« Dans un camp de concentration, la présence d’un arbre de Noël est toujours douloureuse. Il faut rappeler que les nazis, particulièrement attachés au paganisme et hostiles à toute manifestation de foi religieuse, se sont souvent comportés de la manière la plus bestiale qui soit pendant la nuit de Noël, synonyme d’espoir et d’innocence.
A Flossenburg, le 22 décembre 1944, ils font dresser un immense sapin sur la place d’appel du camp de concentration. Des centaines de petites ampoules le décorent. En face, la potence est là, avec six nœuds coulants. Devant les déportés rassemblés, six prisonniers sont tirés des rangs et sont pendus.
A Ravensbrück, le camp de concentration pour femmes situé dans le Mecklembourg, les prisonnières du Bunker sont battues à coups de schlague pendant la nuit de Noël. Geneviève de Gaulle, témoin auditive de la scène, s’en souvient 54 ans plus tard : « Cette journée du 24 décembre est plus triste et plus longue qu’aucune autre. Elle se termine d’abord par un bruit de portes qu’on ouvre et referme. Puis j’entends des cris et des gémissements. Enfin le silence, qui me semble encore plus terrible. Soudain une voix de femme chante Stille Nacht, heilige Nacht (douce nuit, sainte nuit). D’où vient la voix ? Est-ce une prisonnière, une surveillante ? Qu’importe ! Bénie soit-elle car avec ce chant la paix est un peu revenue. Avant de m’endormir je chante à mon tour Il est né le divin enfant, Les Anges dans nos campagnes et l’Adeste fideles. Mais je me refuse Mon beau sapin car les sapins du Mecklembourg car les sapins du Mecklembourg n’apportent pas d’espérance n’apportent pas d’espérance ». (extrait de La traversée de la nuit, Seuil, 1998)
A Natzweiler Struthof, à la Noël 1943, la scène est tout aussi terrible, comme en témoigne le déporté Eugène Marlot : « Tout l’état-major du camp était là, autour de la potence, autour de Kramer [le commandant du camp]. Apparemment très détendus en ce jour de fête, ces messieurs devisaient entre eux, fumant le cigare. C’était Noël. Quand le condamné arriva, monté de la prison par les escaliers, et à grands coups de pieds dans le derrière, il monta sur la caisse et se passa lui-même la corde autour du cou. Apparemment las de la vie. La trappe tomba. Il y eut quelques balancements, quelques soubresauts et puis… plus rien. C’était le jour de Noël 1943. »
Camp du Struthof, des messages, « comme des semences pour l’avenir ».
Au camp du Struthof, en 2012, chaque visiteur était appelé à « habiller [l’]arbre de Noël, (…) à le couvrir de vos mots d’espoir. (…). Accrochez simplement votre message aux branches à l’aide d’un ruban vert. Ces messages seront précieusement conservés comme des semences pour l’avenir. »
Merci pour cet article; il résonne de tant d’émotions en cette période festive pour les familles et les enfants !
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Voir le livre de Robert Antelme déporté à Buchenwald « l’espèce humaine » 1957 réédition 1999. Un soir et une nuit de Noël dans l’enfer concentrationnaire :
http://d-d.natanson.pagesperso-orange.fr/noel.htm
A lire aussi » le Pain des temps maudits » de Paul Tillard (1965).
Le jour de Noël 1944, un supplice :
« Les SS avaient fait monter l’enfant sur une table, puis sur une chaise et il avait été pendu par les poignets, bras en arrière, à une poutre fixée à l’horizontale aux troncs de deux arbres (…)
La chaise avait été enlevée, puis la table, et le corps se balançait. Les deux bêtes bondirent d’un même élan, la mâchoire du premier claqua dans le vide ; mais celle du second happa un pied de l’enfant à un mètre cinquante du sol (…)
Je m’aperçus que le second chien avait à son tour happé l’autre pied et que le poids des deux bêtes immobilisait le corps de l’enfant (…)
J’avais l’impression que le millier d’hommes qui m’entouraient, immobiles sous le ciel étoilé, devant les lumières de manège du sapin, face à cet enfant supplicié, avaient cessé de respirer. Plus aucun bruit, un silence de tombe, si ce n’était, à intervalles, le sanglot lointain du gosse qui suppliait : Pieta, commandante ! Pieta !… (…)
L’enfant hoquetait maintenant. Les deux chiens avaient lâché prise. Le Hauptsturmführer leva sa cravache sur eux pour les séparer car ils se disputaient un morceau de chair, vraisemblablement un pied arraché à la jambe du supplicié ; puis il s’approcha, pistolet au poing. C’était un spécialiste de l’ « Aktion Kuegel », un as de la balle dans la nuque, à cinq mètres. Il y avait gagné ses galons. Pieta ! dit encore le gosse. Un coup de feu claqua. Ce fut pour moi comme si je recommençais à respirer. »
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