Après avoir présenté le parcours d’Alexandre Kostanda au 4e Bataillon de choc, voici celui de son compagnon Joannès Benay, co-auteur de l’ouvrage : « Les transmissions du maquis au 4e bataillon de choc : Bourgogne, Franche-Comté, Alsace, Palatinat, Wurtemberg. »

Né le 7 février 1923 à Lyon, Joannès Benay a dix-sept ans et vit à Fontaines-sur-Saône avec sa famille lorsqu’il décide d’entrer en résistance. Il comptait rejoindre l’Angleterre via l’Espagne mais le voici bloqué à Béziers. Dépité, le jeune homme regagne Lyon où il suit ses cours à La Martinière. Les connaissances acquises en langues vivantes, sténodactylographie, dans les systèmes à cartes perfo­rées (Hollerith, Samas Power, Bull), lui seront très utiles des Chantiers de Jeunesse jusqu’en Allemagne.

Au chantier de jeunesse à Péage-de-Vizille

En 1943, il est incorporé aux Chantiers de jeunesse de Péage-de-Vizille (Isère), groupement 12. Là, raconte-t-il, « Il règne dans les camps une indescriptible pagaille.  De nombreux jeunes s’évadent. Mes fonctions me donnant accès aux documents officiels et aux tampons, je « libère » plus d’une centaine de jeunes avec un « faux vrai certificat de libération ». J’en profite pour m’en établir un en date du 23 mai 1943. Les Savoyards rejoignent leurs villages en traversant les Alpes ou viennent grossir les maquis de la région. » Lui n’aura pas la chance de partir tout de suite et il restera au Chantier de jeunesse, déplacé alors à Saint-Gilles dans le Gard. Le 15 août 1943, il s’évade enfin du camp et rejoint Lyon. Déserteur, il se cache alors dans le Cher à Saint-Priest-en-Murat chez la famille Boulicot.

Retour à Lyon et départ pour le maquis de Cluny

Il revient à Lyon en avril 1944 et obtient un emploi d’opérateur au service mécanographique de la Caisse d’Allocations Familiales du Sud-Est, place Bellecour. Il prend contact avec le « réseau Bellecour » et décide de partir au maquis en août 1944 avec ses copains : Laurent Vachet, Pierre Guillermin, Émile Rossignol et Marcel Daveau. Ils sautent du train à Crêches-sur-Saône et rejoignent le maquis de Cluny. Là, ils sont affectés à la compagnie de Taizé : « Quelques officiers en uniformes nous interrogent et nous sommes affectés à la Cie de Taizé où nous fûmes bien accueillis par le Capitaine Fruitier. Après nous être restaurés, nous fûmes conduits à notre cantonnement dans le château de Taizé. Fatigués, émus, heureux de nous trouver en territoire libéré, on s’endormit du sommeil du juste. Le lendemain nous fûmes séparés, Pierrot et moi dans le groupe du Capitaine Fruitier et les autres dans celui du Lieutenant du Chaffaut. »

« A peine arrivé au maquis, j’ai utilisé mes compétences en téléphonie pour établir de nouvelles liaisons indépendantes des centraux car ceux-ci pouvaient tomber aux mains des allemands s’ils se lançaient dans des opérations de représailles. Il s’agissait de relier deux points parfois distants de 5 à 10 kilomètres. Il fallait couper deux fils de part et d’autre et raccorder de chaque côté la ligne à un poste téléphonique à pile avec magnéto d’appel. » 

À Sennecey-le-Grand, Benay est cité à l’ordre du régiment et fut décoré, en raison de sa bravoure lors des combats, de la Croix de guerre avec étoile de bronze. Le 13 septembre, il s’engage à Bergesserin avec ses copains de Fontaines-sur-Saône. Il fera partie de la 3e compagnie.

La campagne du Doubs : auxiliaire de Kostanda

Pour Benay, c’est la « campagne du Doubs » : Avarme ; Longevelle… La Prétière, Avoudrey. Atteint d’une myopie qui s’aggrave, Benay se voit obligé de quitter la 3e compagnie : « Je fus convoqué au P.C. et on me proposa de suivre un stage de transmissions au Valdahon ce qui n’était pas pour me déplaire compte tenu de mes connaissances en la matière.  Alexandre Kostanda venait de trouver en moi un auxiliaire pour, à ce moment-là, une problématique section de transmissions qui en fait ne vit le jour qu’à Belfort juste après la fin de mon stage. »

Il étudie pendant son stage les procédures d’identification, de conversation et d’appel et le morse. Au jour le jour, Benay raconte ensuite, avec force détails, les difficultés rencontrées.

