Lucien Dégoutte est né le 19 juillet 1907 à Blacé dans le Rhône. Sa famille est originaire du Beaujolais. Ils vivent en 1907 dans le bourg de Blacé où son père -Jean- exerce la profession de receveur buraliste puis la famille déménage à Belleville-sur-Saône.

Le 1er octobre 1920, il entre à La Prat’s après avoir obtenu son « certif ». Sept camarades de sa promotion auront des activités dans la résistance dont Louis Septfonds, mort en déportation.

Carrière professionnelle et entrée en Franc-Maçonnerie

Lucien réussit, après ses quatre années sur la colline du Fouettin, le concours des Arts-et-Métiers de Cluny. Sorti en 1927, il commence sa carrière, écrit Bruno Permezel, comme « ingénieur d’études et de fabrication dans l’industrie électrique puis est devenu chef de travaux d’électrification et d’équipement des campagnes. Victime sur un chantier d’un accident du travail en 1936, il a alors été nommé directeur de l’Office municipal des habitations à bon marché de Lyon[1]. »

En 1938, il est initié à la loge Union et Liberté du Grand Orient de France à Lyon et il milite au Parti radical-socialiste.

En 1939, il est mobilisé comme officier dans l’aviation. Il côtoie le Franc-Maçon Claudius Billon, futur chef régional de l’Armée Secrète et le Frère Albert Chambonnet, nommé en 1942 chef d’état-major de la région R1[2]. Dès la démobilisation, Lucien Dégoutte commence par composer des tracts.

Naissance du Coq Enchaîné

Comme Lucien l’explique dans Le Démocrate du 16 septembre 1944, à Lyon et dans sa région, là « où l’empreinte du président Herriot est plus profonde qu’ailleurs, où l’on se souvient plus fortement peut-être de l’œuvre de Gambetta, Jules Ferry, Waldeck-Rousseau, Combes, Léon Bourgeois, (…) la marque radicale se fit plus précise dès la fin de 1941. » Certains avaient commencé à lutter contre le « joug teuton » et les Républicains lyonnais « sentirent la nécessité de secouer le carcan, imposé en second par Vichy, de la politique anti-laïque[3]. »

Le Coq Enchaîné naît de l’alliance des radicaux, des socialistes et des syndicalistes. C’est tout d’abord un journal clandestin qui va paraître à partir du 16 mars 1942 et auquel Degoutte consacrera sa plume, puis un mouvement.

Premier numéro du Coq Enchaîné.

Avec Jean Fousseret, Georges Dunoir et Louis Pradel, notre ancien Prat’sien- Gadz’art fait partie des membres fondateurs du mouvement Coq Enchaîné. 

Dès 1942, le Coq organise ses militants en dizaines[4], embryons des futurs maquis. À Mâcon, les responsables du Coq seront : Raymond Papet, Paul Demange et Rupert Polfiet.

Le Coq réceptionne dès cette époque ses premiers parachutages ; il est, écrit Marcel Ruby, « le premier Mouvement de Résistance de la zone sud à entrer en contact avec le fameux service anglais Buckmaster[5]. »

Lucien Dégoutte aura comme champ d’action la vallée de la Saône. Le premier parachutage a lieu le 28 mars 1942 à Blyes et le second le 2 juin. Le lundi 1er juin 1942, Lucien retrouve au marché de Villefranche-sur-Saône Piniot, Collier et Calmels. On attend deux officiers anglais et des containers. Dans la nuit du 2 juin, cela ne se passe pas comme prévu avec un pilote polonais qui loupe le balisage.

Les armes tombent dans une haie tandis que les deux Anglais atterrissent en plein milieu du village d’Anse. L’un d’eux, c’est Robert Boiteux, « Nicolas » du Special Operations Executive (SOE).

Londres fait des appels du pied au mouvement en proposant d’envoyer à Lyon des représentants et des « subventions ». Selon Dégoutte, le mouvement refusa tout en bloc, souhaitant prioritairement rester éloignés de la « vénalité ». Une alliance est également envisagée avec le mouvement Franc-Tireur de Jean-Pierre Levy. Là, c’est Levy qui finalement décline, car Dunoir demandait à Franc-Tireur de se positionner clairement sur la question de l’anticléricalisme. Or, Franc-Tireur regroupait des croyants et des incroyants, tous unis pour faire bloc contre l’occupant et Vichy. En conséquence, Levy refuse la fusion des deux mouvements et garde son indépendance.

Les arrestations

Le Docteur Jean Fousseret sera à Lyon « le chef » du Coq Enchaîné. À la suite d’une manifestation place Valmy à Lyon le 20 septembre 1942, Lucien Dégoutte est arrêté avec une vingtaine de camarades qui appartiennent également au Comité directeur du Coq[6]. Le mouvement est décimé.  

Dès lors, ceux qui ont pu en réchapper partent au maquis ou intègrent des réseaux de renseignements tels que « Brutus » et « Nestlé-Andromède[7]. » Dégoutte perd son emploi et il est emprisonné dans les prisons de Saint-Paul et Montluc. Il est relâché le 21 décembre 1943 et succède à la tête du Coq, le docteur Fousseret ayant été arrêté par Lucien Doussot et l’agent Schmitt le 11 du même mois.

Lucien Dégoutte continue à publier dans le Coq, jusqu’en août 1944.

Après la guerre

En 1945, il devient, écrit Régis Le Mer, chef de cabinet du maire de Lyon, Édouard Herriot et relance le journal Le Démocrate avec Louis Pradel. Il est élu député du Rhône de 1946 à 1958 et conseiller municipal de Quincié-en-Beaujolais en octobre 1947[8].

En novembre 1945, Lucien Dégoutte[9] est décoré de la Croix de guerre 1939 avec étoile de bronze puis étoile de vermeil et par décret du 16 août 1957, il recevra la Légion d’Honneur des mains de Louis Pradel.


[1] Permezel, Bruno. Résistants à Lyon, Villeurbanne et aux alentours. Lyon : Éditions BGA Permezel, 2003, 740 p., p. 196.

[2] Le Mer, Régis. Francs-Maçons résistants. Lyon 1940-1944. Le Coteau : Mémoire active, 2011, 300 p., p. 67.

[3] AN, Le Coq enchaîné : 72AJ/49, Dossier n° 4. Article paru dans Le Démocrate, 16 septembre 1944.

[4] Chaque militant est responsable de dix personnes et chacune de ces dix personnes est responsable de dix autres et ainsi de suite. Pour des raisons de sécurité, chacun ne connaît que le responsable de la dizaine.

[5] Ruby, Marcel. La résistance à Lyon (19 juin 1940-3 septembre 1944). Lyon : Éditions l’Hermès, vol 1, 1979, 542 p., p. 218.

[6] Henri et Joseph Chevalier, Jutard, Félix Orsoni, Joseph Chavrier, Joseph Vargas, Henri Villard, Raymond Gandonnière, Katz, etc, selon Marcel Ruby.

[7] Ruby, Marcel. La résistance, op.cit., p. 227.

[8] Le Mer, Régis. Francs-Maçons résistants…, op.cit., p. 115.

[9] Statut interné résistant Cote(s)Service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 165526 et Service historique de la Défense, Caen SHD/ AC 21 P 630760.