trapèze, etc.

Toutes ces activités peuvent être complétées par de la natation, de l’équitation, de l’escrime. En effet, moyennant rétribution, les collégiens à Cluny peuvent bénéficier de leçons de canne, d’escrime voire de danse, ce qui implique que tous les établissements doivent avoir leur propre gymnase pour pouvoir pratiquer pendant l’hiver, être équipés de tout le matériel nécessaire et, sous la houlette, bien sûr, d’un enseignant « qui sache mêler l’enseignement en commun à l’enseignement individuel, comme en Suisse, en Allemagne et dans nos régiments. » souligne Duruy en 1864[3].

Du sport dans le farinier

Le gymnase du collège de Cluny est situé, après les appropriations de 1869, dans le farinier des Moines.

L’installation sera décrite en 1880 lors d’une inspection comme étant : « Couvert, bien installé, bien pourvu (…) et je ne crois pas qu’aucun établissement d’Instruction publique ait un gymnase plus vaste et mieux pourvu que celui de l’École et du collège[4]. »

C’est à cette même époque, en 1869, que le directeur Ferdinand Roux introduit les exercices militaires, notamment le tir, à l’aide de 150 fusils à tabatière envoyés par le dépôt d’artillerie de Vincennes[5]. Après la défaite de 1871, ces exercices seront inscrits définitivement dans les prospectus du collège ; ils concernent tous les élèves de plus de 15 ans devant suivre « l’école du soldat, sous la direction d’un ancien sous-officier[6]. »

Inventaire du matériel à la fermeture de l’École.

Quant à la natation, il ne semble pas que les élèves de Cluny apprennent à nager, même s’il était de tradition de pratiquer au début du XIXe siècle ce sport dans les bassins des moines bénédictins !

Duruy fait donc de la gymnastique une discipline à part entière en lui donnant des programmes et en la rendant obligatoire. Le décret du 3 février 1869 rendra obligatoire l’enseignement de la gymnastique dans tous les établissements secondaires et dans les écoles normales primaires.

Des professeurs de sport

Victor Duruy pense également à fournir des professeurs pour enseigner la gymnastique. En 1868, il écrit à Roux qu’il a idée de créer à Cluny dans les locaux des haras, une École normale de gymnastique, comme l’armée en a une à Vincennes. Ces élèves maîtres suivraient des cours pratiques et recevraient une formation générale à l’École normale. Faute de crédits, ce projet n’aboutit pas, mais il est la preuve qu’en ce domaine comme dans d’autres, Duruy est un novateur incontestable.

À Cluny, Dedol (de 1866 à 1874) puis Canton ont enseigné les exercices militaires et la gymnastique. Guiray (ou Guirey) s’est occupé de l’escrime de 1866 à 1891.

L’enseignement secondaire spécial fait la part belle à l’enseignement scientifique, à des matières tenues pour accessoires mais qui participent à une éducation globale de l’élève ; mais l’enseignement littéraire et notamment les langues vivantes ne restent pas un terrain vierge pour l’enseignement spécial.


[1] Hippeau, C. L’Instruction publique en Allemagne. Paris : éditions Didier and Cie, 1873, 360 p. p. 163.

[2] BAIP n° 104, 1866, p. 600.

[3] BAIP n° 18, 10 mai 1864, p. 348.

[4] AD Saône-et-Loire, 3T379 : rapport de l’inspecteur d’Académie, inspection générale, 1880.

[5] Roux. Histoire de l’école normale spéciale de Cluny. Alais : imprimerie J. Martin, 1889, 319 p., p. 259.

[6] Prospectus du collège pour l’année 1875.