Gaullistes au lycée Lamartine et à La Prat’s
Nous vous avions parlé, il y a quelques mois, de la résistance au lycée Lamartine avec le professeur d‘anglais Franck Sequestra[1], collègue et grand ami de M-L. Zimberlin.
Franck Sequestra -rappelons-le- avait formé un groupe au lycée avec quelques élèves. Dès la débâcle, ils avaient caché des armes et diffusé ensuite des tracts. Dénoncés en juin 1941, élèves et professeur avaient été condamnés et certains avaient été emprisonnés.
Le 16 juin 1941, Roger Hermann est également entendu par l’inspecteur de police Armand Ringenbach qui mène l’enquête à Mâcon. Le Prat’sien ne cache pas qu’il connaît bien Jean Polette (fils de l’intendant du lycée Lamartine). Ils avaient fait ensemble les vendanges à Moulin-à-Vent en 1939. Devenus très proches, Polette lui avait confié, en février-mars 1941, qu’il existait un groupe « gaulliste » à Mâcon, dirigé par Sequestra. Au cours de ces échanges, Hermann avait vu, chez Polette, des armes et des équipements[2], destinés à armer le groupe en vue de résister aux troupes allemandes qui entreraient dans Mâcon.
Franck Sequestra avait rencontré et engagé le Prat’sien a constitué un groupe semblable à Cluny et, Hermann l’avoue à l’inspecteur, il avait regroupé quelques copains pro- De Gaulle : Michegaut, Cresson, Du Roure, Brun et Soulier. Comme lui, ils ont seize ans, sauf Louis Du Roure qui fait figure d’aîné du haut de ses dix-sept ans.
Roger est-il bon comédien ou dit-il la vérité ? Sachant qu’il a une épée de Damoclès au-dessus de la tête, il arrive à persuader l’inspecteur Ringenbach que le groupe « gaulliste » de La Prat’s n’a connu qu’une existence éphémère. Lui et ses copains ne pensent désormais qu’à leurs études. Fort heureusement pour Roger, Ringenbach ne cherche pas plus loin.
Prendre le maquis, entrer en résistance
Au printemps 1943, Roger fête ses dix-huit ans. En juillet, il quitte La Prat’s. À Mâcon, ses copains du lycée Lamartine ont -bien avant lui- pris la tangente : le 5 juillet 1942, Jean Polette a rejoint le maquis, puis est passé en Espagne. Il s’est engagé dans le troisième régiment de tirailleurs algériens. Comme Franck Sequestra, Pierre Rolland Pic reste dans le Mâconnais, réseau Marco-Polo. Pic interviendra notamment à Prayes le 29 novembre 1943[3]. Il sera arrêté à Mâcon en 1944 et décédera à Neuengamme.
Au maquis « Paul Vaillant-Couturier »
Après avoir quitté La Prat’s, Roger choisit de filer vers le Roannais pour rejoindre Émile Genest (alias Jack Lambert), chef des Francs-tireurs et Partisans qui organise le maquis Paul Vaillant-Couturier[4]. Roger devient « Bélier », dans ce groupe qui comptera en novembre 1943 une soixantaine d’hommes. Lorsqu’il les rejoint, peut-être sait-il que ce maquis compte dans ses rangs de nombreux combattants étrangers[5].
Les maquisards sont attaqués une première fois le 15 novembre par 400 à 500 G.M.R. Quatre hommes sont faits prisonniers, dont le sergent Ramage qui décédera en déportation. Les hommes se regroupent alors à Chabreloche puis au Brugeron dans le Puy-de-Dôme.
L’attaque du 22 janvier 1944
Les gendarmes et la Milice, aidés d’un groupe de G.M.R. de Montbrison attaquent de nouveau le maquis le 22 janvier 1944. Six mois après avoir quitté Cluny, Herrmann est tué, avec ses camarades Imms[6] et Pichot[7] au lieu-dit Les Fanges. Selon un article de presse de l’époque, les trois jeunes sont enterrés au cimetière du Brugeron le 24 janvier 1944.

Pendant l’attaque, d’autres maquisards sont blessés (Bontemps et José Lopez) et remis à la SIPO-SD. Alors qu’il est hospitalisé à Thiers, un troisième maquisard -Paul Bonnard- est sorti sans ménagement de l’hôpital et il est exécuté à la sortie du village de Luzillat en juin 1944[8].

Le maquis « Paul Vaillant-Couturier » se regroupera au col du Béal puis dans les Bois Noirs. Le 22 août 1944, les hommes d’Émile Geneste rejoindront Roanne et formeront avec les sédentaires le 302e bataillon F.F.I. de la Loire.
Après la guerre
Toute la famille Herrmann-Jacobi repose au cimetière de Thoissey : les grands-parents et les parents. C’est une énigme : ces derniers ne sont peut-être pas décédés en France car nous n’avons trouvé aucune trace de leur décès.
Sur la pierre tombale figure également le nom de Roger, son corps ayant peut-être été transféré du Brugeron à Thoissey[9].

Son nom figure également sur le monument aux morts de Thoissey.
Quant à sa sœur Ellen ou « Jacqueline », elle décède le 19 mars 2004 à Le Chesnay dans les Yvelines.

Deuxième énigme non résolue : elle n’a pas rejoint le cimetière de Thoissey où repose toute sa famille. Comme souvent avec les histoires que nous publions, nous restons avec beaucoup d’interrogations. Après avoir contacté de lointains cousins d’Amélie Jacobi -mère de Roger- aux États-Unis, nous n’en savons pas plus. Seule Ellen aurait pu nous aider à remplir les parenthèses de cette histoire.
[1] Voir l’article « Lycée Lamartine- Mâcon. »
[2] Selon sa déposition, il y avait chez Polette : 3 fusils, 3 baïonnettes, 2 revolvers, 2 caisses de munitions, 3 équipements militaires, 10 à 15 bidons, 1 vingtaine de bombes ou obus, 5 casques.
[3] Voir l’article « L’affaire de Prayes ».
[4] Chambon, Pascal. La Loire dans la Seconde Guerre mondiale. Saint-Cyr-sur-Loire : éditions Alan Sutton, 2010, 187 p., p. 154.
[5] Charles Ser témoigne : Envoyé à Roanne (Loire), j’y pris la direction des groupes de combats juifs. A partir du 1er août 1943, nous combattions au sein du maquis F.T.P.F. du secteur Paul Vaillant-Couturier. De mon initiative fut constituée avec l’aide des camarades André Colombé (Dédé), Français, et Antonio Caligaris (Tony), Italien la 6è Compagnie F.T.P.M.O.I. du 302è Bataillon Roanne Loire. Elle était composée de 30 jeunes Juifs et d’un certain nombre de combattants de toutes origines. Cette compagnie prit le nom de Charles Wolmark, assassiné par les nazis en 1944. http://www.combattantvolontairejuif.org/117.html
Voir également : https://www.le-pays.fr/riorges-42153/actualites/liberation-le-courage-d-antoine-calligaris_11115647/
[6] Marcel Imms (1924-1944) « Lazare » était domicilié à Saint-Etienne et était employé à la S.N.C.F.
[7] Jacques Pichot (1924-1944) « Pitche » était employé au ministère de l’Air replié à Royat.
[8] Voir sur le site Maquisards de France tout ce qui concerne l’attaque du maquis au Brugeron en janvier 1944.
[9] La mairie du Brugeron ne nous a pas répondu à ce sujet.