Après bien des péripéties administratives, commence celle de l’implantation de l’établissement dans la cité. Chacun à Cluny veut l’École dans son quartier, d’où des luttes ardentes au sein du conseil municipal.

Lettre de Pierre Dameron à sa fille Gabrielle, datée du 11 janvier 1904 :

« La question de l’École a fait grand pas depuis ton départ. Les amis des conseillers protestataires ou ces conseillers eux-mêmes ayant eu la mauvaise inspiration de chansonner la majorité en compagnie de ma modeste personnalité, la majorité s’est réunie et a décidé que l’emprunt pour la construction serait fait pour 30 ans et non pour 50. (…) Il y a tout lieu de croire que les ouvriers se mettront à l’œuvre avant Pâques. (…) J’ai l’honneur d’être le violoneux qui mène tout le monde à Cluny. »

Voici le genre de vers qui visaient Dameron : « C’finaud-là -A qui ça profitera -Baccalauréat -Ramona ! Ramona ! La chemina du haut en bas ! »

Les élections donneront une grosse majorité aux partisans de l’École : le premier de la liste a 693 voix contre 347 à la liste adverse. Joséphine Desbois, souhaitant léguer sa fortune pour le bien public, fait don à la ville de deux maisons et d’un pré en bordure du Fouettin, à la condition que les bâtiments y soient construits.

Construction de l’École pratique « La Prat’s »- Cluny

L’emplacement convient parfaitement et pour la remercier, la mairie de Cluny donne son nom à une des rues conduisant à l’École. Créée par arrêté ministériel en date du 6 août 1903, ouverte le 1er octobre de la même année, « l’École Nouvelle » accueille les élèves en octobre 1905. L’internat est terminé en 1906, année de l’inauguration officielle par Gaston Doumergue, ministre du Commerce.

À quels objectifs doit répondre le nouvel établissement ? « L’essentiel est de faire entrer dans l’industrie les jeunes gens et mieux vaut les y faire entrer par la grande porte que par la petite. » (Pierre Dameron)

La Prat’s- Cluny. Entrée officielle.
Les locaux

Monsieur Poinet, architecte départemental, prie Dameron de lui donner les plans tels qu’il les conçoit. Le directeur s’inspire de ce qu’il a vu au cours de ses visites aux écoles nouvellement bâties :

  • Bâtiment en double T, la partie centrale ayant 32 mètres, les ailes 31.
  • Un rez-de-chaussée, un premier et un deuxième étage.
  • Au-dessus un grenier sur la partie centrale, des vestiaires et des chambres de domestiques dans les ailes.

Au rez-de-chaussée, en arrière, une cuisine et ses annexes : lingerie, douches, caves. En avant, réfectoire, amphithéâtre, laboratoire, une salle de classe. La partie centrale doit être coupée, au rez-de-chaussée, par un vestibule d’honneur avec sur sa droite un parloir et sur sa gauche le cabinet du directeur dont l’appartement, desservi par un escalier montant jusqu’au grenier, est en communication directe avec les dortoirs. « Je fis l’image et l’exposai. Tout Cluny la vit. » (Pierre Dameron)


Plan de l’École réalisé par P. Dameron et exposé en 1901 dans la vitrine de Monsieur Lamante, Libraire à Cluny

Sa salle à manger ainsi que sa chambre à coucher communiquent avec les dortoirs. Il suffit de frapper pour qu’il soit immédiatement à la disposition du surveillant ou d’un élève. On accède aux dortoirs par deux escaliers en pierre, un dans chaque aile. Chaque chambre de surveillant se trouve à cheval sur le dortoir et sur les deux ailes.

« Les surveillants, sans soucis, dorment toujours profondément. Demandez-leur au lever : « Quel est donc l’élève qui a tant toussé cette nuit ? Je n’ai pas entendu, vous répondaient-ils neuf fois sur dix. Il me suffisait de franchir la porte pour être renseigné. » (Pierre Dameron)

Surveillant en plein travail. La Prat’s- Cluny vers 1935-1940.

Au premier étage, des salles de classe.

  • Au centre, deux classes pouvant recevoir chacune 55 élèves.
  • Aile sud : une classe de 72 élèves, une de 50 et une de 40.
  • Aile nord : 1 classe de 50 élèves, une salle de bureau commercial pour 30 élèves, une salle de dessin pour 72 élèves.

L’architecte accepte toutes les suggestions mais il remplace le rez-de-chaussée par un sous-sol, « afin de réserver à son édifice plus d’allure et de le faire valoir par un grand escalier. » Le devis de Monsieur Poinet ne doit pas dépasser 180 000 Francs et il s’élève à 240 000 Francs. Il faut réduire les dépenses : le clocheton imaginé est supprimé mais l’économie s’avère insuffisante. Rien n’est prévu assez largement et moins de six ans plus tard, il faut agrandir l’école existante, comme il faut d’ailleurs encore le faire en 1922 ; les dépenses sont telles que Dameron engage sur ses propres deniers un jardinier pour la plantation d’arbres :

« Domergue le jardinier planta des marronniers roses, des platanes, une enfilade de sapins, des troènes, thuyas, lauriers, des érables sycomores mais aussi 39 pommiers, des noyers, cerisiers, poiriers et abricotiers…»

Vue sur la promenade du Fouettin, La Prat’s- Cluny

Ainsi « le Château Dameron » aménage son environnement ; il s’embellit d’un joli parc arboré, se complète d’un verger et d’un potager qui se révéleront bien utiles pour améliorer le quotidien des élèves pendant la guerre.