On ne cire pas les meubles à Avignon avec de l’encaustique.

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Un grand merci à L.Chalon, J-Y. Gonod, L. Zajdel, J-B. Lalande et les étudiants des Arts-et-Métiers qui ont accepté de publier leurs articles.

Une série semble remporter un petit succès : ce sont « Les mots de la résistance ». Elle est bientôt terminée mais voici le numéro 16.

Bonne lecture et bon été,


Lorsque la Zim est arrêtée le 15 février 1944, les Allemands ne fouillent pas sa maison. Fort heureusement. D’après Serge Kastell, « encaustique » ou « cire » est synonyme d’argent. Et l’argent se trouve à la cave, rue de La Barre. La Zim -puis M-L. Clément (à partir du 14 février 1944)- en envoient régulièrement à Avignon. Le chemin de Lopy reste donc une maison refuge où l’on cache des enfants, où l’on accueille résistants et agents.

Après février 1944, même depuis Romainville où elle est internée, on voit combien la question d’envoyer des fonds à Avignon préoccupe toujours M-L. Zimberlin.


Lettre à Sophie, 26 janvier 1944. J’avais l’intention de t’envoyer un peu d’encaustique pour le cas où nous serions séparées pendant quelques semaines mais j’attends tes instructions. Ma dernière lettre était dans une toute petite enveloppe l’as-tu reçue ?

Lettre à Sophie, 10 février 1944. Je suppose que tu as encore de l’encaustique puisque tu ne me réponds pas là-dessus.

Après le 15 février 1944

Après l’arrestation de son amie le 15 février, Marie-Louise Clément prend le relais à Cluny pour envoyer de l’argent à Sophie :

M-L. Clément à Sophie, 29 février 1944. Si j’ai bien compris les nouvelles de votre amie Henriette, je vous enverrai des tickets la semaine prochaine et de la cire si vous en avez besoin.

NB : À cette date, pour des raisons de sécurité, Sophie se fait appeler « Henriette ».

Sophie « Henriette » à M-L. Clément à Cluny, 4 mars 1944. Si les gens de l’Allier ont besoin de chemises homme pour les remercier, j’en ai en ce moment. (…) Ne vous privez pas de tickets. La cire ne presse pas, vous l’enverrez quand cela vous arrangera.

NB : Comprendre pour les « gens de l’Allier », les gars du maquis.

La Zim à famille Dameron à Cluny (depuis Romainville), 10 mars 1944. Il y a à la cave de l’encaustique pour Avignon et du lard. Me Ste Marie a promis de faire quelque chose pour eux. Je pense à vous, j’espère que les grippés vont mieux.

NB: Me Ste Marie est peut-être le pseudo de M-L. Clément. Dans une lettre précédente, la Zim laissait sous-entendre que sa soeur rencontrait des problèmes à Avignon. Les « Grippés » concernent donc des gens à Avignon ou à Cluny.

La Zim à Gabrielle Dameron (depuis Romainville), 17 mars 1944.  Prenez chez elle de l’encaustique et du lard dans la cave. Elle se fait du souci pour tous.

NB : Pour des raisons de sécurité, La Zim écrit à la 3e personne et utilise dans ce courrier son pseudo « Hisaud ».

M-L. Clément (Cluny) à Sophie, 31 mars 1944. Aujourd’hui j’ai la conscience plus tranquille car j’ai mis à la gare hier une bouteille d’encaustique et des livres de Francis Bacon à destination d’Avignon. J’ai l’intention (mais l’enfer est dit-on peuplé de bonnes intentions) de vous envoyer un 2e colis sous peu car les transports menacent de se raréfier.

NB : Sophie est une personne cultivée et elle a elle-même une belle bibliothèque. Elle n’a donc sûrement pas besoin de livres. Y a-t-il, à cette date, des agents anglais « Francis Bacon » à exfiltrer de Cluny jusque dans le Sud de la France ?

Sophie « Henriette » à M-L. Clément, 4 avril 1944. Merci pour les livres et l’encaustique. Je vous dirai aussitôt de leurs nouvelles dès qu’ils arriveront. C’est peut-être prudent en effet de nous les faire parvenir avant que tous les trains ne soient sabotés.

M-L. Clément à Sophie, 5 mai 1944. Je vous ai expédié le dernier paquet d’encaustique mercredi. J’espère que vous pourrez ainsi attendre des jours meilleurs.

NB : Marie-Louise Clément signifie ici à Sophie qu’il n’y a plus d’argent à envoyer. Elle doit maintenant se débrouiller seule. La ville d’Avignon sera bombardée le 27 mai, faisant 525 morts, 800 blessés et des milliers de sinistrés. La maison des Zimberlin est touchée mais tient encore debout. Il faut maintenant attendre le débarquement, « des jours meilleurs ».