Les Poilus de Bonnay
Dans l’armée française, l’ampleur des pertes -pendant la Grande Guerre- est énorme : 18% au moins des incorporés (soit 7.9 millions, troupes coloniales comprises) furent tués pendant le conflit ou dans les six mois qui ont suivi l’armistice. Cela représente 1.5 million de morts ou disparus. À ce chiffre il faut rajouter :
- 3.4 millions de blessés (dont 1/3 d’invalides)
- 0.5 million de prisonniers
- 2.5 millions de rescapés
En 1911, le village de Bonnay compte 282 habitants dont 218 au bourg. Au total, 42 soldats décéderont au combat ou des suites de leurs blessures, après la guerre. 62% d’entre-eux sont natifs de Bonnay et des villages des alentours (Savigny, Salornay, Cormatin, etc). D’autres soldats morts au combat s’étaient installés à Bonnay pour des raisons professionnelles, tels Marcel Perruchot (né au Creusot) ou Antoine Paul Foullu (né à Lyon). « Enfants des hospices », peut-être ont-ils grandi à l’orphelinat de Bonnay où sont recensés 26 individus en 1911. D’autres encore se sont mariés avec une Bonnaysienne, tel le soldat Octave Boureau (1879-1915), né en Indre-et-Loire ; marié à Suzanne Bordat (1878-1938) en 1906, le couple vivra à Paris et aura un fils.
Beaucoup de jeunes meurent au combat
La guerre massacre en priorité les hommes jeunes et le principal facteur fut la durée d’exposition.
Louis Marmorat est le plus jeune Bonnaysien à mourir au champ d’honneur en 1918 : il n’a que dix-neuf ans. Treize autres de ses camarades n’ont qu’entre vingt et vingt-cinq ans. 57% des soldats tués sont âgés de moins de trente ans.
C’est ainsi que 31% de la classe 1914 périrent alors que la classe 17, moins longtemps exposée, connaît trois fois moins de pertes que « ceux de la 14. »
Ceux de la classe 1914 seront 4.2% à mourir au combat 4.2% également pour la classe 1915), tandis que les Bonnaysiens de la classe 1917 ne seront que 1.26%.
Des fratries
Certaines familles connaissent le malheur de perdre deux fils. C’est le cas des familles Daubard (Claude et Jean-Georges), Dupuis (Antoine et Antoine-Henri), Dury (Antoine et Pierre Marie), Febvre (Louis-Joseph et Maurice Louis Bernard) et Perraud (Charles et Etienne).

Les deux fils Febvre tombent ainsi la même année, le premier en janvier 1917 à Cumières (Meuse) et son frère en août 1917 à Louvemont (Meuse). En 1921 ne restera au village que leur frère Joseph. Trop jeune, il n’est pas parti à la guerre.
De milieu modeste
Les Bonnaysiens qui meurent au combat sont issus de milieux modestes. Au moment où ils sont recensés, à l’âge de vingt ans, la grande majorité -comme dans toute la France à cette époque- a un niveau d’instruction de catégorie « 3 », c’est-à-dire qu’ils savent écrire, lire et compter. Notons cependant que B. Prudon ne sait pas compter (niveau d’instruction « 2 ») ; seuls les futurs officiers supérieurs Perras et Descombes ont le baccalauréat et plus et donc un niveau d’instruction évalué à « 5 ». Quant à Pierre Hermann, vannier de profession appartenant aux « gens du voyage », il ne sait ni lire, ni écrire (niveau d’instruction « 0 »). Il sera largement décoré pour ses actes de bravoure.

Conséquemment, plus de 67% des Bonnaysiens dont les noms figurent sur le monument sont cultivateurs ou petits artisans : forgeron (B. Prudon), sabotier (A. Dupuis), cordonnier (J. Poulachon), etc.
Beaucoup d’entre-eux sont mariés et ont des enfants mais dans la plupart des familles d’avant-guerre, l’homme est le seul à travailler. Lorsque le conflit commence, des femmes et des enfants se trouvent donc immédiatement sans aucune ressource. La loi du 5 août 1914 sur les familles nécessiteuses de mobilisés, dites allocations militaires, étend les bénéfices des allocations militaires (1,25 francs par jour, majorée de 50 cts par enfant) à l’ensemble des familles de mobilisés dont le soutien est appelé ou rappeler sous les drapeaux. Elle concerne les père, mère, grands-parents et collatéraux unis par un lien de droit avec le mobilisé. C’est ainsi que Louise Daubard, veuve résidant à Besanceuil et qui n’avait que son seul fils Etienne comme « soutien de famille », reçoit une allocation de 1,25 francs en 1919.

Ce texte est modifié par différentes lois : celle du 9 août 1915 qui étend l’allocation aux victimes civiles tuées à la guerre ou prisonnières ; celle du 31 mars 1917 qui donne une majoration de 75 cts par enfant et pour les ascendants à charge ; celle du 4 août 1917 qui augmente l’allocation principale à 1, 50 francs avec une majoration en fonction du nombre d’enfants ; celle du 29 septembre 1917 qui donne une indemnité supplémentaire en cas de mobilisation du père et d’un ou plusieurs enfants vivant au foyer.
Certaines épouses ont la chance de conserver le salaire de leur mari. A contrario, quelle a été la situation des femmes d’agriculteurs ou d’ouvriers ?
Pour toutes les veuves de guerre, l’État allouera une rente viagère de 563 francs. Mais cela suffisait-il pour vivre et élever des enfants ? Lorsque l’épouse de Jean Claude Lapray attend un enfant alors que son mari vient d’être démobilisé, c’est la municipalité qui lui octroiera une aide médicale « pour femmes en couches », son mari étant alors dénué de toutes ressources. Ce dernier décédera le 11 août 1920, laissant une veuve et un orphelin.

La France comptera un demi-million de jeunes veuves et un million d’orphelins.