L’affaire du réseau Gallia 28 oct. 1943
Doussot, rappelons-le, entre à la Gestapo et livre des renseignements au réseau Gallia-Dupleix, dirigé par le commandant Dreyffus. Pour sa défense, il dira lors de ses différents interrogatoires qu’il a parfois été obligé de jouer le jeu de la Gestapo et d’user des mêmes procédés -violences, tortures- pour qu’on ne doute pas de lui avenue Berthelot.
Mais que penser de Doussot lorsqu’il torture des résistants qui appartiennent au réseau de résistance pour lequel il travaille ??? C’est le cas de Julien Schroeder, entendu par le juge Serager le 25 mai 1948.
Schroeder est un jeune résistant -il a vingt ans en 1943- et il appartient au réseau Gallia-Dupleix. Son chef était -dit-il, Girin, l’adjoint du commandant Dreyffus. Il s’est rendu une fois au fameux café Confort pour rencontrer Laurent Bazot « Noel » qui était leur agent pour les renseignements obtenus à la Gestapo.
Schroeder est arrêté -sous une fausse identité- le 28 octobre 1943 avec son camarade Henry Schuster (1893-1944) au 4, rue de la République. Emprisonné dans la baraque aux Juifs de Montluc, Schuster sera fusillé à Communay le 9 juin 1944 avec dix-huit autres camarades.
Le coup de filet de la Gestapo est important. Avec Schroeder se trouve également « Etienne », chef du 5e Bureau de la zone Sud[2]. Celui-ci est mort au cours de sa détention, suite aux sévices subis par Doussot.
Emprisonné à Montluc, Schroeder fait la navette jusqu’à l’avenue Berthelot plusieurs fois. C’est Doussot qui mène son interrogatoire : il veut des renseignements sur « Etienne ». Descendu à la cave, Schroeder ne peut que constater l’état dans lequel se trouve son camarade « Etienne ».
Cravache, nerf de bœuf sont employés par Doussot. Schroeder ne lâche rien. Lucien la Gestapo met ensuite son revolver sur la tempe du résistant et compte les secondes grâce à son chronomètre en or. Schroeder poursuit : « Par un hasard grotesque, ce chef était précisément celui pour lequel « Lucien » donnait des renseignements. J’ai donné le nom de mon chef en le déformant. (…) Je n’ai jamais vendu mon chef. » Selon Schroeder, Doussot était plus dangereux, lors de son interrogatoire, que l’Allemand qui le secondait.
Le lendemain, Doussot rencontre Girin du réseau Dupleix. Il lui fait part de l’arrestation de Schroeder qu’il a, selon lui, « encouragé ». Encourager, cela veut dire pour Doussot frapper et torturer.

Le jeune résistant réussit à s’évader de Montluc en février 1944 avec un autre interné, Jean Weber. Girin -qu’il a retrouvé- lui dira que son tortionnaire était bien « Lucien », Lucien la Gestapo, « une crapule et une brute mais que l’espoir des renseignements obtenus par lui, lui faisaient conserver le contact. » Le réseau Dupleix cautionne la présence de Doussot à la section IV et sait bien que ce dernier n’est pas un enfant de choeur.
Confronté à Schroeder, Doussot reconnaîtra les faits en 1948 mais, s’il l’a frappé, « c’était pour le faire parler, j’étais chez les allemands et je devais employer leurs méthodes. »

« À l’audience, [écrit le Commissaire du Gouvernement le 28 décembre 1949], Doussot n’a pas manifesté de regrets en présence de ses victimes. »
[1] Rapport du Procureur général près de la Cour de cassation à Paris, 16 juin 1949.
[2] Il s’agit de Pierre Wellhoff (1904-1944), chef du 5° bureau de l’Armée secrète qui a la responsabilité de l’action directe, nommé par Jean Moulin, juste après l’arrestation du Général Delestraint. P. Wellhoff est arrêté rue de la Tête d’Or au domicile de la famille De Graaff, son beau-frère. Le banquier Louis De Graaff meurt au cours de cette opération et plusieurs membres de sa famille sont arrêtés. L. De Graaff était chargé de convertir en Francs les dollars et les livres sterling envoyés par Londres et l’équipe de Jean Moulin.
On ne sait pas quand et comment est mort P. Wellhoff mais sa sœur l’aperçoit le 18 mars 1944 pour la dernière fois à la prison Montluc.