René Ernest SOTTY est né le 11 juin 1921 à Bourbon-Lancy où son père exerce en 1936 la profession de libraire-imprimeur. Le couple vit rue d’Autun et a deux enfants, les jumeaux René et Charles.

Scolarisé au cours complémentaire, René réussit son « certif » en juin 1933 à Bourbon-Lancy et entre à La Prat’s le 1er octobre 1936. Sa promotion compte 97 nouveaux élèves. Parmi eux, des noms connus dans le Clunisois ou dans la région proche : Valentin Lavilleneuve, André Martin, André Strack, Jean Ferrier, Jean Fonteray et Louis du Roure (futur général), ces deux derniers Prat’siens étant toujours de ce monde.

René ne reste à Cluny qu’un an alors qu’il est inscrit en 3e année en vue de préparer les Arts-et-Métiers. Sur le registre des inscriptions, le directeur Deloire ne fait pas état de difficultés pour le jeune garçon à suivre le cursus, mais note qu’il est asthmatique. Rentré chez lui, René devient commis des PTT.

L’engagement

En 1941, il s’engage : il sera membre des Mouvements Unis de la Résistance (MUR) et du réseau Marc Breton (Combat). Le chef local de Combat est le notaire Étienne Pierre. Pour les chefs de groupe, on compte, avec René Sotty : Francis Parent, Marcel Turpin, Barthélémy Boulot, Jean Fabre, Gonneaud, Etienne Lamy et René Moreau.

« René Sotty prit contact en son nom avec René Moreau, en novembre 1942 ; Barthélémy Boulot, Jean Fabre et Étienne Lamy en furent aussi. Pendant deux ans, la Résistance s’organisa lentement, regroupant dans la lutte contre le Reich hommes et femmes de toutes appartenances sociales et politiques[1]. »

Toute cette jeunesse fougueuse doit néanmoins se méfier de l’homme le plus dangereux de Bourbon-Lancy : Louis Mathis. Installé comme pharmacien place du Commerce, il est chef de la Milice et aidé par son épouse et son fidèle bras droit Jean Loup, il traque aussi bien les Juifs que les résistants. Jean Loup sera abattu par le résistant Maurice Collin le 23 octobre 1943.

Selon la note rédigée par les chefs de groupe survivants Boulot, Fabre, Lamy, Moreau le 10 octobre 1944 à Bourbon-Lancy, Saône et Loire, les activités du groupe Combat furent les suivantes :

Attentat Jean Loup tué le 20 octobre 1943
Attentat Mathis (4 tentatives)
Attentat Fromant
Organisation du maquis de Maringes avec Maurice Colin
Enlèvement de l’auto de Mathis à l’hôtel de la Poste
Jeunes réfractaires du Service du Travail Obligatoire et travailleurs en Allemagne ou permissionnaires d’Allemagne, mis en sécurité pour être soustraits aux opérations de police
Fabrication de fausses cartes d’identité et de certificats de travail
Distribution de cartes alimentaires aux réfractaires
Apposition d’affiches et distributions de tracts
Apposition de tracts chez les collaborateurs
Distribution de journaux : Combat, Libération, Franc-Tireur
Attentat sur la voie Chizeuil – Perrigny (2 ponts sautés)
Transports d’armes
Envoi d’avis aux jeunes gens astreints au S.T.O.
Ravitaillement du Maquis en vivres et en vêtements
Surveillance des Bourbonnais suspectés d’intelligence avec l’ennemi et de collaboration
Passage ligne de démarcation aux patriotes

Réfractaire au Service du travail obligatoire (STO), René Sotty est agent de liaison de son groupe. Il est proche, selon André Jeannet, des résistants F.T.P.F. Pierre James « Henri » et Pierre Bouiller « Boul » qui organisent alors le maquis « Lucien Sampaix » dans les bois de Maringes[2].

Au début de l’année 1944, le maquis compte sept personnes. Avertis de l’imminence d’une attaque allemande, pour des raisons de sécurité, ils prévoient de déménager le camp. Le 13 janvier 1944, il est trop tard.

Les arrestations

C’est à cette date que les Allemands décident précisément de frapper maquisards et les résistants du groupe Combat.

Selon Jeanne Gillot-Voisin, le groupe fut dénoncé par Marcelle Fromant (1916-1996) de Saint-Aubin-sur-Loire qui renseignait le milicien Mathis[3]. Blessée un soir de décembre 1943 par le résistant Pierre Hery qui devait l’exécuter en gare de Gilly-sur-Loire, elle a eu le temps de transmettre des informations.

Pierre James, Francis Parent, le notaire Étienne Pierre et René Sotty sont arrêtés chez eux dans la nuit du 12 au 13 janvier par la Feldgendarmerie de Paray-le-Monial dirigée par le commandant Rudolph Otto[4]. Puis les Allemands encerclent le maquis et donnent l’assaut vers 6 heures du matin. La veille, deux résistants de la région châlonnaise (Georges Bonjour[5] et Fernand Perret) étaient venus en mission au camp Lucien Sampaix afin de ravitailler le maquis en armes et en argent. L’étau se resserre également sur eux.

Maquisards et résistants seront tout d’abord enfermés à Paray-le-Monial puis transférés à la Gestapo de Chalon-sur-Saône. Certains sont ensuite conduits à Dijon (prison de la rue d’Auxonne) alors que d’autres partent en déportation.

Condamnés et fusillés :

Pierre Bouiller (1923-1944) et Pierre James (1909-1944), condamnés par le tribunal allemand de Dijon FK 669 le 7 mars 1944, seront fusillés à Dijon-Montmuzard le 17 mars 1944.