La trouée de Belfort avec les pigeons

Dans la campagne de la trouée de Belfort, « Il a fallu pousser aussi loin que possible le téléphone sur les différents axes de la progression du groupement au fur et à mesure de son avance.  Au sein de la colonne sud et à l’intérieur du commando, l’agent de liaison et le coureur resteront le seul moyen possible de communiquer. Un palliatif : les pigeons. Tous les jours impairs et entre 16 h et 17 h, le groupement pourra percevoir vingt pigeons au colombier du 1ere Corps d’armée. Chaque colonne pourra prendre au P.C. du groupement un poste de quatre pigeons. »

La campagne d’Alsace « Téléphoniste » !

Lors de la campagne d’Alsace, d’autres problèmes surgissent : Nous courrions d’autres dangers, en particulier celui d’être tués par les troupes marocaines qui tenaient un secteur proche du nôtre. Quand on entrait dans leur secteur (il le fallait bien pour réparer les lignes qui le traversaient), on devait crier le mot de passe si on nous intimait l’ordre de nous arrêter. Un jour sur deux, Je mot de passe était en arabe et je ne m’en souvenais pas, encore fallait-ille prononcer correctement. Alors je criais « Téléphoniste » et cela marchait, car on avait fini par me connaître. Nous aurions bien été incapables de nous défendre dans les transmissions, on ne pouvait pas s’encombrer d’un fusil ou même d’une Sten à la mauvaise réputation, nous n’avions qu’un colt, juste valable pour le combat rapproché. » Puis le 31 décembre : « un feu d’enfer se déclencha sur tous nos points d’appui. Tous les volets des lignes du central tombèrent. Les P.A. demandaient les observatoires pour obtenir l’intervention de notre artillerie. Les commandants des Compagnies demandaient le P.C., etc. Les mortiers adverses se déchaînèrent appuyés par plus de 150 coups de canon automoteur. Cela semblait bien être une attaque en règle. J’établis le plus rapidement les liaisons. A la demande du P.C. les feux oranges, rouges et les fameuses « sardines » se déchaînèrent sur les positions allemandes pendant plus de 5 heures. Heureusement grâce à notre réseau de transmissions et à l’efficacité de l’artillerie, l’attaque allemande fut contenue. (…) Depuis le 3 décembre, nos pertes ont été lourdes.  Le Commando ne compte plus que 250 hommes en état de combattre.  Nous avons perdu 183 de nos camarades dont 30 tués, 150 blessés, 2 disparus, 1 prisonnier. Il faut y ajouter un grand nombre d’hommes souffrant de gelures dues au froid rigoureux et nombre d’autres malades. (…) Le 5 janvier 1945, le Haut-Commandement nous fit l’honneur de nous consacrer « 4′ BATAILLON DE CHOC ». Nous avons constitué une demi-brigade avec le 2′ Bataillon de Choc (ex-bataillon Jeanson de Sailly). »

La campagne d’Allemagne

« Le 3 avril 1945, le Bataillon de Choc monte la garde le long du Rhin à son lieu de franchissement.  Enfin nous passons le Rhin. L’itinéraire de notre avance fut marqué par les villes suivantes : Gemersheim, Spire, Karlsruhe, Jockgrim, Rotveil, Messkirch, Buchau, Waldsee, Allensbach, Constance, Lindau où s’installera le P.C. de la 1ere Armée. »

Juin 1945 : au S.M.T.O

En juin 1945, Benay est invité avec plusieurs camarades de différentes unités à une réunion au P.C. du Général De Lattre de Tassigny, à Lindau. Remarqué par le général lui-même pour ses compétences, il est muté le 15 juillet avec comme affectation le Service Mécanographique des Territoires Occupés (S.M.T.O.), remplaçant le Service de Collecte des Effectifs. Le S.M.T.O. avait pour objet de collecter et de traiter les informations émises par les unités, dans des délais compatibles à la prise de décisions par l’Etat-Major de l’armée d’occupation.

La démobilisation

Le 26 décembre 1945, J. Benay est démobilisé à Sathonay dans le Rhône. Retourné à la vie civile, il organise et dirige le Service Mécanographique de la Caisse d’Allocations Familiales Agricoles de l’Isère à Grenoble. « Ce fut le début d’une longue et passionnante carrière dans la mécanographie, l’informatique et l’organisation des grandes entreprises et services publics français.  Après avoir passé plusieurs années à IBM France en qualité d’ingénieur technico-commercial, j’ai occupé plusieurs postes d’ingénieur en chef en organisation et de directeur commercial. »

Il assurera également la présidence de plusieurs associations françaises et européennes dans le domaine de l’informatique, exercera au CNAM comme professeur en gestion et dirigera plusieurs revues informatiques. Il créera également sa propre entreprise de Conseil en informatique : presse, publicité, relations publiques. Nous ignorons la date de son décès.