Si l’oncle Ernest a piqué ses châtaignes ?

Nous sommes arrivés au terme des « Mots de la résistance ». Mais voici la dernière curiosité. Au dos d’une enveloppe adressée à Sophie, quelques mots de Marie-Louise adressés à sa soeur Sophie.

Une histoire de châtaignes, à Biasses en Lozère. Voir si l’oncle Ernest « a piqué ses châtaignes ». Qui est l’oncle Ernest, Me Hours, qui est la cousine Fernande et pourquoi aller à Biasses ???

Avec cette histoire de châtaignes, nous restons donc sur notre faim. Marie-Louise et sa sœur, dans leurs courriers, ont usé à l’envie de références, de codes qu’elles seules pouvaient déchiffrer. Si nous avions trouvé les archives de Sophie, peut-être aurions nous pu comprendre… Et ce n’est pas faute d’avoir remué ciel et terre !

Mais Sophie a légué tous ses biens à l’Armée du Salut qui ne se souvient pas de ces archives familiales, sûrement parties dans une déchetterie quelconque. Néanmoins, elle avait pris la précaution de donner à Marie-Louise Clément, une partie des courriers que la Zim lui avait envoyés entre 1942 et 1944. Pourquoi avoir choisi de léguer à une résistante clunisoise ces lettres, celles que nous vous avons présentées, et pas d’autres si ce n’est parce qu’elles étaient représentatives de l’engagement des sœurs Zimberlin ?

Les deux sœurs ont peaufiné leur code à l’été 1942, lorsqu’elles se voient pour la dernière fois à Avignon. Cela leur a permis de vivre leur Résistance, sûrement au bénéfice du mouvement Franc-Tireur, mais pas seulement puisqu’elles ont aidé des enfants juifs.

Grâce à leur action, du matériel et des personnes transitent entre les maisons refuge de Cluny et Avignon. Si La Zim, obtient,à titre posthume, les Honneurs, sa soeur Sophie continue sa vie dans le plus parfait anonymat. Elle décédera seule, le journal Le Monde sur les genoux, dans sa maison du chemin de Lopy. C’est le pasteur, inquiet de ne pas la voir au temple, qui découvrira son corps quelques jours après son décès.

À ses amis, elle n’aura parlé que très peu de « sa » résistance, mettant toujours l’action de sa soeur en avant.

Et ses amis auront respecté ses silences sans chercher à savoir. Sophie leur a bien dit qu’il y avait des enfants juifs, des résistants, des agents, mais les confidences se sont arrêtées là. Regrettait-elle son engagement aux côtés de sa sœur ? Nous ne le pensons pas. Même si la guerre finalement lui a enlevé une sœur qu’elle chérissait plus que tout, elle se souviendra de leur combat. Sur le tombeau familial dans le magnifique cimetière d’Avignon, elle ne choisit pas n’importe quelle épitaphe à faire graver : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » On retrouve souvent cette phrase sur les tombes de résistants protestants, comme la famille Carton à Die.

Pour Sophie, en 1945, la vie continue. Ne pas regarder le passé. Elle n’a pas de dossier à Vincennes et elle n’est officiellement homologuée dans aucun réseau. Elle n’a surtout rien revendiqué.

L’historien Patrick Cabanel a intitulé son ouvrage sur l’engagement des protestants des Cévennes pendant la guerre : « Nous devions le faire, nous l’avons fait, c’est tout. » Une phrase qui résume à elle seule l’implication des protestants, anonymes, qui ont fait leur devoir.

Comme beaucoup de protestants, c’est ce que Sophie a fait, c’est tout.


Lettre à Sophie, 24 novembre 1942

Au dos de la lettre :

Lozère

Biasses

Me Hours

de la part de Soulier Fernande votre cousine

Si l’oncle Ernest a piqué ses châtaignes


[1] On trouve une famille Soulier qui vivent chemin de Lopy à Avignon, à côté de chez Sophie. Les Soulier sont nés à Le Pompidou, commune proche de Biasses. Peut-être s’agit-il de cette famille.

[2] Oncle = personnage important ?