D’après le témoignage de Marie-Louise Clément, on sait que Marie-Louise Zimberlin est entrée en résistance dès 1940 et qu’elle a intégré le mouvement Franc-Tireur à l’été 1942. L’intermédiaire entre le mouvement de Jean-Pierre Levy et la Zim, c’est le professeur d’anglais à Bourg-en-Bresse, Jean Meunier. Nous en reparlerons.

Henri Deschamps, membre du comité directeur de Franc-Tireur, la nomme à cette époque « chef de la propagande » du mouvement pour la région clunisoise. Quant à son homologation au sein du réseau Buckmaster, Joseph Marchand (liquidateur du réseau), la date de septembre 1942 pour avoir effectué des « liaisons » comme agent P2. Au sujet de ces « liaisons » pour Buckmaster, il s’agit d’effectuer des tâches de surveillance, d’hébergement et de faire office de boîtes aux lettres.


Entre 1942 et le 15 février 1944, date de son arrestation, quelle est précisément l’action de La Zim à Cluny, à Lyon et à Avignon, en collaboration ou non avec sa sœur  et en dehors du réseau Buckmaster ? Le manque de sources et la difficulté à déchiffrer la correspondance codée qu’elle entretient avec sa sœur ne facilitent pas la tâche. Néanmoins, nous rassurons nos lecteurs : si le sociologue Jean-Claude Barbier pense dans son récent ouvrage (avril 2019), qu’il est difficile de repérer [dans les archives Zimberlin] les papiers authentiques et les copies, pour notre part nous ne travaillons qu’à partir des sources manuscrites et iconographiques retrouvées chez Marie-Louise Clément (petite-fille de Pierre Dameron) en 2002-2003 et léguées par Pierre Paget, alors propriétaire de la « maison Dameron ». Depuis cette date, d’autres sources ont pu être collectées auprès de descendants de personnes déportées à Ravensbruck ou d’Avignonnais : témoignages oraux, correspondances, etc. Notons également que nous avons également travaillé à partir des sources du mouvement Franc-Tireur (Archives nationales et CHRD Lyon), réseau auquel elle et sa soeur Sophie appartenaient.

Cette parenthèse faite, il y a donc plusieurs documents -dans les « archives Zimberlin »- qui peuvent donner des indications sur l’implication de la résistante. Y figurent quelques noms de personnes avec lesquels elle a été en contact : Frenay, Albrecht, qu’elle a reçus chez elle en 1943 au sujet de Brown-Bartrolli, mais comme le disait fort bien M-L. Clément : Frenay et Albrecht n’étaient par « leurs chefs ». Il est clair que les deux résistantes n’appréciaient ni spécialement le chef giraudiste du mouvement Combat, ni « l’Anglais » qui avait pris le contrôle d’une partie de la résistance clunisoise. Elles étaient sûrement plus proches du groupe F.T.P. de Roger Angebaud que de Tiburce. Henri Doridon, arrêté avec Angebaud en mai 1944, gardera le souvenir de la Zim : « une vraie patriote », selon lui.

Selon M-L. Clément (elle rédige une notice en 1945, date à laquelle est organisée à Cluny une cérémonie en l’honneur de son amie déportée et décédée), la Zim est en contact avec Monjaret, Lucie Ferlet, ou accueille chez elle, rue Joséphine Desbois : Henri Deschamps dont nous avons parlé dans un précédent article, le professeur Jean Meunier, M. « Clovis » et M. « H » professeur de droit. Elle reçut aussi Lapoule. Tous sont membres de Franc-Tireur. Qui sont-ils exactement ?

Voici les portraits de ceux qui ont pu être identifiés avec certitude.


« Lapoule » – Gérard Hennebert

En septembre 1942, Jean Moulin « Rex » confie à Monjaret le poste d’officier de liaison auprès du mouvement Franc-Tireur. Cette organisation de résistance, dirigée par Jean-Pierre Lévy, n’avait pas de correspondant au B.C.R.A., tandis que « Combat » et « Libération » avaient les leurs : Raymond Fassin pour « Combat », et Paul Schmidt (KIM) pour « Libération ». Monjaret prend alors le pseudo d’ »Hervé » pour la France et « FRIT » pour les relations avec Londres. Parmi les « FRIT » qui ont constitué son état-major, on trouve « FRIT B », Gérard Hennebert, dit La Poule, Lapoule ou Baron.


Né en 1913, Gérard Hennebert est élève-officier à l’École de l’Air à Bordeaux en 1939. Démobilisé, il cherche à passer en Angleterre, échoue et rejoint finalement le mouvement Franc-Tireur en 1941. Convaincu par Hervé Monjaret, il travaillera à la prospection de terrains pour les parachutages et les atterrissages dans la région de Roanne. Saint Romain la Motte, Villerest, Ouches, et Lentigny sont retenus par le mouvement Franc-Tireur en accord avec les envoyés de Londres. De son côté, la Zim travaille elle-aussi au repérage de terrains. On peut supposer qu’elle a donc accueilli Hennebert chez elle à Cluny pour une simple question d’hébergement ou pour cette question des terrains à faire homologuer pour le mouvement Franc-Tireur.

À Lentigny, le terrain est nommé « Poire ». Un premier parachutage a lieu le 11 novembre 1942. Peut-être est-ce une indication pour comprendre une des phrases codées de M-L. Zimberlin à sa sœur :

« Le Roquet  m’a envoyé aussi des pommes. J’ai répondu illico et le lendemain, j’avais une lettre où elle me disait de les baptiser poires je suis navrée… et j’espère ne pas lui avoir fait d’ennui elle sera avec toi demain. »

L’interprétation est peut-être tirée par les cheveux mais, sachant que le terrain « Pomme » dans la région de Cluny reçoit son premier parachutage le 28 octobre 1942, le deuxième est programmé sur le terrain « Poire » le 11 novembre suivant. On attend sur le sujet l’avis des spécialistes des parachutages…


Lapoule participe également à des actions de sabotage : il dirige ainsi le commando Franc-Tireur qui détruira partiellement en décembre 1942 l’usine France-Rayonne à Roanne. Les Allemands seront ainsi privés de livraison de textile synthétique (de la fibranne) pendant quelques semaines.

Lapoule sera ensuite envoyé à Toulouse auprès de P. Rateau, chef du Centre des Opérations de Parachutages et d’Atterrissages (COPA, ex-SOAM) puis il part en Angleterre pour suivre un stage d’officier opérations. À son retour en France, il commande les opérations aériennes dans la région R5 au sein de la Section des Atterrissages et des Parachutages (SAP).

Lapoule sera arrêté le 5 avril 1944 mais réussit à s’évader. Après la guerre, il s’engage en Extrême-Orient. Démobilisé, il reste à Saigon pour travailler dans l’agriculture. Victime d’une embuscade du Viet-Minh, il décède le 15 août 1953.  

Gérard Hennebert est Compagnon de la Libération, décoré de la Légion d’Honneur, de la Croix de Guerre 1939-1945, de la médaille de la résistance et du Distinguished Service Order.

Base Leonore- Dossier Légion d’Honneur de Hennebert (cote
19800035/720/81967)