Sont morts en déportation[6] :

Étienne Pierre (1890-1944) : déporté à Mauthausen, Kommando Melk.

Francis Parent (1924-1944) : déporté à Mauthausen, Kommando Melk.  

Marcel Drives (1923-1945) : déporté à Mauthausen, Kommando Melk

Henri Gonnet (1921-1944) : déporté à Mauthausen, Kommando Melk

Raymond Pommier (1922-1944) : déporté à Mauthausen, Kommando Melk

André Torino (1925- 1945) : déporté à Mauthausen, Kommando Gusen

Fernand Perret (1923-1945) : déporté à Neuengamme

Trois résistants et maquisards survivront à la déportation :

Georges Bonjour, Marcel Durand et Alexandre Reitzer, tous trois rescapés du camp de Mauthausen.

René Sotty, fusillé le 23 février 1944

L’acte d’accusation de René Sotty stipule qu’il est « membre d’un groupe de terroristes ; il a reçu des tracts d’agitation, qu’il a lus lui-même, et qu’il a distribués à d’autres. En contact permanent avec une employée de la mairie de Bourbon-Lancy, il a établi de fausses cartes d’identité qu’il a données à des réfractaires du travail. Participation au vol MATHIS. Auparavant, lettres de menaces adressées à Mathis. De plus, il s’est laissé à signaler, lors d’un entretien téléphonique, la germanophile F. La qualification juridique de l’action délictueuse reprochée aux six accusés est celle de « freischarlerei » (avoir été franc-tireur)[7]. »

René Sotty reconnaîtra « voir reçu et distribué des tracts, avoir « recommandé » Marcelle Fromant « mais il nie avoir jamais vu, ni eu, d’armes. Il décharge ses camarades[8]. » Il est poursuivi pour « activités terroristes » et il est « présenté comme particulièrement responsable parce qu’étant d’un niveau intellectuel très supérieur à celui de ses camarades[9]. »   

Condamné à mort par le tribunal militaire allemand FK 669 de Dijon le 16 février 1944, René Sotty a été fusillé le 23 février 1944 au stand de tir de Montmuzard, à Dijon.

Les jeunes résistants parodiens Eugène Auduc (1923-1944)[10] et Charles Carré (1924-1944)[11] partagent sa cellule, sans que l’on sache s’ils se connaissaient d’avant. Ils sont condamnés à mort le même jour que René.

Sur les murs de la prison d’Auxonne, les trois garçons auront eu le temps de graver :

« Auduc, Eugène, 21 ans, de Paray-le-Monial

Carré Charles, 20 ans, de Paray-le-Monial

Sotty René, 22 ans, de Bourbon-Lancy»

Condamnés à mort le 16 février 1944 comme francs-tireurs, Forces patriotiques de la Jeunesse. Vive la France[12] . »

L’épuration

Le 7 septembre 1944, la ville est libérée. « Au balcon de la pharmacie Mathis, (…) on accrocha 3 caricatures de pendus : Hitler, Louis Mathis et sa femme, Suzanne[13]. » Louis Mathis et son épouse seront jugés et condamnés à mort par le Cour de justice de Saône-et-Loire en novembre 1945 mais il aura fallu quand même trois procès pour y arriver. Lui sera fusillé le 5 mars 1946 à Chalon-sur-Saône. Suzanne Mathis verra sa peine commuée en travaux forcés. Elle bénéficiera d’une libération anticipée le 3 juillet 1954. Marcelle Fromant sera jugée par contumace en 1945 à la confiscation de ses biens et à la mort. Partie soi-disant avec la Waffen-SS, elle décède en 1996.

René Sotty a été décoré, à titre posthume, de la médaille de la résistance par décret du 28 juillet 1955. Il a obtenu la mention « Mort pour la France. »


[1] http://bourbon.lancy.free.fr/histoire/histoire.htm

[2] Jeannet, André. Mémorial de la résistance en Saône-et-Loire. Biographies des résistants. Mâcon : JPM éditions, 2005, 443 p. p. 64 et p. 211.

[3] Gillot-Voisin, Jeanne. La Saône-et-Loire sous Hitler. Périls et violences. Mâcon : Fédération des Œuvres Laïques, 1996, 252 p., pp. 110-111. L’historienne souligne que Marcelle Fromant est la maîtresse du commandant Otto. En décembre 1943, elle n’est que blessée et évacuée par les Allemands. « Dès janvier 1944, [écrit J. Gillot-Voisin], elle contracte un engagement dans la Waffen-SS comme infirmière ».  

[4] R. Otto est abattu par le résistant par le résistant communiste Joseph Fimbel (1909-1944) à Poisson le 6 juin 1944 alors qu’Otto et ses hommes viennent l’arrêter.

[5] Georges Bonjour « Lieutenant Xavier » Nommé le 18 octobre 1943 à Chalon-sur-Saône, adjoint aux effectifs régionaux de l’état-major départemental F.T.P.F. de Saône et Loire avec le grade de sous-lieutenant, par Louis Corlin dit « Max ».

[6] Pour les biographies, se référer au blog : http://resistantsbl.canalblog.com/. Nous remercions l’auteur de nous avoir permis d’utiliser ses données. Voir également les notices du Maitron en ligne.

[7] Gillot-Voisin, Jeanne. La Saône-et-Loire…, op.cit., p. 108.

[8] Idem.

[9] Ibidem., p. 109.

[10] Eugène Auduc est fusillé le 9 mars.

[11] Charles Carré est fusillé le 23 février.

[12] Gillot-Voisin, Jeanne. La Saône-et-Loire…, op.cit., p. 109.

[13] http://bourbon.lancy.free.fr/histoire/histoire.htm